Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du lundi 15 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Présentation

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Ce projet de loi de finances – PLF – a un cap, celui de la prospérité française. Oui, l'objectif à long terme de ce budget est bien la nouvelle prospérité française, celle qui doit concerner tous les Français et tous les territoires. Elle ne doit pas reposer sur une dépense publique toujours plus grande mais doit être le fruit de la création de valeur par les Français et par nos entreprises. En effet, la voie de la prospérité fondée sur la dépense publique nous mène tout droit à l'accroissement de la dette publique et des impôts, là où nous voulons quant à nous réduire la dépense, réduire la dette, réduire nos impôts.

Ce projet de loi de finances obéit à une règle : la constance. Nous n'allons pas bouleverser la fiscalité française tous les quatre matins : les ménages et les entrepreneurs ont besoin de visibilité et de stabilité, celles-là même qui sont inscrites dans la trajectoire sur laquelle nous nous sommes engagés avec Gérald Darmanin.

Enfin, ce projet de loi de finances est cohérent par rapport à notre volonté de relancer l'activité économique en réduisant la dépense publique et la dette, en soutenant l'investissement et l'innovation, en baissant les impôts et en cessant de recourir systématiquement à un accroissement de la dépense publique comme cela a été fait depuis vingt ans.

Dans un temps de rupture technologique et d'instabilité internationale, la maîtrise des dépenses publiques et le soutien à l'innovation doivent être des règles d'or car elles préservent notre avenir, les générations futures, et elles permettront à la France de continuer à jouer les premiers rôles sur la scène européenne et internationale.

Pour commencer, j'aimerais rappeler d'où nous venons – rappeler la situation de la France pendant ces dix dernières années. En dix ans, le niveau de la dette publique a doublé. Entre 2007 et 2017, il est passé de 64 % à plus de 98 % de la richesse nationale. Nous inversons la tendance.

En dix ans, le niveau de dépense publique a lui aussi considérablement augmenté puisque entre 2007 et 2017, la dépense publique est passée de 52 % à plus de 55 % du PIB. Nous allons inverser cette tendance.

Enfin, en dix ans, le poids des prélèvements obligatoires, le poids des impôts, n'a cessé d'augmenter puisqu'il est passé entre 2007 et 2017 de 42 % à 45 % de la richesse nationale. Là aussi, nous allons inverser cette tendance qui a conduit à un montant total des prélèvements obligatoires de plus de 1 000 milliards d'euros – cela a été souligné par le rapporteur général – contre 670 milliards en 2002. Il est donc urgent de mettre un terme à cette inflation. C'est ce que nous faisons, monsieur le rapporteur général, et nous faisons même plus puisque nous inversons la tendance.

Je rappelle le cap qui a été fixé et que nous tiendrons, Gérald Darmanin et moi-même : cinq points de dette publique en moins sur la durée du quinquennat, trois points de dépense publique en moins sur la durée du quinquennat, un point d'impôts en moins sur la durée du quinquennat. C'est notre cap et il sera tenu.

Je rappelle également que de 2008 à 2017, pas un budget français n'a respecté nos engagements européens. En termes de dépense publique, ils ont toujours été au-dessus des 3 %. On peut contester cet objectif, mais nous, nous le revendiquons : nous avons réussi à sortir la France de la procédure pour déficit public excessif et à ramener le déficit sous la barre des 3 %. Cette constance est la clé du rétablissement des finances publiques. Nous avons un cap et ce cap sera tenu sur la durée du quinquennat.

Il est d'autant plus important de le faire à un moment où les inquiétudes internationales sont fortes et où l'instabilité liée au risque de guerre commerciale n'a jamais été aussi élevée.

Aujourd'hui, la croissance reste solide et à un niveau élevé. Après des résultats exceptionnels en 2017, on prévoit un taux de croissance de 1,7 % en 2018 et 2019. Il s'agit d'une croissance solide – je rappelle que la moyenne de ces dix dernières années était de 0,8 %.

Les indicateurs économiques sont également positifs, la confiance des investisseurs est là, les chiffres de l'attractivité française sont les meilleurs depuis dix ans, les investissements sont dynamiques, notamment dans l'industrie, ce qui valide notre choix d'alléger la fiscalité du capital en 2017 pour financer l'innovation et l'investissement dans l'industrie.

Ces résultats sont néanmoins insuffisants par rapport à nos partenaires européens. En moyenne, nous faisons moins bien qu'eux depuis des années en matière de chômage, de croissance, de déficit public et de dette. Or, la France n'a pas vocation à faire moins bien que ses partenaires européens, mais à faire mieux.

Nous accusons un retard préoccupant sur la digitalisation et la robotisation de nos entreprises, en particulier des PME. Nous innovons trop peu, trop tard, dans un nombre trop limité de secteurs. Je vous le dis avec beaucoup de gravité : il y a urgence à combler ce retard en matière de digitalisation de nos PME, et en matière d'innovation et d'investissement. S'il y avait un défi économique français, il serait là : améliorer la qualité des produits français, disposer de produits plus innovants, de meilleure qualité, à plus forte valeur ajoutée dans tous les domaines de la production française. Une fois encore, en matière d'innovation technologique, nous devons être devant, pas derrière.

Nous devons mettre en place des processus de production utilisant des technologies de pointe. Nous devons former les salariés à ces nouvelles technologies et leur permettre de maîtriser la course à l'innovation. Le défi français, c'est celui des ruptures technologiques, de notre capacité non seulement à les maîtriser mais aussi à les créer pour maintenir notre souveraineté technologique. Nous ne devons pas, demain, avoir de produits dont toute la valeur ajoutée, toute la technologie, toute l'innovation seraient soit américaines, soit chinoises. Nous ne sommes pas condamnés à être les vassaux technologiques des deux grandes puissances économiques mondiales. Nous devons rester souverains et, pour cela, investir, innover, faire la course technologique en tête et garder un esprit de conquête.

Nous devons le faire d'autant plus que nous évoluons dans un contexte économique instable, qui fait peser des risques sur toutes les économies. Cela été rappelé lors des dernières assemblées du FMI : jamais le risque de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis n'a été aussi élevé. Contrairement à ce que prétendent certains, personne ne sortira victorieux d'une telle guerre, qui ne fera que des perdants : des perdants dans l'industrie, des perdants dans les services, des perdants en matière d'emploi, des perdants en termes de croissance globale à travers le monde.

Au-delà de ce risque de guerre commerciale, de nombreuses incertitudes pèsent également sur la zone euro. Je tiens à rappeler que tous les membres de la zone euro sont solidaires : ce qui se passe dans un État membre affecte tous les autres États. Ce qui est décidé à Paris, Rome, Luxembourg, Berlin ou Madrid a désormais une incidence sur toutes les autres capitales, parce que nous l'avons souverainement choisi. C'est nous qui avons décidé de manière souveraine de lier nos destins autour de cette monnaie commune, première réalisation politique européenne depuis des décennies.

Cela nous impose des règles, des devoirs. La France respecte ces règles et attend de ses partenaires qu'ils en fassent de même, car nous sommes convaincus que la monnaie commune nous donne plus de force, plus de garanties. Dans la zone euro, les aventures solitaires ne nous conduiront nulle part. Au contraire, l'aventure collective, celle qui nous permettra d'aller vers l'union bancaire, vers un budget commun de la zone euro, nous garantira une monnaie solide, stable, capable de rivaliser avec le dollar, capable de faire librement du commerce avec tous les États sur la planète et donc de garantir notre prospérité sur le long terme. C'est le choix que nous faisons avec le Président de la République : un renforcement de la zone euro au service de l'indépendance et de la souveraineté européennes.

Raison de plus pour consolider notre situation, pour poursuivre avec constance le rétablissement des finances publiques autour de trois choix clairs et forts.

Le premier, c'est celui du travail. Le travail doit payer, et le travail paiera en France. La suppression des cotisations d'assurance chômage et d'assurance maladie, la suppression du forfait social sur l'intéressement pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés, la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires feront que tous les salariés français seront les grands gagnants de nos transformations fiscales. Le travail va payer et tous ceux qui, aujourd'hui, sont salariés en France verront que leur salaire net, au bas de leur feuille de paie, augmentera à la fin du mois.

Le deuxième choix, c'est celui de l'investissement. La clé de notre réussite, demain, je le répète, c'est l'innovation. Pour innover, pour monter en gamme, pour exporter, pour créer des emplois, pour avoir un tissu économique solide dans tous les territoires, il est indispensable que le coût du capital et la fiscalité soient moins élevés – c'est ce que nous faisons – et que des mesures spécifiques soient prises : c'est le sens du sur-amortissement sur les robots ou sur la digitalisation, afin que, dans les deux ans qui viennent, toutes nos PME puissent rattraper leur retard dans ce domaine.

Notre troisième choix clé, c'est celui de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique, dont chacun mesure, de façon de plus en plus tragique, les conséquences sur notre territoire et au-delà. La prospérité française ne peut reposer que sur un modèle durable et je souhaite que les entreprises publiques soient exemplaires en la matière. Dans les mois qui viennent, je ferai des propositions au Président de la République et au Premier ministre pour que les entreprises dans lesquelles l'État a une participation affichent des ambitions environnementales élevées et soient exemplaires. Je souhaite que le ministère de l'économie ne subisse pas le changement climatique mais qu'il apporte des solutions nouvelles et audacieuses, qui passent par plus d'innovation, plus d'exemplarité et une fiscalité plus adaptée à ce défi.

Le défi écologique exige des choix courageux, mais nécessaires, en matière de fiscalité environnementale, notamment la poursuite de la trajectoire de hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE. Mais nous serions critiquables si nous prenions ces décisions sans les accompagner de mesures pour soutenir les ménages qui sont les plus touchés par ces évolutions fiscales. C'est pourquoi nous allons, dans le même temps, amplifier notre soutien à la transition écologique.

Dans ce projet de loi de finances, nous prolongeons ainsi, avec Gérald Darmanin, le crédit d'impôt transition énergétique – CITE – , dont le coût représente 1,5 milliard d'euros et qui a bénéficié en 2016 à plus de 1 174 000 ménages. Nous prolongeons également l'éco-prêt à taux zéro et nous le simplifions radicalement pour qu'il profite à plus de familles. La prime à la conversion pour les véhicules propres, qui rencontre un immense succès, aura représenté en 2018 un coût de 330 millions d'euros pour 260 000 conversions. Nous allons poursuivre cet effort en 2019, en plus du bonus de 6 000 euros pour les véhicules électriques. Le chèque énergie, qui bénéficie à 4 millions de ménages, va être revalorisé : son montant moyen passera ainsi de 150 à 200 euros. Enfin, s'agissant des hydrofluorocarbures – HFC – , qui sont responsables d'une grande partie des gaz à effet de serre, le Gouvernement est ouvert aux propositions qui pourront émaner des parlementaires.

Le rétablissement des finances publiques suppose aussi des efforts de la part de chacun. Nous en avons demandé aux ménages en 2018, en différant et en réalisant en deux temps la baisse des cotisations salariales promise par le Président de la République. Dans le budget pour 2019, nous allons demander un effort aux entreprises, en reportant au 1er octobre l'allégement de quatre points des cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC et en augmentant le taux du cinquième acompte pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros.

Grâce à ces efforts, tous nos engagements seront tenus et le déficit public de la France sera de 1,9 % en 2019. Si l'on ajoute à cela la mesure exceptionnelle de transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – en allègement de charges, qui représente 0,9 point, on arrive à un déficit public total de 2,8 %. Mais il me semble que le chiffre à retenir et bien celui de 1,9 %, hors bascule du CICE.

La dette publique sera de 98,6 % à la fin de l'année 2019. Ce chiffre n'est évidemment pas satisfaisant, mais il résulte de notre effort de sincérité, avec la prise en compte de la dette de SNCF Réseau. Je suis convaincu qu'il faut poursuivre avec acharnement cet effort de réduction de la dette publique et que tous les moyens disponibles doivent être mis à profit. C'est pour cela que les cessions d'actifs, prévues par la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises – PACTE – participeront au désendettement de l'État, comme je l'ai indiqué lors de l'examen de ce texte.

S'agissant des prélèvements obligatoires, ils passeront de 45 % à un peu plus de 44,2 % en 2019 et je vous confirme que l'objectif d'une baisse d'un point des prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat sera atteint. Si des marges de manoeuvre apparaissent, nous les mettrons à profit pour poursuivre la baisse des impôts de production, comme le Premier ministre s'y est engagé il y a quelques jours.

Enfin, nous allons engager la convergence fiscale européenne, qui a été validée par l'accord de Meseberg, en ajustant le régime d'intégration fiscale de l'impôt sur les sociétés, en transposant la directive ATAD relative à l'évasion fiscale – Anti tax avoidance directive – et en nous mettant en conformité avec les règles de l'OCDE sur la fiscalité des brevets. Nous avons eu avec le rapporteur général et les membres de la commission des finances de longs débats sur cette question. Nous avons parfaitement conscience que cette réforme de la fiscalité des brevets réduit l'avantage offert aux entreprises dégageant des revenus issus de leurs brevets déposés en France. Nous tenons néanmoins à respecter les règles internationales et la multipolarité, que nous défendons par ailleurs. Je tiens donc à vous remercier, monsieur le rapporteur général, pour les évolutions que vous avez proposées, qui ont été adoptées par la commission des finances et qui, à mes yeux, répondent aux interrogations et aux inquiétudes de beaucoup d'entreprises.

Votre proposition, que nous soutiendrons évidemment, d'abaisser le taux de 15 à 10 %, permettra d'atténuer l'impact de cette mesure. Nous soutiendrons également la proposition que vous avez faite pour remédier à l'exclusion du brevetable non-breveté du champ du nouveau régime. Vous avez ciblé ici, monsieur le rapporteur général, l'une des difficultés majeures du nouveau régime. Nos services ont travaillé dans l'intervalle, en lien avec l'Institut national de propriété industrielle et l'OCDE, sur une disposition qui sera présentée par le Gouvernement et qui, je l'espère, répondra à vos attentes et aux inquiétudes que vous aviez formulées à juste titre.

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