Je ne l'ai pas dit comme cela, mais c'est à peu près ce que cela veut dire. (Sourires.)
J'en viens aux fusils de précision semi-automatiques. Quand nous passons un appel d'offres comme celui que nous avons passé pour cette arme, nous devons, d'une part, respecter la réglementation qui s'impose à nous – qu'elle soit européenne ou qu'elle relève du code des marchés publics – et, d'autre part, nous assurer que les titulaires qui nous feront des offres ont une capacité suffisante pour répondre à nos besoins dans la durée. L'appel d'offres porte certes sur un fusil, mais aussi et surtout sur des optiques, dont des visées nocturnes permettant à nos forces d'utiliser ce fusil dans des conditions particulières. En termes d'assiette du chiffre d'affaires correspondant à cet appel d'offres, l'optique représente plus de 50 % du marché correspondant. Le fusil lui-même en représente à peu près un quart et les munitions, de l'ordre de 10 %. Telle ou telle société française qui voulait répondre à cet appel d'offres, si elle n'avait pas l'ensemble des capacités fusil et optique de précision, devait se présenter avec un partenaire. C'est, selon la presse, ce que la société dont vous n'avez pas voulu citer le nom, mais qui fait la une de la presse spécialisée tous les jours, a fait.
S'agissant de la filière petit calibre, qui ne concerne pas que Saint-Étienne, la question est posée depuis déjà quelques mois. Dans le cadre de la revue stratégique de l'été 2017, nous avons essayé les uns et les autres, sous l'autorité de la ministre des Armées, de distinguer ce que nous considérions comme souverain, ce que nous considérions comme ouvert à la coopération à condition de conserver les compétences au cas où la coopération échouerait, ce que nous considérions comme relevant d'une capacité de coopération avec spécialisation – l'exemple typique étant ce que l'on fait avec MBDA sur les missiles, certains centres d'excellence étant au Royaume-Uni et pas en France, et réciproquement – et ce qui pouvait faire l'objet d'achats sur étagère parce que nous ne pouvons pas tout nous payer. C'est un choix stratégique. Si la filière de munitions petit calibre devient une priorité stratégique, il faudra savoir exactement quel coût elle représente et comment nous pourrons la financer dans le cadre d'une LPM qui a déjà été bouclée il y a quelques semaines. Je comprends que cela touche une région plutôt qu'une autre, mais il faut bien faire des choix. Je peux vous assurer que dès qu'une entreprise française est susceptible de postuler à un appel d'offres, nous faisons le maximum pour que les conditions le lui permettent, dans le respect des règles que nous devons respecter – sinon nous serions en contentieux permanent.
L'A400M a fait l'objet d'un exercice que l'industrie a appelé le « re-baselining » c'est-à-dire d'un exercice de remise à plat. Il est inutile que je revienne sur les difficultés bien connues de l'A400M. Il a pris un retard considérable. Airbus dit avoir perdu huit milliards d'euros dans cette opération et nous-mêmes avons perdu de l'argent, ne serait-ce qu'en devant acheter des C130 de remplacement. Au début de cette année, nous nous sommes mis d'accord entre les différents pays participant au programme A400M, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAr) et l'industrie, c'est-à-dire Airbus et le consortium EPI pour le moteur. Cela doit conduire à poursuivre les livraisons et à redéfinir les jalons de développement pour atteindre le standard final tel que défini au contrat. Quatorze A400M ont aujourd'hui été livrés à la France. J'ai compris que l'armée de l'air était plutôt satisfaite de ces appareils, dans l'état actuel de leur performance qui est un état limité. Cela veut effectivement dire que ce re-baselining prévoit le retrofit des avions au fur et à mesure que les performances manquantes seront développées. Le retrofit doit s'étaler entre 2021 et 2026. C'est un peu long, j'en conviens, mais c'est ce qui a été décidé.
J'ai donc tendance à dire que l'A400M n'est certainement pas le plus grand succès des programmes d'armement de ces dernières années, mais il est en phase de redressement. Les choses ont été engagées début 2018, il nous reste à transformer les principes de ce re-baselining que je viens de résumer en un contrat en bonne et due forme, et, pour ne rien vous cacher, nous constatons actuellement quelques difficultés dans la négociation entre l'OCCAr et Airbus, entre l'OCCAr et les six nations participantes. J'espère que nous y arriverons d'ici à la fin de l'année. D'ailleurs, notre ami Thomas Enders, qui est encore président d'Airbus, nous a envoyé il n'y a pas longtemps une lettre indiquant qu'il fallait absolument converger d'ici à fin novembre sur le contrat lui-même.
J'étais hier à Madrid, où j'ai vu les ateliers de retrofit mis en place par la maison Airbus. Il y a actuellement trois ateliers en Europe pour « rétrofiter » les A400M, deux en Espagne et un en Allemagne, et l'on s'interroge sur la nécessité d'en avoir un en France pour aller plus vite.
Je pense que le plan de redressement A400M que nous avons mis en place est sur la bonne voie, mais il est exact que cela va prendre du temps. J'ai le sentiment que les premiers A400M livrés, dans l'état partiel de performance qu'ils permettent aujourd'hui, donnent satisfaction et qu'à terme ce programme finira par être un succès.