Je m'exprimerai en tant que maman d'une petite fille qui a été faite en Espagne au moyen d'une PMA. J'ai entendu beaucoup de choses, et la première d'entre elles est qu'il faut protéger nos enfants, quels qu'ils soient.
Il arrive que l'on ne puisse pas avoir un enfant : lorsqu'on n'a pas trouvé la personne, ou lorsque, tout simplement, on n'y arrive pas. Je suis une femme et demande juste à certains, ou à certains partis, de se mettre dix minutes à la place d'une personne en situation de recourir à la PMA. Je parle là d'un parcours de femme ou de couple, que cela concerne des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles ; c'est un parcours long, qui n'est pas facile.
Plusieurs solutions existent pourtant dans mon pays, la première consiste à trouver vite un homme, mais il faut quand même faire attention, c'est le cas de le dire, car trois fois sur quatre c'est sans préservatif, ce qui est d'ailleurs assez classique pour avoir un enfant. Or, ne pas avoir de maladie transmissible, VIH, hépatite C ou autre, c'est possible sans préservatif, mais risqué : c'est risquer sa vie pour avoir un enfant, et nous ne parlons pas là d'homosexualité ou d'hétérosexualité, simplement d'une femme qui désire un enfant.
Recourir à un ami est une possibilité ; un médecin peut m'aider. J'ai 37, 40 ou 32 ans, j'aime une femme ou un homme qui n'existe pas, comment faire ? Mon médecin peut-il m'aider, la médecine peut-elle m'aider, mon pays peut-il m'aider ? Pour l'instant non. Alors que faire ? Je peux tricher, bien sûr, mais est-ce normal de s'inventer une vie pour avoir le droit d'être mère, d'avoir un enfant sans qu'on me demande à quel titre ? M'a-t-on demandé à quel titre j'avais le droit d'être mère, de porter un enfant ? Alors oui, bien sûr, on peut aller dans beaucoup de directions, l'Espagne, la Belgique et bien d'autres pays me disent que j'ai le droit d'être mère. J'ai une petite fille grâce à l'Espagne, grâce à ma persévérance, grâce à mon médecin en France, qui m'a soutenu et suivi, qui ne s'est pas demandé pourquoi je voulais être mère ; grâce à mon désir d'être mère et de porter un enfant.
J'ai puisé dans le plus profond de ma chair mon envie d'être mère sans que mon pays m'aide. J'ai vu des centaines de femmes attendre comme moi dans une salle pour pouvoir être mères ; hétérosexuelles, homosexuelles, célibataires. J'ai vu des dizaines de femmes attendre pour des prises de sang afin de savoir si, oui ou non, une insémination pourrait être pratiquée. J'ai vu des pleurs, j'ai vu mes pleurs ; j'ai vu nos pleurs de femmes quand ça ne marche pas. J'ai vu mon corps se détacher de moi, car je saignais ; j'ai eu peur, peur de l'inconnu, peur de ne pas y arriver toute seule, peur que la société me juge. J'ai parfois perdu espoir, j'ai parfois souffert, j'ai parfois eu envie de tout arrêter ; mais j'ai réussi sans l'aide de mon pays : est-ce normal en 2018 ?
Je suis hétéro célibataire, je suis homo, célibataire ou mariée, je suis une maman, et pour répondre à certains propos : soyez, juste dix minutes, une femme confrontée à la PMA !
Alors parfois, comme je l'ai entendu aujourd'hui, on préfère ne pas recourir à la PMA et ne pas avoir d'enfant ; cela aussi, nous le respectons. Est-il normal de devoir subir tout cela ? Je souhaite une chose : que ma fille ne soit pas plus tard un papier disant : « Voilà, elle a été conçue par PMA, elle a deux parents, que ce soit deux mamans ou autre. » Je veux juste que ma fille ait le droit d'être mère aussi et que, tout simplement, son pays l'aide à être mère comme elle l'entend, sans que sa sexualité ou son parcours entre en ligne de compte, car elle sera peut-être hétérosexuelle et célibataire, et aura eu, juste à un moment, envie d'être mère.
Pour autant, je ne néglige pas la place du père : pour ma part, j'ai un père et une mère ; je suis catholique et j'ai même fait baptiser ma fille alors qu'elle était en réanimation parce que, née au terme de six mois, elle était une très grande prématurée.
Pour sa part, le corps médical, car on parle beaucoup de médical dans le contexte d'une PMA, m'a simplement dit : « Ah oui, vous êtes un couple homosexuel, en fait on s'en fout royalement. Le principal, lorsque l'on a un enfant, surtout un grand prématuré est l'amour : donnez-lui beaucoup d'amour, vous êtes donc ses deux parents ; on arrête là. »
Voilà ce par quoi je souhaitais conclure, merci beaucoup.