Certaines de vos questions s'adressent davantage au Gouvernement qu'au Haut Conseil des finances publiques. D'ailleurs, monsieur Dufrègne, nous ne délivrons pas de préconisations en tant que telles, mais raisonnons à partir des engagements pris par les pouvoirs publics, au travers des traités et des règlements européens, qui s'imposent à la France, ou dans le cadre des lois de programmation ou des lois de finances ; nous sommes en démocratie, et vous les avez donc approuvés.
Le Haut Conseil ne préconise donc nullement d'accroître les mesures de rigueur, mais rappelle que, si la majorité veut respecter les engagements pris, il faudra être exigeant sur le respect de la trajectoire. Pour les orientations que cette dernière implique ou pour son rythme, cela relève du pouvoir politique, et il n'appartient ni au Haut Conseil ni à la Cour des comptes d'en décider.
Monsieur le rapporteur général, j'ignore s'il s'agit de l'appréciation la plus laudative jamais délivrée par le Haut Conseil, car nous ne raisonnons pas en ces termes. La question n'est pas de savoir si notre avis va plaire et si nos remarques sont des compliments – ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous estimons des hypothèses plausibles ou prudentes. Nous raisonnons à partir de données qui nous sont fournies par le Gouvernement et les administrations, données que nous confrontons aux analyses d'autres observateurs de la vie économique et resituons dans l'environnement européen et international.
Je vous rassure par ailleurs : il n'y a aucun problème de cohérence entre le président du Haut Conseil et le Premier président de la Cour des comptes. Il faut toujours garder à l'esprit le moment dans lequel une institution ou une juridiction s'exprime, et il est toujours plus facile de raisonner avec six ou douze mois de recul.
La plupart des conjoncturistes estimaient en septembre 2016 que les hypothèses du Gouvernement étaient plutôt optimistes. S'ils avaient suivi l'ensemble des conjoncturistes, le Haut Conseil, lors de son examen du programme de stabilité, et la Cour des comptes dans le cadre de son audit auraient, eux aussi, considéré ces hypothèses comme optimistes. Or nous les avons qualifiées de plausibles. On ne pouvait évidemment pas exclure le fait que l'une d'entre elles ne se réalise pas, mais nous avons écarté cette probabilité et validé ces hypothèses. La Cour a estimé que le véritable problème de nos finances publiques n'était pas un problème de recettes mais un problème de dépenses. Tout ce que nous avons dit à l'époque reste pertinent et se trouve d'ailleurs confirmé par le projet de loi de finances pour 2018. On ne peut donc parler de divergence dans nos observations.
D'ailleurs, l'ensemble des conjoncturistes ont aujourd'hui révisé leurs prévisions à la hausse, car certains risques ont disparu, ceux notamment attachés au Brexit, dont les économistes avaient surestimé les conséquences sur l'année 2017. Cela ne signifie pas que, marginalement ces conséquences ne pourront pas se faire sentir en 2018 sur les économies européennes mais, à l'instar d'autres difficultés conjoncturelles, les risques majeurs ont été écartés.
L'appréciation que nous portons sur l'estimation des recettes pour 2018 est donc positive. Nous pensons même que ces recettes peuvent être supérieures à celles prévues par le projet de loi de finances pour 2018. Il peut y avoir de bonnes surprises.
Il est vraisemblable que l'élasticité de ces recettes sera de 1,3 pour 2017 – ce qui est rare –, après 1,2 en 2016. Pourtant, si le Gouvernement précédent avait tablé sur une élasticité de 1,3 pour cette année, tout le monde aurait légitimement estimé que c'était une prévision beaucoup trop optimiste. Il s'agit de paramètres qui se constatent a posteriori. S'il vaut mieux de bonnes que de mauvaises nouvelles, ce surcroît de recettes ne doit néanmoins pas dispenser de continuer de faire des efforts en matière de dépenses, à moins de compromettre toute amélioration structurelle.
Mais est-ce que tout le déficit est structurel ? Non. D'ailleurs, dans la nouvelle estimation du Gouvernement, nous ne trouvons pas cette croyance que tout serait structurel.
En 2016, le déficit structurel est passé de 1,5 % à 2,5 %, mais sur un déficit total de 3,4 %. Tout n'est donc pas structurel ; la conjoncture joue aussi son rôle. Le Gouvernement nous paraît avoir une estimation réaliste. En tout cas, elle est plus conforme à l'ensemble des hypothèses qui sont retenues par les organisations internationales de ce point de vue-là, alors que de vraies divergences existaient au sujet de l'écart de production entre les chiffres de la France et ceux de pratiquement tous ces organismes, voire de beaucoup d'instituts de conjoncture.
Ce n'est pas le rôle du Haut Conseil que d'exprimer un avis sur chacune des hypothèses de recettes présentées par le Gouvernement. Il n'en a ni les moyens, ni le temps et ce n'est pas ce qui lui est demandé. Vous interrogerez tout à l'heure le ministre sur le sérieux des hypothèses qui sont les siennes. Quant à nous, nous n'avons pu entrer dans le calcul de nouvelles estimations, surtout lorsqu'il s'agit de nouvelles recettes. Il y a toujours un élément d'appréciation de la part des services.
J'en viens à la dépense. Mme Rabault a raison si l'on raisonne en termes de valeur, mais la trajectoire de maîtrise de la dépense – si l'on raisonne en termes de volume – est sans doute un peu plus exigeante pour l'avenir qu'elle ne l'était par le passé. Si l'on veut respecter l'ensemble des équilibres, cela nécessite de respecter scrupuleusement cette trajectoire exigeante.
Nous considérons que de nombreux risques existent, à travers les collectivités territoriales, à travers les économies réalisées sur le budget de l'État, à travers un quantum plus important d'économies à réaliser dans le budget de la sécurité sociale. Cela doit être concrétisé, mais la question se pose de savoir si tous ces efforts pourront vraiment l'être. Le Gouvernement aura à apporter la preuve que ces engagements pourront être tenus dans l'année.
Nous ajoutons un codicille, en attirant l'attention sur le fait que de bonnes recettes ne doivent pas conduire à se dispenser du respect de la trajectoire de dépenses, pour améliorer le solde structurel. L'ajustement structurel, tel qu'il est présenté, ne correspond pas, formellement, aux engagements de la France, à savoir 0,5 point de PIB. Monsieur de Courson, ces engagements ont été respectés en 2011, en 2012 et en 2013, et même au-delà, mais grâce à des recettes plus importantes. Il est certes plus difficile de tenir cet engagement en agissant sur les dépenses qu'en augmentant le niveau des recettes et des prélèvements obligatoires.
Tel est notre constat. Notre mission est d'apprécier la cohérence des chiffres vis-à-vis des engagements européens de la France. Mais la Commission et le Conseil de l'Union européenne peuvent avoir leur propre marge d'appréciation. Je ne peux vous répondre pour la Commission et pour le Gouvernement, auxquels il appartient de dialoguer. Comme je le disais dans cette enceinte, avec le Haut Conseil et avec la Cour des comptes, vous ne pouvez pas passer de compromis, car nous raisonnons à partir de textes et d'engagements pris. Entre deux autorités politiques, par exemple un gouvernement national et la Commission, les choses sont différentes, vous pouvez passer des compromis, il y a toujours une marge d'appréciation. La réponse ne peut cependant être que politique.
Quant à l'hypothèse d'un écart de production positif en fin de période, il est toujours possible de la faire. Ce peut être l'objet d'un grand débat entre économistes. Le Haut Conseil estime cependant que cette hypothèse serait plutôt optimiste. Elle repose sur le raisonnement qui veut, qu'à moyen terme, les hypothèses soient généralement établies à partir des contraintes d'offre, et non de demande, la dynamique des éléments de demande étant plus difficilement prévisible à cet horizon. Honnêtement, au-delà de 2020 ou 2021, personne n'en sait rien ; nous entrons dans un débat entre économistes.
Cela peut cependant avoir des conséquences. Le Gouvernement fait l'hypothèse que, après la fermeture de l'écart de production, la demande sera plus dynamique que l'offre. Si cette hypothèse est neutre pour le calcul du déficit structurel, ce n'est pas vrai pour le déficit effectif. L'écart est de 0,6 point dans le sens favorable. Il en va de même pour la trajectoire de la dette publique, dont l'évolution est présentée sous un jour plus favorable, de l'ordre de 1 à 1,5 point.