Le point suivant concerne la question de l'élaboration de scénarios technologiques. L'Office ne dispose pas en interne de compétences en la matière. Nous nous sommes rapprochés d'organismes de recherche ou de sociétés de conseil disposant déjà d'une certaine expérience dans ce domaine.
À ce jour, nous avons pu entendre sur cette question des scénarios le fondateur d'une startup spécialisée dans les simulations énergétiques, les représentants d'un cabinet de conseil ayant déjà conduit plusieurs scénarios énergétiques pour le compte de clients publics, ainsi que des représentants du CEA et de l'IFP-EN, associés à cette occasion, à l'initiative de l'alliance de recherche sur l'énergie ANCRE. La semaine prochaine, nous rencontrerons sur le même sujet M. Patrick Criqui, directeur de recherche au CNRS à l'université de Grenoble.
Ces premières auditions ont montré que le terme scénario technologique n'est pas vraiment consacré, ce qui ouvre un champ assez large pour apporter une réponse à la saisine. D'ailleurs, aucun des scénarios récemment publiés sur la mobilité décarbonée ne se limite aux seuls aspects technologiques. Ils mêlent considérations technologiques, économiques et aussi sociétales. En effet, s'agissant de technologies qui ont dépassé le stade du laboratoire, comme les véhicules électriques et même à hydrogène, l'incertitude porte en bonne part sur l'évolution des coûts associés à leur mise en oeuvre, et notamment en termes d'infrastructures, ce qui n'est pas neutre pour les collectivités locales en particulier.
Ensuite, la réalisation de tels scénarios nécessite en général de six mois à deux ans. Il nous semble donc impossible de respecter le délai imparti, c'est-à-dire la fin d'année. Il faudrait pourtant que les travaux puissent être engagés très rapidement. Cet impératif d'un démarrage rapide représente une réelle difficulté, au regard de l'obligation d'obtenir l'accord préalable des questeurs des deux assemblées, ainsi que des contraintes et des délais de mise en concurrence formalisée, incontournables pour toute dépense au-delà d'un certain montant (25 000 € HT) pour respecter les règles des marchés publics.
À l'Assemblée nationale, au moins un organe, le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, présidé par le président de l'Assemblée, a déjà appuyé certains de ses travaux sur des études réalisées en externe, à raison d'une à trois évaluations de politiques publiques par an en moyenne depuis 2010. Au Sénat, l'appel à des études externes a été plus exceptionnel, et a suivi d'autres procédures.
Nous avons d'ores et déjà engagé une démarche alternative, qui consisterait à recenser les divers scénarios ou études prospectives récemment publiés sur le même thème – ils sont relativement nombreux, nous le savons – à en réaliser des synthèses, à les comparer lorsqu'ils présentent des recouvrements, en procédant, lorsque cela apparaît pertinent, à une évaluation contradictoire, par exemple sur les émissions en CO2 durant le cycle de vie complet des véhicules. Ce travail présente l'intérêt d'économiser le temps nécessaire aux marchés publics évoqué précédemment. Néanmoins, il nécessite un travail important de compilation de données, qui mobilisera un temps conséquent, en regard de la durée de l'étude. C'est donc en particulier sur cet arbitrage que vos avis sont attendus.
J'ajoute que ces scénarios doivent nous permettre de répondre à la véritable saisine, c'est-à-dire à la faisabilité de l'objectif annoncé par le Gouvernement. Notre premier vice-président ne me contredira sans doute pas si je dis que le doute fait partie de la démarche scientifique. Cette étude doit nous permettre de valider ou, au contraire, de remettre en cause l'échéance ambitieuse de 2040. C'est l'essence même de notre Office d'évaluer les choix formulés par l'exécutif.