Intervention de Jacques Toubon

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 10h45
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jacques Toubon, Défenseur des droits :

Une quatrième voie a été récemment évoquée, notamment lors de la consultation que j'ai organisée : la possession d'état. Elle permet d'établir l'existence d'un lien de filiation et de parenté entre un enfant et un parent qui se comportent comme tels dans la réalité, même en l'absence de lien biologique. Il s'agit d'une notion juridique très ancienne, qui remonte au droit romain. La possession d'état doit être constatée dans un acte de notoriété délivré par le juge. Elle doit être à la fois continue, paisible, publique et non équivoque. L'avantage de cette solution est qu'elle rejoint la réalité sociologique, qui constitue un facteur d'établissement de la filiation à l'égard d'un parent de fait. Elle a aussi pour intérêt de rétroagir au jour de la naissance de l'enfant, à l'inverse de l'adoption. Par ailleurs, il n'y a pas de condition liée au mariage. Le caractère non équivoque de la possession d'état tient à l'absence de doute sur le lien entre l'enfant et le parent de fait. Certains commentateurs estiment que ce critère pourrait faire l'objet d'une appréciation plus favorable par le juge.

Les inconvénients sont que la possession d'état ne doit pas être établie de manière frauduleuse et qu'elle doit être « paisible », comme le dit le code civil : l'octroi d'un certificat de nationalité française, d'une carte nationale d'identité et d'un numéro de sécurité sociale ne serait probablement pas considéré, à l'heure actuelle, comme suffisant face à l'interdiction de la GPA en droit français. Par ailleurs, la possession d'état doit s'appuyer sur des faits habituels et elle doit être continue. Le délai n'est pas fixé par la loi dans ce domaine, contrairement à celui de la nationalité, où il faut attendre cinq ans. L'absence de délai légal pour faire établir la filiation à l'égard du parent d'intention renvoie à une appréciation judiciaire, ce qui place l'enfant dans une situation d'insécurité juridique. Au Canada, la jurisprudence a retenu un délai compris entre seize mois et deux ans. En France, les actes de notoriété sont délivrés par les juges d'instance, et il risque d'y avoir autant de positions qu'il y a de juges. Il faut également souligner que la possession d'état a des effets juridiques révocables : on peut la contester dans un délai de dix ans. Enfin, je rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation exclut cette voie de droit, du fait de l'existence possible d'une fraude : dans les hypothèses dont nous parlons, la Cour considère que la possession d'état n'a pas de caractère paisible et qu'il existe un doute. J'évoque néanmoins cette piste, car des juristes sérieux l'ont envisagée.

Je terminerai mon intervention en traitant des questions relatives à la fin de vie, dans l'hypothèse où votre mission d'information et le projet de loi les aborderaient.

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