Je ne suis pas opposé au double don par principe. On n'a d'ailleurs jamais véritablement compris pourquoi il avait été interdit en France. Cela faisait suite à une affaire célèbre de double don, aux Etats-Unis, dans laquelle les parents avaient divorcé et où aucun des deux ne voulait la garde de l'enfant, chacun arguant du fait qu'il n'était pas à l'origine de l'enfant. J'ignore si cela a pesé sur la décision française. Si je n'y suis pas opposé, je considère toutefois qu'il est déjà tellement difficile d'effectuer du don d'ovocytes et de sperme que procéder à un double don serait encore plus compliqué. Cela s'apparente par ailleurs à la pratique, autorisée en France, du don d'embryons. Pourquoi détruire des embryons conservés et non utilisés si l'on peut en faire profiter un autre couple ? Cela me paraît une bonne solution, et ce d'autant que les techniques de congélation se sont améliorées et que les chances de parvenir à une grossesse sont bien meilleures qu'elles ne l'étaient voici quelques années, quasiment comparables à celles obtenues avec un embryon frais. Il conviendrait toutefois, afin de ne pas avoir à recontacter le couple donneur pour de nouveaux examens, nécessaires dans le cadre d'un don d'embryons, de prévoir cette hypothèse dès le départ.
Concernant l'IAD post-mortem, j'ai pendant très longtemps côtoyé le professeur Sureau, président de l'Académie de médecine, grand partisan non de l'insémination de la femme après la mort de l'homme formant le couple avec le sperme préalablement conservé de ce dernier, mais de la possibilité d'implanter des embryons déjà existants, témoignant de la réalité d'un projet parental au sein du couple avant le décès. Bien qu'étant très tolérant de nature, je trouve que cette situation conduit à faire peser sur l'enfant un poids énorme. Cet aspect mériterait d'être débattu avec des psychologues, des psychiatres. Le professeur Sureau faisait valoir que de nombreux enfants n'avaient jamais connu leur père et vivaient avec une photographie de lui sur la cheminée. Il me semble toutefois différent d'être le fruit d'un projet réalisé après la mort du père. Je n'ai, à vrai dire, pas réellement de position à ce sujet et reste assez circonspect. Je n'y suis a priori pas très favorable, mais si des psychologues me disent que l'enfant pourra se développer correctement, alors j'y réfléchirai à nouveau. Je trouve par ailleurs que cela constitue pour la femme un renoncement à une autre union.
On ignore le nombre de femmes seules concernées par les demandes d'AMP. Il est sûr que l'augmentation de l'âge des premières grossesses et le fait que de plus en plus de couples se séparent peut laisser penser que de plus en plus de femmes seules voudront des enfants. Je reçois pour ma part de plus en plus de ces femmes en consultation, entre cinq et dix par mois, contre deux par mois il y a quelques années. Je puis vous dire qu'il est très rare qu'elles se présentent en disant qu'elles souhaitent faire délibérément un enfant toutes seules. Elles sont toujours déçues de ne pas avoir trouvé un homme pour mener à bien leur projet d'enfant et de famille. Ce ne sont pas des célibataires par choix, mais plutôt des « célibataires par deuxième choix », pour reprendre une expression que j'utilise dans mon livre : leur premier choix était de trouver un compagnon. Je n'ai, en outre, pas le sentiment que la moitié des femmes que je reçois effectuent concrètement la démarche. Peut-être leur nombre augmentera-t-il si le recours à cette pratique est autorisé en France, mais de là à imaginer que des centaines de milliers de femmes décideront alors de faire des enfants toutes seules, je n'y crois pas. Il s'agit en effet d'une démarche à laquelle peu de femmes aspirent, mais à laquelle elles se résolvent faute d'autre solution et non sans s'être posé toutes les questions qui se rattachent à cette situation.
Vous m'interrogez sur le déroulement d'un parcours de PMA : le couple doit faire des examens pour vérifier chez la femme que les trompes sont perméables, que ses ovaires fonctionnent. Un spermogramme est par ailleurs réalisé chez l'homme. Plusieurs bilans doivent ensuite être effectués pour vérifier que les membres du couple ne sont pas atteints de maladies virales transmissibles. Qu'il s'agisse d'une insémination ou d'une FIV, la femme a par la suite des piqûres tous les jours, ainsi que des prises de sang. Bien évidemment, la situation est beaucoup plus simple dans le cadre d'une insémination avec donneur que d'une FIV : la procédure d'insémination est assez simple, alors que la fécondation in vitro nécessite une intervention chirurgicale d'une dizaine de minutes. Bien que l'on observe dans ce dernier cas moins de 1 % de complications, ce n'est malgré tout pas anodin. Le temps est long. Cela demande une disponibilité importante et génère beaucoup de stress. Je crois que l'on ne peut plus parler aujourd'hui, comme auparavant, de « parcours du combattant », car les procédures se sont simplifiées. Pour autant, la démarche est lourde, psychologiquement, mais aussi en termes de disponibilité et de déception lorsque cela ne fonctionne pas. Il faut en effet rappeler qu'à 38 ou 40 ans, le taux de succès n'est que de 10 %.