La cinquième priorité concerne la zone Asie-Pacifique. Cette région étant devenue le pivot économique et stratégique du monde, la France et l'Europe ont toutes les raisons de s'y investir. Je suis habituellement plutôt avare de compliments, mais je me dois de souligner que depuis le début de la décennie l'action conduite par la France à cet égard a été exemplaire. Je salue en particulier le travail accompli par M. Le Drian en sa qualité de ministre de la défense : en approfondissant les pistes déjà ouvertes, il a permis que se crée une intimité stratégique réelle entre la France, Singapour et l'Australie. C'est économiquement, politiquement et stratégiquement important. Certes, l'Europe ne rivalisera pas en Asie-Pacifique avec les États-Unis ou avec la Chine, mais si une guerre éclatait en Corée ou en mer de Chine du Sud, cela entraînerait des conséquences économiques et sociales tragiques pour notre continent. Nous devons donc être engagés dans cette région plus que nous ne l'étions il y a vingt ans. Là encore, il doit s'agir d'une relation européenne et non seulement d'une relation nationale – alors que, jusqu'à présent, les relations de chaque État européen avec la Chine se sont plutôt caractérisées par le « chacun pour soi » que par des efforts conjugués.
La dernière priorité, qui conditionne la plupart des autres, doit viser le renseignement. Dans un monde qui vit une révolution de l'information, la base de la valeur économique et stratégique est aujourd'hui l'information, bien davantage que ne l'étaient précédemment la propriété du pétrole ou des marchandises. La France a fortement accru ses moyens en matière de renseignement depuis une quinzaine d'années ; elle doit encore accentuer cet effort, et pas uniquement pour lutter contre le terrorisme. Notre pays est devenu une puissance qui compte dans le monde dans ce domaine et il dispose des ressources humaines et des technologies qui lui permettent de progresser.
Pour résumer, la politique extérieure et de sécurité des États repose désormais sur un trépied : la diplomatie, la défense et le renseignement. Si ces trois piliers ne sont pas de force comparable, l'ensemble vacillera. Il est donc naturel que nos institutions publiques évoluent en fonction de cette nouvelle donne ; c'est d'ailleurs ce qui se passe, y compris au Parlement, comme l'a montré la création de la délégation parlementaire au renseignement.
J'ai délibérément évité les considérations relatives à l'actualité immédiate, mais je répondrai volontiers à vos questions éventuelles à ce sujet.