Vous soulevez la question du don de gamètes, du principe de l'anonymat et de son corollaire, l'impossibilité légale d'établir une filiation vis-à-vis du donneur. L'évolution de cette législation est une vraie question à laquelle notre association a réfléchi. À titre personnel, je pense même avoir évolué sur ce sujet qui revient, finalement, à opposer les droits de deux personnes. D'un côté, il y a le donneur qui n'a pas envie de voir sa filiation établie, et qui peut ou non avoir envie de contacts avec l'enfant dont il va permettre l'engendrement. De l'autre côté, il y a l'enfant dont on reconnaît désormais le droit à connaître ses origines procréatives, au nom du respect de sa vie privée, telle qu'elle est notamment évoquée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
En tant qu'association, on estime qu'un principe doit demeurer intangible : celui de l'impossibilité d'établir la filiation. L'accès aux origines procréatives ne doit pas – et ne peut pas – signifier qu'un enfant pourrait engager une action en établissement de paternité à l'égard d'un donneur. Celui-ci doit conserver le droit de ne pas voir sa filiation établie.
En revanche, on peut envisager un ensemble de techniques qui permettrait à ces enfants, d'une part, de savoir qu'ils proviennent d'un don fait par un tiers donneur et, d'autre part, d'accéder à une information si tel est leur souhait. Ce serait leur choix personnel, rien ne les obligerait à demander cette information, l'idée étant de limiter les obstacles qui pourraient les empêcher d'y accéder.
Plusieurs propositions, dont certaines ont été développées par le Conseil d'État, ont été faites sur le sujet. En cas d'accord du donneur, l'enfant aurait la possibilité d'avoir accès à la totalité des informations. En cas de refus du donneur, exprimé une fois pour toutes, l'enfant aurait accès à des données non identifiantes qui lui permettraient d'avoir une vision de celui grâce auquel il est né.
Ces choix sont extrêmement importants. À titre personnel, je pense qu'il est nécessaire de respecter le choix des donneurs, en tout cas pour tous les dons faits avant l'évolution législative qui pourrait intervenir, quitte à les interroger pour qu'ils expriment leur position. Certains qui, à l'origine, voulaient être protégés contre toute divulgation de leur identité, accepteraient peut-être désormais de faire connaître leur identité ou des éléments identifiants. Quant aux nouveaux donneurs, ils connaîtront le nouveau cadre juridique. Si le législateur décide que l'enfant, une fois majeur, pourra accéder à ces informations, le profil des donneurs changera. Quoi qu'il en soit, ces nouveaux donneurs seront pleinement conscients que leur identité pourrait être révélée, sans que cela permette d'établir une filiation à leur encontre.
Dans le cadre du débat sur l'ouverture de la PMA aux couples de femmes, il nous paraît important que les mécanismes d'établissement de la filiation des enfants qui vont naître grâce à ces techniques soient harmonisés. Ces mécanismes doivent être les mêmes, que les couples soient hétérosexuels ou homosexuels. Ils doivent sécuriser les enfants et leur filiation, et sécuriser aussi les deux mères, celle qui a accouché et la mère sociale, intentionnelle. En même temps, il faut que l'enfant puisse savoir, à un moment ou à un autre de sa vie, qu'il est né grâce à un tiers donneur. Dans un couple de femmes, cela ne fera aucun doute. Pour les couples hétérosexuels, il ne nous semble pas normal de maintenir la possibilité du secret.
Vous dites, madame la députée, que l'on catégorise. Eh bien, mettons fin à une nouvelle catégorie : celle des enfants nés dans les couples de femmes qui, eux, auraient accès à leur origine procréative alors que la possibilité du non-dit – certains diront du mensonge – serait maintenue pour les enfants nés avec tiers donneur dans des couples hétérosexuels, auxquels on ferait croire que leur patrimoine génétique vient de leur père.
À un moment où l'on veut mettre à bas des barrières inutilement érigées, il est temps que tous ces hommes et femmes qui ont des enfants avec tiers donneur puissent être traités de la même manière lors de l'établissement de la filiation, notamment par le biais d'une déclaration anticipée mentionnée sur l'acte intégral de naissance.