Merci, monsieur le rapporteur, pour ces questions riches et précises. Nous pouvons tomber d'accord sur un point : la France connaît un problème d'hypofertilité, insuffisamment pris en compte par les politiques de santé publique. On dit que 10 % à 15 % des couples consultent pour infertilité, ce qui est effectivement préoccupant. Nous devrions nous intéresser davantage à ces couples et à l'épreuve qu'ils affrontent. La France pourrait se doter d'un grand plan national de lutte contre l'infertilité. Ce n'est pas une question éthique, et nous pourrions tous nous rejoindre sur ce point.
J'ai apporté mon témoignage en conscience, même s'il n'est pas simple de livrer un peu de sa vie devant les représentants de la nation. Si j'ai choisi de le faire, c'est parce que j'ai le sentiment qu'en réduisant le débat à l'équation – critiquable – « je désire, je n'ai pas, je souffre, j'ai droit », nous passons à côté de l'essentiel de la question politique, celle des conséquences sociales de la mise en oeuvre de nos désirs, et singulièrement de la mise en oeuvre des désirs de personnes adultes sur le destin d'enfants.
Les associations familiales catholiques ne viennent pas ici pour réclamer un droit ou demander l'ouverture d'un marché. Elles viennent pour tenter de partager une certaine vision de la dignité de l'homme, de la dignité de la procréation. Elles s'expriment au nom de ceux qui sont sans voix, les enfants.
Voilà pourquoi j'ai souhaité livrer mon témoignage, et croyez bien que ce n'est pas si simple. Je respecte la liberté de conscience de chacun et, bien évidemment, les choix différents. C'est pour débattre que nous sommes là.
En tant que juriste, je ne considère pas qu'il y ait discrimination vis-à-vis des femmes célibataires, des couples de femmes ou des couples d'hommes qui n'ont pas d'enfants. J'ai bien entendu que personne ne choisissait son orientation homosexuelle : ce n'est pas leur faute ; d'une certaine façon, elle s'impose. Mais ces couples sont bien dans une situation différente au regard de la fonction reproductive. Si l'on considère qu'ils sont discriminés, on peut pousser le raisonnement et dire que c'est aussi le cas des couples hétérosexuels de plus de cinquante ans, qui ont beaucoup moins de chances de procréer que les couples hétérosexuels de vingt-cinq ans. Où va-t-on ?
Vous avez parlé des études concernant les risques qui pèsent sur les familles homoparentales. Le principe de précaution existe en droit. Le Conseil d'État considère qu'il ne s'applique pas aux familles ou au devenir des enfants ; je trouve cela assez discutable. Pourquoi n'appliquerait-on pas le principe de précaution au devenir des enfants, alors qu'il prévaut pour la protection d'une espèce rare et protégée ? Le principe de précaution est l'équivalent, en droit, de la vertu de prudence. Or la prudence exige peut-être que l'on s'interroge sur le destin de ces enfants.
Vous parlez des études réalisées par une chercheuse anglaise. C'est le CCNE, que l'on ne peut accuser d'être favorable à l'ouverture de la PMA, qui a écrit noir sur blanc dans son avis de mai 2017 : « Il ne paraît pas encore possible, au vu de la littérature publiée, de formuler une évaluation consensuelle de l'évolution des enfants élevés dans des familles homoparentales, compte tenu, en particulier, de l'hétérogénéité de ces familles. Si la grande majorité de ces études émettent une conclusion positive sur le devenir des enfants, les biais méthodologiques, les disparités des critères retenus et le recul encore insuffisant ne permettent pas de l'affirmer avec certitude. »
On peut d'ailleurs s'interroger sur la démarche intellectuelle du CCNE, qui pose deux conditions dans son avis de 2017 et qui, dans son avis de septembre 2018, écrit : « il serait pertinent de pouvoir s'appuyer sur des recherches fiables sur l'impact de cette situation. » Il n'en tire pourtant pas les conséquences ! À partir du moment où les conditions, qu'il a lui-même posées, ne sont pas levées, je ne comprends pas pourquoi le CCNE émet un avis favorable – c'est une question de rigueur et d'honnêteté intellectuelle !
Le tourisme procréatif est une réalité, nous en sommes tous conscients, mais je ne pense pas qu'il faille l'encourager. Oui, des hommes et des femmes vont à l'étranger réaliser des actes qui sont légalement nuls, ou dont la légalité est discutable dans notre droit français. Est-il pour autant souhaitable d'aligner notre droit français sur ces pratiques à l'étranger ?