Intervention de Ludovic Mendes

Réunion du jeudi 4 octobre 2018 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes, rapporteur :

Je voudrais rendre compte aujourd'hui de la réunion du groupe de contrôle parlementaire conjoint sur Europol qui s'est tenue les 24 et 25 septembre 2018 à Bruxelles. Au cours de cette réunion, des parlementaires européens de la Commission LIBE et des représentants des parlements nationaux ont discuté de l'actualité de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des services répressifs, plus fréquemment dénommée Europol. Il s'agissait de la 3ème réunion de ce groupe de contrôle depuis sa création en octobre 2017.

Le règlement européen qui fixe le statut actuel d'Europol prévoit que « le contrôle des activités d'Europol est effectué par le Parlement européen, avec les parlements nationaux. Ceux-ci constituent un groupe parlementaire conjoint spécialisé, établi ensemble par les parlements nationaux et la commission compétente du Parlement européen ».Ce groupe est donc chargé de veiller à la manière dont Europol remplit ses missions et tout particulièrement de mesurer l'impact de son action sur les libertés et les droits fondamentaux des personnes. Il associe seize députés européens de la Commission LIBE et des représentants des parlements nationaux (2 ou 4 représentants par État membre selon s'il existe un système bicaméral).

De quels pouvoirs dispose le groupe de contrôle parlementaire conjoint ? Le Règlement européen qui fixe le statut d'Europol pose le principe d'un contrôle politique exercé conjointement par le Parlement européen et les parlements nationaux mais ne définit pas les modalités opérationnelles de ce contrôle et renvoie aux membres de ce groupe le soin de définir une méthodologie de contrôle. C'est pourquoi, le Groupe de contrôle a élaboré un règlement intérieur qui définit les modalités pratiques d'exercice de ce contrôle. Son élaboration a fait l'objet de longues négociations entre les parlements nationaux et la Commission LIBE et il a été adopté formellement lors de la réunion du 18 mars 2018 à Sofia.

Le Règlement européen prévoit néanmoins que le Groupe de contrôle est en droit d'entendre le président du conseil d'administration d'Europol, et son directeur exécutif ainsi que le contrôleur européen de la protection des données qui doit rendre compte de la manière dont Europol assure la protection des données à caractère personnel. Le champ d'investigation du Groupe de contrôle est assez large puisqu'il peut évoquer l'organisation structurelle d'Europol, la mise en place d'unités spécialisées pour suivre certaines formes de criminalité et les aspects budgétaires. Il est consulté sur la programmation pluriannuelle d'Europol qui fixe les grandes priorités de l'Agence et peut demander la communication d'autres documents pertinents nécessaires à l'exécution de ses missions. En réalité, le contenu de ce contrôle sur Europol reste encore à définir. Les modalités de ce contrôle sont par ailleurs délicates car il faut trouver un juste milieu entre la volonté de connaître les missions d'Europol et la nécessité de préserver une certaine confidentialité compte tenu des activités policières de l'Agence. Le groupe de contrôle tel qu'il est organisé aujourd'hui est une enceinte nombreuse et il semble difficile de pouvoir évoquer devant plus de cent personnes certains aspects opérationnels. C'est aussi ce qui limitera à l'avenir la diffusion de certains documents de travail réalisés par Europol qui ne peut prendre le risque de rendre public des éléments confidentiels de sa stratégie.

C'était la première fois que je participais à une réunion du groupe de contrôle et j'ai été frappé par le style des réponses apportées aussi bien par la directrice exécutive que par le président du conseil d'administration qui ont donné des informations très générales avec peu d'exemples concrets, tout en souhaitant associer étroitement les parlementaires aux choix stratégiques de l'Agence. Certains aspects du fonctionnement de ce groupe de contrôle conjoint ne sont pas encore réglés comme celui du statut du Danemark qui voudrait avoir le statut de membre de droit du groupe de contrôle, alors même qu'il n'est plus membre d'Europol mais seulement État associé. Un groupe de travail restreint devra faire des propositions pour déterminer si le Danemark pourrait avoir un statut d'observateur privilégié au sein du groupe de contrôle. L'autre question institutionnelle en suspens porte sur la représentation du groupe de contrôle au conseil d'administration d'Europol. À titre transitoire, c'est un parlementaire bulgare, M. Tsvetan Tsvetanov, président de la commission de la sécurité intérieure et de l'ordre public qui siège au conseil d'administration d'Europol. Lors de sa prochaine réunion le conseil d'administration d'Europol devra définir des dispositions pérennes pour prévoir cette représentation du Groupe de contrôle.

Les membres du groupe de contrôle doivent pleinement utiliser les moyens dont ils disposent pour exercer leur contrôle sur Europol. Le règlement intérieur prévoit par exemple que les membres du groupe de contrôle ont le droit de poser des questions écrites à Europol en dehors des séances de réunion officielle du groupe. Cette possibilité doit être utilisée par les parlementaires pour suivre l'évolution de certaines questions importantes comme les travaux relatifs à l'interopérabilité des bases de données de sécurité au sein de l'Union européenne. Nos collègues allemands ont beaucoup insisté lors de la discussion du règlement intérieur, sur l'importance de la continuité du contrôle, deux réunions annuelles en séance plénière ne pouvant être suffisantes pour organiser un contrôle efficace sur Europol. C'est avec le même objectif, que le règlement intérieur prévoit aussi la possibilité de créer des commissions spécialisées pour suivre une problématique particulière. Pour l'instant, aucun membre du groupe de contrôle n'a demandé la constitution d'un tel groupe de travail spécialisé alors même que le suivi des négociations entre Europol et les États tiers pour instaurer des échanges de données personnelles pourrait par exemple nécessiter une démarche de contrôle approfondi.

Cette réunion nous a permis de mieux connaître les priorités actuelles d'Europol grâce à l'intervention durant cette réunion de la nouvelle directrice exécutive d'Europol, Mme De Bolle qui était jusque-là commissaire générale de la police fédérale belge. Elle a pris ses fonctions le 1er mai 2018, pour une durée de quatre ans. Lors de son intervention elle a souligné la profonde complémentarité entre Europol et les forces de police des États membres. Afin de mieux connaître les attentes des forces de police des États membres, elle s'est déplacée dans toutes les capitales pour avoir des retours d'expérience avec les acteurs locaux et déterminer comment Europol pouvait apporter un meilleur appui technique et opérationnel aux différents services répressifs des États membres.

Pour renforcer la capacité d'analyse des services d'Europol et pouvoir traiter des mégadonnées criminelles, il reste encore beaucoup de travail à mener pour parvenir à normaliser les informations transmises par les États membres au système d'information d'Europol, via le réseau informatique sécurisé SIENA. Mme De Bolle a indiqué que cet objectif de long terme supposait tout d'abord de lourds investissements informatiques pour améliorer l'interopérabilité entre le système d'information d'Europol et les systèmes nationaux ainsi qu'avec les autres agences européennes intervenant dans le champ de la sécurité et des migrations. Mais, l'amélioration de la qualité des analyses d'Europol suppose aussi de favoriser des cultures professionnelles communes et donc un effort de formation des policiers et autres professionnels de la sécurité pour faciliter la coopération policière transnationale et le recueil de données homogènes.

Un échange de vues intéressant a porté sur la contribution d'Europol à la lutte contre la criminalité financière et les mécanismes de financement du terrorisme. Le procureur général coordinateur national sur les questions de financement du terrorisme pour les Pays-Bas a apporté son témoignage en indiquant que des résultats importants avaient été atteints par la création d'une cellule qui associe policiers et représentants des autorités bancaires qui sur une base volontaire échangent des informations sur des transactions qui paraissent suspectes. Cette cellule a eu pour objectif de dresser une sorte de cartographie des réseaux qui facilitent le financement d'activités terroristes. Il s'agit d'un travail très complexe car les transactions sont souvent de faibles montants et s'organisent autour de multiples intermédiaires.

Mme De Bolle a indiqué que la criminalité financière était une des priorités d'Europol et que les États membres étaient très demandeurs d'un appui technique dans ce domaine. Par rapport à 2016, les échanges d'information relatives à la délinquance financière entre les États Membres et Europol ont augmenté de 81 % et les enquêtes financières avec l'appui technique d'Europol ont quant à elles augmenté de 110 %, ce qui démontre bien l'importance de ces sujets. Europol a aussi pour objectif de mieux éclairer les liens existants entre les différentes formes de criminalité, le produit du trafic de stupéfiants ou de migrants étant par exemple utilisé pour financer certains réseaux terroristes. Elle a souligné que la surveillance des transactions suspectes était rendue de plus en plus difficile en raison du recours aux crypto-monnaies ou à des transactions passant par le dark Web. Selon Europol, seules 10 % des transactions suspectes sont repérées et on évalue à 1 % le montant des avoirs criminels qui peuvent être saisis en Europe. Elle a annoncé le lancement d'un projet pilote anti-blanchiment qui associera des autorités publiques et des partenaires financiers privés pour la fin de l'année 2018. Quinze États membres participeront à cette expérience. Elle a conclu son propos en indiquant qu'il fallait aussi oeuvrer pour lever les obstacles juridiques concernant le partage d'informations financières entre les banques et les autorités répressives. Elle estime ainsi très important d'élargir le champ des informations accessibles aux cellules de renseignement financier pour qu'elles aient accès aux registres centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement que les États membres devront mettre en place pour identifier les titulaires de ces comptes.

En conclusion de ma présentation, je dois vous confier une certaine frustration de n'avoir pu obtenir d'informations plus précises de la part de la direction d'Europol. C'est pourquoi je suggère que la commission des affaires européennes organise une audition de Mme De Bolle à Paris pour que l'échange puisse être plus approfondi notamment sur la question de l'évolution d'Europol. Dans mon rapport d'information sur l'Espace Schengen et la maîtrise des frontières extérieures, j'ai plaidé pour un renforcement de la dimension opérationnelle de cette Agence afin de pouvoir mettre en oeuvre une véritable coopération policière transfrontalière. J'aimerais avoir le point de vue de la direction d'Europol sur les possibilités d'une plus forte intégration des forces de police à l'échelle européenne.

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