Je suis particulièrement heureux de participer à cette mission d'information qui a vocation à éclairer la représentation nationale. Cela me permet d'entendre des propos qu'on a déjà entendus en d'autres temps mais que je ne pensais plus entendre de nouveau en 2018 dans cette enceinte.
Monsieur Lionel-Marie, je souhaiterais revenir sur vos propos, au travers de quatre observations. Vous avez dit d'abord que l'IVG était un sujet sensible : il ne s'agit pas d'un sujet sensible comme vous le prétendez, mais d'un droit inaltérable, qui doit être accessible sur l'ensemble du territoire et qui est celui des femmes à disposer de leur corps.
Vous avez ensuite parlé de l'« hyper-désir » d'une femme célibataire. Je vous fais part ici de ma conviction : il n'y a pas de hiérarchie entre le désir d'enfant d'une femme célibataire, d'une femme hétérosexuelle, d'une femme en couple lesbien ou d'un homme. Il ne faut pas tout confondre. J'ajoute que les femmes célibataires, qui pourront demain, comme je l'espère, avoir accès à la PMA, recourront à des gamètes dont les hommes ont fait don.
J'ai été particulièrement choqué en troisième lieu de vous entendre parler des enfants nés d'une PMA, qui rempliraient nos commissariats. Je vous opposerai simplement les travaux scientifiques, ceux menés notamment au sein de l'université de Cambridge par le professeur Golombok, qui mettent en évidence que les enfants élevés dans un environnement familial monoparental ou homoparental ne rencontrent aucun écueil particulier dans leur développement et leur émancipation, et que le seul danger auquel ils peuvent éventuellement être exposés, c'est la stigmatisation par leur environnement de la structure familiale dans laquelle ils ont été élevés. Affirmer que ces enfants, ceux qui sont là ou ceux à venir, pourraient peupler nos commissariats, c'est faire illégitimement peser sur eux un poids injuste.
Enfin, j'entends dire de plus en plus souvent que les familles monoparentales, qui représentent 20 % des familles françaises et qui, pour 36 % d'entre elles, vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, ne devraient pas avoir d'enfant ou, pour le formuler autrement, qu'on ne devrait pas institutionnaliser l'émergence de familles monoparentales au motif qu'elles vivent sous le seuil de pauvreté. C'est le monde à l'envers ! Dans quel État serions-nous si, demain, nous disions aux Françaises et aux Français qu'ils peuvent avoir des enfants, mais uniquement à mesure de leur portefeuille ? L'honneur de notre pays, c'est d'assister au contraire les familles monoparentales qui sont dans la pauvreté, comme l'ensemble des familles et l'ensemble des personnes qui connaissent la pauvreté – et je rappelle qu'un enfant sur cinq vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Il ne s'agit donc pas de faire obstacle au désir d'enfant d'une femme célibataire mais au contraire de le lui permettre, et de venir en aide à toutes les personnes en situation de pauvreté ; c'est en tout cas le sens de la stratégie de lutte contre la pauvreté du Gouvernement.
Vous l'aurez compris, je suis particulièrement mobilisé pour l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, afin de mettre un terme à une discrimination qui se fonde sur l'orientation sexuelle, s'agissant des femmes en couple lesbien, et sur le statut matrimonial, s'agissant des femmes célibataires. En la matière, le politique et le législateur ont un temps de retard sur les pratiques de la société. Nous devons le combler.
J'ai par ailleurs une question concernant la reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une GPA à l'étranger. Il est à mon sens aberrant et totalement contraire au principe de l'intérêt supérieur de l'enfant que le statut des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger soit si incertain dans le droit français, et ce en dépit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui impose l'inscription de ces enfants à l'état civil et a, à ce titre, condamné la France en janvier 2017 pour la cinquième fois.
Notre droit actuel fait de ces enfants de véritables fantômes de la République, faute de reconnaître dans les faits leur filiation et, au-delà, en leur refusant toute identité. C'est d'autant plus intolérable que, comme cela a été rappelé par la circulaire du 25 janvier 2013, les enfants nés à l'étranger d'un parent français ont droit à la nationalité française. Pourtant, en pratique la justice française refuse parfois de transcrire l'acte de naissance étranger des enfants nés de GPA, qui ne figurent donc pas sur le livret de famille.
Quelles solutions envisagez-vous donc les uns et les autres pour remédier à cette situation, et qu'elle est votre avis sur les recommandations du Conseil d'État, qui introduit la notion de respect de standards éthiques minimaux pour les enfants ?
Par souci de transparence, je tiens à faire savoir que, à titre personnel, j'estime que la France ne peut plus refuser de reconnaître ces enfants nés d'une GPA tout à fait légalement à l'étranger et qu'il est du devoir du législateur de mettre un terme à ce déni d'identité.