Mon fils se prénomme Ariel et est aujourd'hui un jeune adulte qui vit depuis bientôt vingt ans dans une famille monoparentale. Je le tiens régulièrement au courant de nos démarches et lui demande parfois ce qu'il en pense. Je lui ai ainsi expliqué que nous étions auditionnées aujourd'hui à l'Assemblée nationale et nous avons écrit une lettre ensemble. Dans ce message, il indique qu'il ne se souvient pas vraiment de la manière dont il a appris l'histoire de sa conception et de ses origines et qu'il a le sentiment de l'avoir toujours su. Il m'a rappelé que je lui avais raconté, au tout début, qu'il était un petit poisson rouge dans mon ventre et que ses copains, trouvant l'idée joyeuse, avaient surenchéri : « Moi, j'étais un requin ! Moi, un saumon ! », et qu'ils avaient bien ri. Je lui avais également lu le livre de Pascal Teulade Graine d'amour. Nos caractères et nos personnalités sont différents, mais nous avons, je crois, l'humour en commun.
Il s'est souvenu d'une lettre que j'avais adressée à son institutrice de cours préparatoire, qui lui affirmait qu'il avait un papa, que tous les enfants en avaient un. Je ne lui ai jamais dicté ses réponses. A ces copains d'école, il disait : « Je n'ai pas de papa ». Et s'ils insistaient, il ajoutait : « Je ne l'ai jamais connu. » Je lui ai demandé s'il regrettait de ne pas avoir eu de papa. Il m'a répondu que non, car il avait toujours vécu ainsi et ignorait donc ce que cela faisait d'avoir un second parent. Je précise qu'il a un parrain, qui est homosexuel, et qu'il est très attaché à l'idée que la notion de parentalité soit reconnue. Il a bien compris que ce parrain, qui a mon âge, avait beaucoup regretté de ne pas avoir d'enfant.
Lorsque mon fils a eu dix-huit ans, j'ai pensé qu'il était opportun d'évoquer à nouveau avec lui la question de ses origines, du donneur, et de lui proposer éventuellement, s'il en ressentait le besoin, d'aller en discuter avec la psychologue Patricia Baetens, qui me l'avait proposé lors de l'entretien que j'avais eu avec elle avant la conception. Il m'a simplement demandé s'il était belge. Nous en avons parlé à nouveau récemment et il m'a dit regretter de ne pas avoir de photo et de ne pas connaître le pays d'origine de son donneur. Pour le moment, ce n'est toutefois pas essentiel pour lui. Sa conclusion est la suivante : « Si tu mets dix enfants devant toi, tu ne reconnaîtras pas celui qui est né d'une PMA, même en leur parlant à tous ». Je vous remercie.