La question de la figure paternelle comme de la figure maternelle, du lien, biologique ou non, et de la façon dont tout cela peut s'organiser, est souvent posée. Quelles sont les conséquences pour les enfants qui vivront dans ces familles, qui ne sont peut-être pas des familles traditionnelles ?
Je suis moi aussi avocat, monsieur Lionel-Marie, et vous pouvez constater que, bien qu'appartenant à la même profession, on peut ne pas avoir le même avis. En tant qu'avocat, je me souviens que la question de savoir s'il est possible pour un enfant d'avoir deux pères ou deux mères a déjà été tranchée par vous, législateur, lorsqu'en 2013 vous avez adopté une loi autorisant le mariage aux couples de même sexe, et prévu que ces couples pouvaient alors procéder à une adoption plénière.
En faisant cela, après réflexion, je suppose que la représentation nationale a considéré que le fait qu'il y ait adoption plénière, qu'il existe une nouvelle filiation se substituant à l'ancienne et la fasse disparaître, une filiation bipaternelle ou bimaternelle, n'était pas contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Le législateur, Assemblée nationale et Sénat réunis, a considéré que cela était possible et n'emportait pas un quelconque risque pour les enfants.
Cette loi a été validée par le Conseil constitutionnel, et, un an plus tard, la Cour de cassation, saisie d'une question concernant une femme ayant eu recours à une PMA pratiquée à l'étranger, dont la conjointe souhaitait adopter l'enfant ainsi conçu, n'y a pas fait obstacle. En d'autres termes, le législateur, le Conseil constitutionnel et la suprême Cour civile française ont considéré que rien par définition ne faisait obstacle à ce qu'un enfant n'ait pas de parents hommes ou de parents femmes, au sens juridique du terme, et pouvait très bien avoir un seul parent ou deux parents femmes ou deux parents hommes.
C'est pourquoi revenir régulièrement sur ce sujet équivaut pour certains à essayer de « rejouer le match » ; les opposants au mariage des couples de même sexe et à l'adoption par ces couples considèrent qu'ils ont perdu la bataille en 2013. Ils essaient de remettre les mêmes arguments sur le tapis en disant : « Regardez le risque que vous allez faire courir à ces enfants en les privant de père dans le cas d'une PMA à laquelle un couple de femmes aurait recours. »
Par ailleurs, sur une base purement factuelle, n'oublions pas que le fait qu'un homme donne son sperme n'en fait pas un père, mais assurément un géniteur puisque c'est son patrimoine biologique qui sera transmis à l'enfant. Il n'en est toutefois pas le père au sens de la filiation, car le droit français l'interdit expressément ; selon les termes actuels du code civil, un lien de filiation ne peut pas être établi. Cet enfant aura ainsi d'autres parents, d'autres figures dans sa vie, et on peut toujours en appeler au principe de précaution et invoquer la fin de la civilisation et le cataclysme, ce qui a été prophétisé en 2013 comme devant survenir en 2015 pour le mariage des couples de même sexe ; nous sommes en 2018 et la civilisation est toujours debout.
Enfin cette réforme doit vous faire penser, vous législateur, à la question de l'accès des enfants à leurs origines procréatives ; conçus par un tiers donneur pour une famille homosexuelle ou hétérosexuelle, ils doivent avoir accès à ces éléments. Je concède que c'est un domino juridique qu'il convient de mettre en place, peut-être pour les donneurs refusant d'être connus, de permettre l'accès à des données sans identification. Mais pour ceux seraient assurés que la filiation ne sera pas établie, et qui acceptent d'entrer en contact avec cet enfant devenu majeur, au lieu de se limiter à son poids, sa taille et la couleur de ses yeux, une vraie rencontre pourrait être possible si les deux protagonistes sont d'accord.
C'est donc ainsi que je considère qu'une partie de la question que vous évoquez a été tranchée en 2013, et vous invite à repenser le problème de l'accès aux origines procréatives, car c'est très important pour que les enfants puissent se construire en connaissant leur histoire. Ce qui ne remettra évidemment pas en cause les sentiments qu'ils peuvent porter à ceux qui sont leurs parents au sens juridique, et les élèvent depuis leur naissance ou après celle-ci.
Le 30/01/2019 à 16:00, Girodolle (Fonctionnaire) a dit :
Monsieur Fabien Joly, bien joué, vous nous dites "les dès sont jetés, circulez, y'a rien à voir". Satisfaites-vous de cette situation qui ouvre le "DROIT A L'ENFANT", qui ouvrira à la marchandisation des enfants, la marchandisation des ventres de femmes dans les pays sous-développés, qui proposera bientôt l'enfant idéal sur catalogue, et pourquoi pas le CLONE parfait pour reproduire les mêmes erreurs que vous nous faites subir. Je prierais pour vous.
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