Nous préconisons donc la mise en oeuvre d'une politique globale d'innovation de rupture et d'écosystème européen, dans la troisième partie de notre rapport. Il faut que nous apprenions à faire travailler ensemble les acteurs des politiques communautaires, afin d'assurer une coordination avec la politique d'innovation pour développer les synergies et assurer sa pérennité : je pense, par exemple, à la PAC pour moderniser les exploitations de manière durable, la politique de cohésion et des fonds structurels pour soutenir l'innovation dans les régions les moins avancées, la politique industrielle ou celle de défense.
La Commission européenne est, et je rejoins ma collègue sur ce point, confrontée à une problématique de mise en oeuvre de la transversalité, provenant, d'une part, d'un manque de transparence qui résulte davantage du mode de fonctionnement que d'une volonté délibérée, et, d'autre part, de la complexité des procédures, qui finissent par entraver la mise en oeuvre des politiques. L'exemple de la faiblesse du taux de consommation des crédits des fonds structurels européens en est une bonne illustration, en Europe et en France en particulier.
Le décloisonnement culturel passe, en outre, par une plus grande perméabilité entre le monde de la recherche et celui de l'entreprise afin de maintenir l'Europe attractive pour les chercheurs en leur garantissant une liberté créatrice et féconde. L'encouragement du mécénat d'entreprise, de nature à favoriser l'éclosion de start-up issues de laboratoires universitaires et de spin-off, est aussi un enjeu : il faut l'encourager en s'inspirant du fonctionnement des incubateurs. Ces derniers offrent un accompagnement ciblé, un réseau de partenaires ainsi parfois que des solutions de financement adaptées. Il convient de créer des « incitations » pour placer, au sein d'une équipe de recherche, un « manageur » chargé de l'aspect entrepreneurial afin de permettre aux chercheurs de se concentrer sur leur projet plutôt que sur le montage des dossiers en vue de la recherche des financements. Des programmes de formation à l'innovation de rupture au sein des universités, à l'image de l'initiative ProViking en Suède, gagneraient à être généralisés dans l'ensemble des États membres. Et en amont de la recherche, il est indispensable que la politique éducative renforce la culture entrepreneuriale et la prise de risque.
Au-delà, la réussite de la future politique d'innovation requiert la levée de multiples barrières financières et réglementaires. Il est nécessaire de réviser les différentes législations et obstacles réglementaires susceptibles de freiner le déploiement des innovations, de mettre fin à l'instabilité réglementaire consécutive à chaque changement de programme et source de complexité, afin d'offrir un cadre réglementaire stable aux innovateurs. À cet égard, les start-up bénéficiant d'aides européennes mériteraient également de pouvoir compter sur une assistance juridique. La proposition de programme-cadre Horizon Europe semble prendre en compte le besoin d'aménagements réglementaires. L'expérimentation réglementaire, dite de « bac à sable réglementaire » doit être encouragée par des dérogations en phase de test des innovations de rupture afin d'évaluer tant les performances techniques que les nouveaux usages susceptibles d'en émerger. À l'heure actuelle, l'aménagement du code de la route dans plusieurs États membres permet de travailler de façon collective sur le projet de véhicule autonome dans la circulation. C'est un très bon exemple.