Nous avons présenté en conseil des ministres, avec Mme Agnès Buzyn, le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – pour 2019. Les documents budgétaires que nous présentons aux représentants de la nation montrent la cohérence de la politique que nous menons depuis l'année dernière, depuis que la majorité a adopté la loi de programmation des finances publiques ainsi que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Le budget que nous vous soumettons est d'abord un budget des engagements tenus. C'est ensuite un budget qui permet, si j'ose dire, de renforcer le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent, tout en protégeant les plus vulnérables. C'est enfin, avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un projet qui permet d'investir pour l'avenir.
C'est d'abord un budget des engagements tenus, si l'on se reporte à la loi de programmation des finances publiques et aux grands thèmes que le Gouvernement a tenu à aborder, tant en commission des finances que lors des premiers échanges qu'il a pu avoir avec vous, monsieur le rapporteur général, ainsi qu'avec vous, monsieur le président de la commission des finances, et avec chacun des groupes politiques, à la suite notamment du rapport de la Cour des comptes de l'année dernière, qui avait souligné l'insincérité – c'est le terme que la Cour a employé – du budget dont nous avons hérité lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités.
Je voudrais d'abord dire à la représentation nationale que le Gouvernement a tenu sa promesse de présenter des comptes sincères et qu'il n'a triché en aucune manière sur les inscriptions budgétaires qu'il a présentées à l'opposition comme à la majorité. C'est tellement vrai que le Premier président de la Cour des comptes, l'Assemblée nationale, le Sénat, ainsi que différents observateurs – encore un grand journal économique ce matin même – ont constaté que le Gouvernement, pour la première fois dans l'histoire de la République budgétaire, si vous me permettez cette expression, ne présentera pas de décrets d'avance. Il présentera du reste un collectif budgétaire réduit à sa plus simple expression, sans aucun article fiscal et sans aucun changement profond de notre fonctionnement démocratique. En effet, ce sont bien les représentants de la nation qui consentent non seulement à lever l'impôt, mais à accorder des crédits budgétaires. Le fait de ne présenter aucun décret d'avance et de présenter une gestion qui respecte le travail des parlementaires, de l'opposition comme de la majorité, est la preuve que nous avons bel et bien « sincérisé » les documents budgétaires.
Nous pouvons avoir des divergences, parfois fortes, sur le contenu de ces inscriptions budgétaires et sur les politiques publiques suivies, mais le fait est que nous pouvons vous présenter un deuxième budget parfaitement sincère, qui ne prévoit aucune sous-estimation. Je crois que M. le président de la commission des finances l'a lui-même reconnu.
D'ailleurs, nous continuons dans cette voie puisque, avec Bruno Le Maire, à la demande du Premier ministre, nous avons même sincérisé notre dette. Nous sommes le premier Gouvernement à avoir intégré la vraie dette publique que nous connaissons tous, celle de la SNCF, et nous pouvons aujourd'hui affirmer devant la représentation nationale que tant les crédits budgétaires que les recettes ou la dette font opération vérité. C'est bien à partir de vrais chiffres que la représentation nationale pourra débattre.
Par ailleurs, pour la première fois depuis une décennie, l'économie française connaîtra une croissance supérieure à 1,5 % sur trois années consécutives. Sur cette même période, le déficit public aura été inférieur à 3 % du PIB, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans. Quant à la dépense publique, elle aura été inférieure à 1 % deux années de suite, voire trois si nous poursuivons sur cette voie. Après une progression nulle en 2018, la croissance en volume de la dépense publique devrait rester modérée en 2019, à 0,6 % et un peu moins l'année suivante, ce qui est inédit. Nous devrions du reste rendre 600 millions en crédits alors que l'inflation est forte, ce qui témoigne de l'attention que le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'action et des comptes publics portent aux comptes de la nation, même une fois votés par le Parlement.
Nous avons changé de méthode pour renforcer la sincérité du budget. Nous avons ainsi décidé de ne pas prendre de décret d'avance, mais aussi de ramener à 3 % le taux de mise en réserve des crédits des ministères. D'ailleurs, en dehors de la mise en réserve des crédits de la Cour des comptes, par politesse à l'égard de cette noble institution, et de ceux affectés aux spectacles vivants, aucun dégel n'a été consenti aux ministères. Je pourrai ainsi dire aux parlementaires que nous avons responsabilisé les directeurs d'administration et les ministres. Les crédits mis en réserve sont certes plus faibles mais en échange, il n'y aura pas de gel. Nous poursuivrons ce travail qui nous amènera peut-être à contractualiser avec un certain nombre d'opérateurs publics ou d'administrations centrales pour favoriser la pluriannualité.
Afin d'améliorer la lisibilité de notre fiscalité, nous avons accédé à la demande de M. Laurent Saint-Martin de supprimer les petites taxes – vingt-deux le seront au total et nous procéderons en deux fois. Ce projet de loi de finances propose de mettre fin à dix-sept petites taxes, pour un montant de 137 millions d'euros. Une petite taxe sera supprimée par décret car elle ne relève pas de la loi. Trois seront fusionnées en une seule. Une dernière devrait être acceptée au cours du débat parlementaire.
Nous faisons ainsi écho à une demande de la majorité mais nous savons que l'opposition y tenait tout autant.
Enfin, nous avons privilégié l'horizontalité sur la verticalité, monsieur le rapporteur général, en particulier dans nos relations avec les collectivités territoriales. Plus de 70 % des collectivités territoriales se sont engagées dans la contractualisation financière avec l'État – les fameuses 322. Ce processus a d'ailleurs porté ses fruits, y compris constitutionnels, alors que certains d'entre vous nous expliquaient que la contractualisation était contraire à l'article 72 de la Constitution.
J'en profite pour me féliciter qu'aucune disposition importante n'ait été censurée par le Conseil constitutionnel, de tous les textes que nous avons présentés avec Bruno Le Maire. C'est une marque de la qualité du travail parlementaire, en écho à celle, je l'espère, du travail du Gouvernement, et je vous en félicite, monsieur le rapporteur général.
Quoi qu'il en soit, le dispositif de la contractualisation avec les collectivités territoriales mériterait d'être évalué en 2020, lors de son renouvellement, pour être amélioré ou assoupli si nécessaire. Je le dis en particulier à M. Cazeneuve.
Les collectivités territoriales ne sont pas les oubliées de ce budget puisque, si peu de dispositions fiscales les concernent, à l'exception de la TGAP – taxe sur les activités polluantes – sur les déchets, suite à la feuille de route pour l'économie circulaire présentée par Brune Poirson et Nicolas Hulot, ou de la TEOM – taxe d'enlèvement des ordures ménagères – , l'essentiel des questions de fiscalité locale sont à renvoyer au projet de loi de finances spécifique que je présenterai avec M. Dussopt au cours du premier semestre prochain. Il sera sans doute présenté au Conseil d'État à la fin de décembre ou au début de janvier pour l'être ensuite en conseil des ministres courant janvier et devant le Sénat ou l'Assemblée nationale au premier trimestre de l'année prochaine.
C'est donc avec ce fil d'Ariane que j'inviterai les parlementaires à renvoyer l'essentiel de leurs questions relatives à la fiscalité locale à ce projet de loi spécifique qui nous occupera probablement plusieurs jours et plusieurs nuits. Il ne nous a pas paru utile d'alourdir de ces mesures le projet de loi de finances pour 2019.
De même, les dotations aux collectivités locales sont maintenues, voire légèrement augmentées. Après avoir fait preuve de sincérité quant à la fraction de TVA que nous devions aux régions, suite à un engagement de Manuel Valls, et qui se traduit par 700 millions de recettes supplémentaires accordées aux régions, nous pourrons discuter avec les parlementaires intéressés de ces dotations qui augmentent encore légèrement. En particulier, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale évoluent favorablement, comme ce fut déjà le cas l'année dernière. Ces dispositions devraient satisfaire une grande partie de l'hémicycle.
Deuxième point : ce budget récompense le travail – un travail qui paye. Ce projet de loi de finances met ainsi en oeuvre le volet fiscal de la loi PACTE, tout comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les suppressions de cotisations salariales passent en régime plein, et la prime d'activité augmente selon le calendrier voté par le Parlement. Enfin, les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations sociales. Cela représente un gain de pouvoir d'achat de 11 % sur une heure supplémentaire, qui est effectuée en général par un ouvrier ou un employé gagnant moins de 1 500 euros par mois et âgé de moins de 45 ans. Je sais que le rapporteur général n'apprécie guère que l'on s'exprime ainsi mais sur le fond, il est d'accord avec moi.
Cette « désocialisation » des heures supplémentaires – terme assez dur qu'il ne faudrait pas utiliser trop souvent – couplée à la suppression des cotisations renforce encore davantage le pouvoir d'achat que ne le faisaient les mesures déjà importantes votées en 2007 dans la loi TEPA – travail, emploi et pouvoir d'achat. En effet, la défiscalisation-désocialisation d'alors rapporte moins aux ouvriers et aux employés que la suppression des cotisations sociales sur leur salaire, accompagnée de la désocialisation des heures supplémentaires. Nous aurons l'occasion d'en débattre au cours du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Nous favorisons par ailleurs l'embauche en transformant le CICE en allègement de charges sociales. Cette question relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je ne m'y attarde pas. Je ne reviens pas davantage sur le volet fiscalité de la loi PACTE. Quant au plan d'investissement dans les compétences – PIC – qui trouve ici une première concrétisation, nous en débattrons plus longuement lorsque nous aborderons le sujet de la dépense publique.
Nous accompagnons l'augmentation des minimas sociaux dans le calendrier voulu par le législateur, en écho aux promesses du Président de la République, qu'il s'agisse de l'augmentation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, de l'allocation aux adultes handicapés ou de la prime d'activité.
Les prestations ciblées sur les plus fragiles bénéficieront de revalorisations. Le revenu de solidarité active sera revalorisé sur la base de l'inflation. Ce projet de loi prévoit également une revalorisation modérée des revenus de remplacement, en contrepartie de la baisse de la fiscalité en deuxième tranche de la taxe d'habitation. Nous y reviendrons.
Surtout, ce projet de loi concrétise une imposition plus juste car plus contemporaine. Je pense en particulier à la contemporanéité des prestations sociales, notamment des APL – aides personnalisées au logement – , mais aussi de l'impôt à la source. M. Le Fur souhaite que nous en parlions ce soir, ou demain. Ce sera avec plaisir.
J'ai bien entendu les critiques, sur cette question du travail, et je me suis amusé à étudier les propositions de l'opposition – nombreuses et pas toujours concordantes.
M. Mélenchon a présenté ce matin un projet de contre-budget. L'effort est louable en démocratie, et mérite que l'on en discute. Il propose de ne pas entrer dans la problématique des déficits et de ne pas accorder trop d'importance à la dette – puisque c'est à coup de milliards qu'il propose de rallonger les dépenses publiques. Je suppose que des amendements ont été déposés pour traduire ces propositions, et nous en discuterons alors, même s'il va de soi que ce n'est pas l'orientation politique que nous avons privilégiée.