Intervention de Anne-Sophie Duperray

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne-Sophie Duperray :

Les quelques points que nous venons d'évoquer sont ceux sur lesquels nous sommes en accord avec l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Il reste toutefois selon nous quelques éléments à approfondir.

Cela concerne tout d'abord l'argument de la vulnérabilité des familles monoparentales, souvent utilisé par les opposants à la PMA pour toutes. Nous ne nous reconnaissons pas dans ce profil. Le projet de chacune d'entre nous a été longuement et mûrement réfléchi. Tous les aspects – organisationnels, logistiques, matériels, affectifs – ont été pensés dès le début en sachant que l'on allait être seule. C'est très différent des cas de rupture, dans lesquels les membres du couple se retrouvent face à une organisation cassée, qui va les déstabiliser. Nous sommes conscientes des points de vigilance qui doivent être les nôtres et mettons notamment en place des solutions face au manque d'altérité et de figures masculines. Nous avons en général une vie sociale riche et avons toutes, parmi nos amis, dans nos familles, des hommes qui jouent un rôle important dans la vie de nos enfants. Nous savons en outre que nous devons veiller, certainement plus encore que dans les couples, à ne pas être fusionnelles avec nos enfants et y travaillons. Mais finalement, lorsque je me compare parfois aux couples et aux familles dites « traditionnelles », je me rends compte qu'ils sont confrontés à des points de vigilance dont je n'ai pas à me soucier : je n'ai pas à faire attention à ne pas me disputer, à montrer un chemin commun pour l'éducation, à éviter des tensions. Finalement, chaque famille a ses propres points de vigilance ; le tout est d'en être conscient et de faire attention.

En ce qui concerne un entretien préalable, le CCNE évoque des dispositions d'accompagnement qui pourraient s'inspirer de celles qui s'appliquent à l'adoption plénière ou prendre d'autres formes plus spécifiques à ce type de situations nouvelles. Il faut savoir que lorsqu'une femme se décide à faire un enfant seule, elle a en général déjà parcouru auparavant un long chemin : beaucoup d'entre nous sont allées consulter un ou une psychologue pour s'assurer que leur projet était sain et non influencé par des diktats de la société. Lorsque l'on se résigne à faire un enfant seule, il est déjà parfois un peu tard et il ne faudrait pas, quelle que soit la solution retenue, qu'elle repousse encore le début du parcours. Pour nous, une stricte égalité avec les couples serait certainement le plus intéressant. Un entretien est déjà prévu aujourd'hui par le code de la santé publique lors de tout don de gamètes. Cela pourrait s'appliquer dans ce cas, en veillant simplement à former les personnes effectuant ces entretiens à cette nouvelle forme de famille, afin que soient évoquées les vraies questions. Peut-être pourrait-on pour ce faire s'inspirer du système en vigueur en Belgique, où toutes les cliniques font passer aux femmes un entretien préalable avec un psychologue.

Il convient enfin selon nous d'aborder également la question du double don, qui n'apparaît pas dans le rapport du CCNE. Les femmes qui veulent faire un enfant seules se retrouvent en effet parfois, du fait de leur âge, confrontées à des problèmes de fertilité. Dans ce cas, le double don serait la seule solution. Beaucoup de membres de notre association et de personnes intervenant dans les forums auxquels nous participons y ont d'ailleurs eu recours. Certes, il existe également la possibilité de l'adoption d'embryon ; mais il s'agit d'une démarche différente, dans la mesure où l'embryon a alors été conçu dans le cadre d'un autre projet parental. L'explication à l'enfant, très chère à notre coeur, sera forcément différente. Nous pensons donc que l'adoption d'embryon, si elle constitue une possibilité tout à fait valable, ne saurait être imposée à une femme ; cette dernière doit avoir le choix.

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