Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 15 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

C'est la raison pour laquelle l'argent donné sans fléchage ni contrainte s'oriente vers les bénéfices, et non vers l'investissement et l'emploi, et cela fait trente ans que cela dure. Mais peut-être le découvrez-vous avec moi. Auquel cas, si vous êtes de bonne foi, vous allez rectifier le tir car vous conviendrez que les résultats ne sont pas là. Où est l'investissement ? Où sont les créations d'emplois ? Où est la croissance ?

Vous proposez en outre de poursuivre la baisse de l'impôt sur les sociétés : en 2019, son taux sera ramené de 33,3 % à 31 % pour les bénéfices au-delà de 500 000 euros. Cette baisse ne bénéficiera donc pas aux petites entreprises. À force de faire la course au moins-disant fiscal en Europe, on ne fera plus du tout payer d'impôt sur les sociétés mais à un moment donné, les entreprises auront du mal à trouver des routes convenables pour faire rouler leurs véhicules et à bénéficier des services de l'État.

Contrairement à ce que vous prétendez, le Gouvernement ne fait pas le choix du travail, mais du capital, une fois de plus, choix non seulement risqué mais insensé, et aussi vieux que la politique de Tchatcher, de Blair ou celle de vos prédécesseurs, que vous aggravez.

Je voudrais durant les quelques minutes qui me restent, faire de la publicité à notre contre-budget, qui répond à une toute autre logique.

Nous sommes partis de l'hypothèse que la grave crise politique en cours obligeait le Président de la République à dissoudre l'Assemblée, ouvrant la voie à une majorité France insoumise. Quelles mesures budgétaires d'urgence proposerions-nous en deux mois afin de réparer les dégâts que vous avez commis ? Comment favoriserions-nous la consommation populaire ? Comment encouragerions-nous un investissement écologique fort, à la mesure des urgences de l'heure ? Comment redonnerions-nous des moyens à l'État ?

Ce contre-budget se caractérise donc par la volonté de réparer tous les dégâts que vous avez commis et de mettre le paquet sur la question de l'écologie et du climat, sur la lutte contre les inégalités au travers notamment d'un grand plan pauvreté, sur une meilleure répartition des richesses, au détriment des revenus du capital. Nous comptons sur le fait qu'en alimentant les revenus du travail et donc le pouvoir d'achat, cela ruissellera sur toute la société.

Cet investissement, nous l'avons prévu à hauteur de 43 milliards d'euros. En matière de fonctionnement, notre budget est équilibré en recettes et en dépenses et ne creuse donc pas le déficit. En revanche, nous assumons le choix d'accroître les dépenses d'investissement, même au prix d'une violation de la règle des 3 %, car, gouvernant le pays, nous ferons entendre la voix de la France dans les négociations avec nos partenaires européens.

Ces 43 milliards comprendront 30 milliards d'investissements écologiques. On ne peut pas en effet se payer de mots : si la France veut vraiment respecter les accords de Paris, elle devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 3 % par an, et non les augmenter de 5 % comme cela a hélas été le cas. Et pour cela il n'y a qu'une solution : l'Etat doit mettre le paquet en matière d'énergies renouvelables, notamment marines, domaine où nous sommes plus que nuls par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement, mais aussi en matière d'isolation thermique et d'agriculture biologique.

Nous consacrons 13 milliards d'euros à l'urgence sociale : créations de places à l'université, création de places dans des EHPAD dignes de ce nom pour répondre aux besoins de la population.

Si ce budget est équilibré, c'est notamment parce que nous assumons de reprendre au capital tout ce que vous lui avez donné l'année dernière, à hauteur de 14,5 milliards. En outre, nous renforçons les droits de succession au détriment de la véritable noblesse d'argent qui est en train de se constituer dans notre pays, où la part de l'héritage dans le patrimoine individuel ne fait que s'accroître, étant passée de 40 à 70 % en trente ans.

Nous prévoyons la suppression de niches anti-écologiques à hauteur de 9 milliards, et de niches inutiles type Copé ou Pinel – c'est la Cour des comptes elle-même qui le dit – , à hauteur de 13,8 milliards. Nous proposons en outre de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu avec la mise en place de quatorze tranches, ce qui rapporterait 10 milliards supplémentaires.

Nous consacrons ces recettes à la mise en place d'un grand plan pauvreté, d'un plan zéro sans-abri, d'un revenu minimum de 1 000 euros, soit le seuil de pauvreté.

Nous proposons également un certain nombre de mesures visant à réarmer l'État avec la création de 57 250 postes dans la fonction publique et un plan de relance de l'activité à travers la hausse du pouvoir d'achat des agents de l'État et des services publics via la revalorisation du SMIC et la fin du gel de l'indice de la fonction publique. Nous proposons également une allocation autonomie jeunes de 800 euros. Nous proposons enfin de rendre aux ministères les crédits que vous leur avez retirés depuis 2018 et de porter la dotation globale de fonctionnement à 2,37 milliards d'euros.

Je vous invite à découvrir le détail de ce contre-budget, traduction d'une politique de la demande assise à la fois sur la consommation populaire et sur une relance de l'activité écologiquement nécessaire, et d'une politique de lutte contre les inégalités.

Il y a quelques jours – cela a marqué l'opinion – la majorité a refusé d'examiner la proposition de loi de notre collègue Pradié visant à améliorer la situation des personnels qui accompagnent les enfants en situation de handicap dans les écoles. Par un hasard du calendrier, je me retrouvais le lendemain même dans ma circonscription, à Saint-Ouen, à être interpellé sur les besoins en AESH, qui manquent cruellement. Vous avez refusé le débat, vous avez choisi de ne pas entendre et voté une motion de rejet préalable. Aujourd'hui, c'est à notre tour de refuser de vous entendre. Nous ne voulons pas vous voir négocier le bien-être du peuple sur la table de l'austérité. Nous ne voulons pas vous entendre calculer comment remplir les poches des riches en rongeant jusqu'à l'os les services publics. Nous ne voulons pas goûter à la règle d'or européenne qui devrait toujours être soumise à la règle verte écologique qui impose de ne pas consommer ni produire plus que la planète ne peut supporter.

C'est pour toutes ces raisons que je vous invite à voter cette motion de rejet préalable du projet de budget pour 2019.

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