Intervention de Joël Barre

Réunion du mercredi 10 octobre 2018 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Joël Barre, délégué général pour l'armement :

Vous m'avez interrogé sur la place des PME dans notre stratégie d'innovation et de préparation des programmes et sur la façon dont nous passons du programme de soutien rapide à la réalisation des programmes d'armement. Nous avons effectivement pris en compte cette préoccupation. J'ai en tête l'exemple du programme « Architecture de traitement et d'exploitation massive de l'information multi-source » (ARTEMIS), partenariat d'innovation que nous avons lancé dans le domaine du numérique et qui vise à développer les techniques de bases de données et de connectivité pour les données en masse. Nous avons adopté pour ce programme une démarche contractuelle nouvelle, puisque nous avons contracté avec trois grands maîtres d'oeuvre de logiciels à la fois : ThalesSopra steria, AtosBull et Capgemini. Nous leur avons demandé de s'associer avec des PME et des laboratoires. Ce processus est en cours et il faut effectivement que nous renforcions notre capacité à faire le lien entre la phase d'étude amont, la phase d'innovation et la phase d'intégration dans nos programmes.

Vous avez raison concernant le temps long et le temps court. Si nous sommes bousculés, c'est que les techniques qui se développent dans le civil – le numérique, la robotique, l'intelligence artificielle, etc. – vont beaucoup plus vite que le développement et l'exploitation de nos systèmes d'armes. Je ne crois pas qu'on puisse raccourcir la durée de vie d'un système d'armes tel qu'un avion de combat, un porte-avions ou un char, pour la faire passer de cinquante à cinq ans. Le seul moyen de vivre avec ces systèmes, qui ont par définition une durée de vie de plusieurs décennies, tout en étant au goût du jour en matière d'évolutions technologiques, est d'adopter une démarche incrémentale. C'est la démarche que nous avons commencé à suivre de manière générale et que nous suivions déjà pour les avions de combat. Nous l'utilisons pour Scorpion et devons la généraliser. Nous devons faire en sorte de prévoir régulièrement des mises à jour de la définition de nos programmes pour y intégrer au fur et à mesure l'évolution technologique, permise en particulier par les techniques du civil, et l'évolution des besoins.

S'agissant du Fonds européen de défense, vous dites qu'il y a parfois des difficultés d'ordre diplomatique ou financier. Nous traitons la première phase prototype de ce fonds 2019-2020 de manière suffisamment pragmatique pour être tous conscients de la nécessité de la réussir. S'il est un acteur qui nous « met la pression », c'est la Commission européenne : elle prépare le projet à la vitesse « grand V » et c'est à nous de la suivre et même de la précéder. C'est pourquoi pas plus tard qu'hier, j'ai proposé à nos partenaires allemands, italiens et espagnols de nous mettre d'accord sur un projet de programme de travail 2019-2020 et ensuite, de le proposer à la Commission européenne au lieu d'attendre que cette dernière nous propose elle-même sa propre liste. Évidemment, nous ne pourrons pas faire ce European Defence Industrial Development Program (EDIDP) 2019-2020 à quatre seulement : il faudra que les vingt-sept États membres s'y retrouvent. D'autres projets naîtront donc par ailleurs. Cela dit, avec les 500 millions d'euros d'AE et de CP en 2019-2020, il y a de quoi faire… Nous proposons notamment que dans ce programme EDIDP 2019-2020 figure le drone MALE européen dont j'ai parlé tout à l'heure, le Tigre standard 3 auquel nous travaillons avec les Allemands et les Espagnols, la radio logicielle ESSOR, etc. En résumé, nous essayons de promouvoir un dialogue multilatéral entre les principaux pays contributeurs en matière de défense. La France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne pèsent plus de 50 % du PIB de l'Union européenne. Nous devrions donc de facto avoir une certaine influence.

S'agissant des hélicoptères déployés dans la bande sahélo-saharienne (BSS), la difficulté, qui est connue depuis un peu plus d'un an, a conduit à la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé). C'est une difficulté de disponibilité de nos matériels, hélicoptères en particulier, sur le champ de bataille au Mali. L'apport de la DGA dans le domaine des stratégies et des performances de soutien est, premièrement, de définir les stratégies de soutien au stade de réalisation de nos programmes en fonction des besoins des armées et en liaison avec les services de soutien de chacune d'entre elles – DMAé, SSF, SIMMT –, deuxièmement, de contractualiser et d'engager l'industriel sur des performances qui incluent la performance de disponibilité pendant les cinq à sept premières années d'exploitation et troisièmement, de fournir des ingénieurs et des cadres à nos services de soutien. La DMAé, qui est en train de poursuivre son programme d'armement, a déjà une centaine d'ingénieurs venant de la DGA. Quand Monique Legrand-Larroche a créé la DMAé au début de cette année, elle a tout de suite eu à disposition une quinzaine d'ingénieurs en chef, militaires ou civils, qui venaient de la DGA.

S'agissant de la collaboration avec l'industrie, la maison Airbus est parfaitement consciente du fait que nous attendons des résultats. Je n'ai pas de raison de penser aujourd'hui qu'elle négligerait cet aspect des choses mais il faut un peu de temps pour que la situation s'améliore car on part d'un bas niveau de performance de disponibilité. Le nouveau patron d'Airbus Helicopters, Bruno Even, que je connais très bien, est parfaitement conscient de la difficulté et je pense que nous allons arriver à obtenir des résultats. Nous introduisons aussi dans cette démarche de soutien des mesures innovantes comme la maintenance prédictive. Nous travaillons précisément avec Airbus Helicopters en ce domaine pour essayer de gagner encore en performance.

S'agissant de la patrouille maritime, nous avons une lettre d'intention commune avec nos amis allemands qui date déjà d'il y a quelques mois. Nous avons prévu de lancer les travaux correspondants avec les Allemands lorsque nous aurons pu en discuter et nous mettre d'accord. Nous aurons un prochain rendez-vous le 22 octobre. C'est un des points auxquels nous allons donner suite dans les semaines qui viennent.

Concernant la filière des bouées acoustiques, je vous transmettrai dans les jours qui viennent une réponse écrite.

Nous sommes tout à fait conscients que les cyberattaques constituent un risque majeur et nous considérons que la résilience « cyber » des systèmes d'armes est désormais une performance à prendre en considération comme toutes les autres, que ce soit la portée d'un missile, le rayon d'action d'un avion, etc. Il faut effectivement que nous spécifiions dans nos systèmes les exigences de protection face aux potentielles cyberattaques, et c'est ce que nous faisons. Nous menons aussi des études amont dans le domaine de la cybersécurité pour développer les technologies nécessaires.

L'Agence de l'innovation de défense répond à la nécessité d'avoir une politique d'innovation au sein du ministère qui soit mieux coordonnée, mieux harmonisée et plus efficace et aussi d'avoir une ouverture sur ce qui se passe dans le domaine civil – avec une très grande rapidité d'évolution. Cela ne veut pas dire que l'AID va tout faire. Elle reprend la mission de ce qu'était le service des recherches et technologies de défense et de sécurité (SRTS) de la direction de la stratégie de la DGA, la mission pour la recherche et l'innovation scientifique (MRIS) et la mission pour le développement de l'innovation participative, qui existait au sein de notre direction technique et qui servait à identifier et à stimuler l'innovation d'usage. L'AID ayant été rattachée au DGA, ce dont je me félicite, elle est là pour s'introduire dans l'ensemble des processus de préparation et de conduite des programmes dont j'ai parlé tout à l'heure. Elle bénéficiera, à ses côtés, de toutes les directions de la DGA qui existent par ailleurs, qu'il s'agisse par exemple de la direction des opérations qui conduit les programmes d'études amont de temps long ou de la direction technique qui fournit les experts.

S'agissant des études amont de temps long, il se dessine clairement un paysage dans lequel il y a des innovations à boucle courte et des innovations de rupture de long cycle. Ce n'est pas à la FNAC qu'on trouvera le missile hypersonique du futur ! Il faut en développer les technologies. Nous avons commencé à le faire pour le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN-4G). C'est un exemple parmi d'autres. Il faudra continuer à étudier les technologies de rupture et à les faire mûrir pendant des années. C'est à côté de ces technologies de rupture qui font l'objet d'études amont de temps long qu'il faut effectivement renforcer notre dispositif d'innovation à temps court. C'est la première mission de l'AID.

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