Intervention de François Olivennes

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 11h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

François Olivennes :

Concernant les PMA sauvages, il faut savoir que, dans les congrès internationaux de PMA se déroulant aux Etats-Unis, on trouve énormément de stands de banques de sperme, qui vous expliquent qu'elles peuvent vous envoyer du sperme. Lorsque vous leur répondez que c'est interdit en France, elles vous rétorquent qu'elles y envoient pourtant très régulièrement du sperme, soit chez des particuliers, soit chez des gynécologues qui contournent la loi. Cela donne donc lieu à des inséminations sauvages, même si le sperme utilisé est en l'occurrence contrôlé. Il existe également des sites internet, cités dans mon ouvrage, d'hommes qui se proposent de faire des enfants aux femmes qui le souhaitent. Certaines femmes, enfin, font appel à des individus par le biais par exemple de petites annonces. Je ne pourrais pas vous donner de chiffres, mais il est évident que ces pratiques existent. Or ce n'est évidemment pas souhaitable. J'ai par exemple en tête le cas d'une patiente venue me consulter voici quelques années et qui avait utilisé le sperme d'un homme sans faire aucun test HIV. Cela peut en outre, en dehors des risques sanitaires, créer des situations complexes. J'ai par exemple connu le cas d'un homme qui, ayant accepté de donner son sperme, a finalement réclamé la garde de l'enfant et obtenu une garde alternée. Tout cela s'effectue au mépris de toute organisation. Lorsque l'on se rend en Belgique, la situation est très différente : lorsqu'un homme donne son sperme et s'engage auprès du couple receveur à ne pas réclamer de droits sur l'enfant, le fait est notifié dans des actes juridiques, officiels, qui le « privent » de tout droit sur l'enfant bien qu'il en soit le géniteur. Tout cela doit être encadré, réglementé.

Concernant votre deuxième question, je n'aime pas beaucoup le terme de lobby. Je me suis amusé, dans mon livre, à étudier la façon dont les groupes de pression se sont opposés à la procréation médicalement assistée au fil du temps. Il apparaît qu'ils se sont opposés à toute la PMA, depuis le début. En 1930, s'est déroulée à Harvard la première expérience sur des ovocytes de souris : les groupes de pression catholiques avaient alors contraint le médecin à l'origine de ces travaux à partir d'Harvard. Lorsque s'est développée la fécondation in vitro (FIV) pour les couples hétérosexuels, cette pratique a immédiatement été refusée par l'Eglise catholique, qui y est encore opposée aujourd'hui, tout comme elle refuse par exemple le diagnostic préimplantatoire. Dans son discours d'intronisation, le pape précédent avait rappelé cette opposition à la FIV. Cela ne me gêne absolument pas. En revanche, je serais gêné que l'Etat français, laïque, s'inspire de positions chrétiennes pour définir sa loi. Concernant « La Manif pour tous », il est vrai que l'affiche à laquelle vous faisiez allusion était absolument horrible. Ces gens pensent que le modèle familial historique doit rester la règle et qu'il faut interdire tout écart par rapport à ce schéma de référence. Pour autant, je ne vois pas très bien en quoi cela pourrait mettre en péril la société : les enfants issus de PMA vont bien, fréquentent nos écoles sans que ce soit la révolution. Des études effectuées à partir d'extrapolations de la situation en Belgique permettent d'estimer qu'en France 2 000 à 4 000 femmes par an seraient concernées. Cela ne me semble pas de nature à mettre en péril la société. Mme Ludovine de La Rochère ne cesse de clamer sur les ondes que ces enfants sont malheureux : or ce n'est pas ce que montre la science. Il me semble essentiel de se baser sur les études scientifiques menées dans ce domaine, plutôt que sur des convictions.

Pour ce qui est du don d'ovocytes, je n'ai malheureusement pas de solution. Je crois que ce problème va devenir tout à fait important, dans la mesure où les femmes font des enfants de plus en plus tard et où l'on ne parviendra certainement pas à infléchir cette tendance. Le problème principal est celui de la non-marchandisation du corps. Dans d'autres pays, des dédommagements sont proposés aux donneuses. Je demande pour ma part qu'une commission d'enquête soit mise en oeuvre afin de réfléchir à cette question, d'évaluer le nombre de femmes françaises se rendant à l'étranger. Il existe en effet, en Ukraine, en Grèce, des excès dans ce domaine, des exemples de prises en charges tout à fait scabreuses, pour des sommes faramineuses, sans aucun accompagnement médical. Cela a pu conduire à des catastrophes. A Poitiers, une femme de 47 ans est morte d'embolie amniotique après qu'on lui a implanté trois embryons à l'étranger. Certaines situations de prise en charge sont choquantes. Le sujet du don d'ovocytes est très compliqué. Il ne semble pas possible, en l'état actuel, de prendre des décisions. En revanche, il est essentiel de se saisir de ce sujet et de réfléchir aux solutions envisageables. Malheureusement, les campagnes de l'Agence de la biomédecine ne suffisent pas à régler le problème.

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