Intervention de étienne Crépon

Réunion du jeudi 27 septembre 2018 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

étienne Crépon, président du CSTB :

Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger avec M. Jean-Luc Fugit au sujet de la note sur la performance énergétique produite par l'Office juste avant l'été. Sur les objectifs qu'elle fixe, sur les orientations qu'elle propose, je ne vois pas une feuille de papier à cigarette entre la position de l'Office et l'analyse des équipes scientifiques du CSTB.

J'ai une interrogation sur une préconisation que vous faites quant à la création d'un institut de la transition énergétique. On ne peut que partager l'objectif s'il s'agit de mieux faire travailler ensemble les chercheurs oeuvrant dans le domaine, qu'ils soient au CSTB, au CEA, dans les universités ou les autres centres de recherche. Par contre, j'ai une vraie réserve si cela devait conduire à la création d'un « machin » supplémentaire. Notre paysage scientifique a plus besoin de simplification que d'ajouts de petites structures.

Le CSTB est un petit établissement de recherche, avec deux cents chercheurs et soixante doctorants. Objectivement, nous sommes des nains scientifiques par rapport à des poids lourds, comme le CEA, le CNRS, ou les universités. Je constate qu'avec deux cents chercheurs nous sommes à la limite du sous-critique pour faire un travail scientifique pertinent sur les sujets de bâtiment. L'idée de créer une structure - si telle était l'idée, mais je ne le crois pas - qui regrouperait quelques dizaines de chercheurs, sur un domaine hyper pointu, sans insertion dans un environnement scientifique plus large, ne me paraît pas nécessairement la solution la plus pertinente. On le sait, nous sommes à un moment où les progrès scientifiques se font, d'abord et avant tout par la transdisciplinarité, ainsi que par l'ouverture des chercheurs aux problématiques et approches de leurs collègues travaillant dans d'autres domaines, plutôt que par la concentration d'experts travaillant dans un domaine donné.

Sur le fond de cette note de l'Office, les orientations et préconisations de l'Office sont largement partagées par les équipes du CSTB. Je me réjouis de cette production. J'avais juste un regret de forme. Parmi les personnes citées comme ayant été auditionnées, le CSTB, qui pourtant, je crois, avait alimenté les travaux des deux rapporteurs, n'a pas été mentionné. Cela a créé quelque émoi au sein de mes équipes. Je m'en suis expliqué avec M. Jean-Luc Fugit. J'ai indiqué à mes équipes que ce n'était en aucun cas un ostracisme du Parlement vis-à-vis d'elles. M. Jean-Luc Fugit m'a fait le plaisir d'accepter de venir en parler de vive voix avec les chercheurs.

Concernant la qualité de l'air intérieur, à la demande de l'État, le CSTB travaille sur ce sujet depuis une dizaine d'années avec l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI). Celui-ci est reconnu, au plan international, comme l'une des références sur cette problématique.

Ce sujet a fait l'objet de débats dans le cadre de l'examen du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), qui vient de passer en commission mixte paritaire. L'OQAI doit très probablement trouver un nouveau souffle, refonder son modèle, tant économique que scientifique. C'est l'un des sujets sur lesquels nous voulons travailler. Doit-on rester sur une logique d'enquêtes régulières, lourdes, et accessoirement très onéreuses, dans les logements ? Ou devons-nous utiliser d'autres outils offerts, d'une part, par le Big Data, d'autre part, par les avancées scientifiques de nos collègues universitaires en matière de pollutions chimiques ? Nous sommes au début de la réflexion. Je n'ai pas de feuille de route tracée sur le sujet. Nous allons devoir avancer pour fixer un programme de travail dans les années à venir.

Concernant l'incubateur d'entreprises mis en place par le CSTB, il semble qu'il réponde à un véritable besoin. À chaque campagne de recrutement, nous recevons une trentaine de candidatures. Je présiderai le jury de la quatrième campagne dans les semaines à venir. Il n'y a pas de baisse d'intérêt de la part des jeunes entreprises pour intégrer le CSTB. Ce succès, nous le devons au fait que nous proposons à des entreprises l'accès à nos travaux et à nos équipements scientifiques, et que nous le faisons sans arrière-pensée financière. Lors de la mise en place du CSTB'Lab, il a été clairement indiqué que le CSTB n'envisageait pas de relations capitalistiques avec les start-up. Cette démarche fonctionne, elle répond à des attentes. Le dispositif a une limite : pour que le système soit efficace, je dois garantir aux entreprises accueillies au sein du CSTB'Lab la disponibilité des chercheurs qui acceptent de les parrainer. On rejoint ce que j'ai indiqué précédemment : avec deux cents chercheurs travaillant au CSTB, autant, pour quelques dizaines de start-up, il est possible de dégager la disponibilité nécessaire à un accompagnement de qualité, autant, à plus grande échelle, ce ne serait pas raisonnable, et nous conduirait naturellement à une dégradation de la qualité de service.

Concernant les dérogations aux normes de construction, l'ordonnance qui les généralisera est à ma connaissance en cours d'examen au Conseil d'État. Elle n'est pas encore directement applicable. Cependant, il existe d'ores et déjà des possibilités de dérogations, qui ont été fixées par voie réglementaire par le Gouvernement. Le CSTB a développé une offre de service auprès des maîtres d'ouvrage et des industriels, pour les accompagner dans de telles dérogations. Il s'agit plus d'expertise que de recherche, en pratique. Si nous constatons, de la part d'un certain nombre de maîtres d'ouvrage d'équipements un peu emblématiques ou exceptionnels, un intérêt pour le dispositif, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui le nombre de travaux menés avec des maîtres d'ouvrage est très limité. C'est assez habituel dans le secteur de la construction. Les marges étant faibles, ce secteur a une très forte aversion au risque. De ce fait, une solution risquée ne sera choisie que s'il n'y a vraiment pas d'alternative, ou si sa rentabilité est potentiellement très forte. Ce secteur prend du temps pour se saisir des ouvertures qui lui sont faites, qu'elles soient réglementaires, scientifiques, ou techniques. La démarche est bien évidemment une démarche d'avenir. À titre personnel, je pense qu'il appartient plus au pouvoir réglementaire de fixer les objectifs que de dire comment on les atteint. Inversement, je suis convaincu d'une chose : avant que les acteurs de la construction ne s'en saisissent pleinement et que cela se généralise, il sera passé un peu de temps.

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