Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 27 septembre 2018 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

Vous avez raison sur tous les points. En premier lieu, j'ai évoqué la manière dont la légitimité de l'élection s'est imposée pour la désignation des représentants. Cet aspect est développé dans l'ouvrage de M. Bernard Manin sur les principes du gouvernement représentatif, que j'ai cité en référence. Ce dernier y explique bien, histoire et exemples à l'appui, comment au XVIIIème siècle a émergé le mode de scrutin par élection dans le cadre de la réflexion sur le contrat entre les gouvernants et les gouvernés. Par ce geste du vote, les citoyens participent à la désignation des représentants, et cela confère à ces derniers la légitimité ensuite de gouverner.

C'est une approche très différente de ce qui était considéré auparavant comme démocratique. Dans la démocratie athénienne par exemple, ou la République de Venise, on considérait que les citoyens étaient quelque peu interchangeables. Personne n'avait plus le droit de gouverner qu'un autre. Des systèmes de tirage au sort étaient instaurés, avec des mécanismes de contrôle. Bernard Manin insiste sur le fait que ces mécanismes de tirage au sort dans la démocratie athénienne n'avaient pas de dimension sacrée, ils n'avaient pas pour but de faire confiance aux divinités dans la désignation aléatoire, mais que c'était conçu comme un système par lequel n'importe qui pouvait se retrouver en situation de pouvoir, s'il l'acceptait, avec des systèmes de contrôles et de contre-pouvoirs. Ce que nous appelons aujourd'hui démocratie repose sur des systèmes de désignation au terme d'une campagne que, dans un passé lointain, on aurait considérée comme aristocratique.

Il importe de le rappeler pour évoquer la crise qui reste majeure en France, de la faiblesse de notre taux de participation, parmi les plus faibles d'Europe. Cela remet en cause de façon très sérieuse notre légitimité. Le travail d'explication, le travail de conviction auprès des citoyens est donc important.

Concernant la remarque du sénateur Le Gleut, le système allemand est complexe. Les citoyens allemands ne savent pas l'expliquer en pratique. Pour autant, le système allemand est resté très stable, il a subi beaucoup moins de réformes que le nôtre, et les élections allemandes ont des taux de participation sensiblement supérieurs aux nôtres. Cela démontre, je crois, que ce n'est pas la simplicité du mode de scrutin qui détermine l'engagement des citoyens à aller voter. Ce sont d'autres facteurs qui sont liés au climat politique, à la vertu perçue des partis, entre autres. D'ailleurs, en ce qui concerne la représentativité, les consignes, le comportement des différentes formations politiques, seront en réalité des déterminants majeurs.

Certains auteurs se sont demandé si un vote majoritaire ou un vote à la proportionnelle était préférable pour améliorer la représentation féminine. Cela influe à la marge. Ce qui compte, c'est vraiment la discipline des partis. Il en va certainement de même pour la diversité socioprofessionnelle.

Concernant la lisibilité, je pense qu'il faut insister sur les grands principes plutôt que sur les règles mathématiques. Ces grands principes me semblent les suivants : une assemblée plus large correspond à plus de représentativité proportionnelle et donc plus de représentativité au sens où la composition représentera plus le vote des citoyens. Mais d'un autre côté, on trouve la préoccupation de dégager une majorité pour gouverner.

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