Ce budget est placé sous le signe de la transformation et vise à défendre le pouvoir d'achat. Je me permettrai d'en souligner quelques points avant de laisser une large place au débat.
Le budget n'est qu'un outil – certes très important – qui vient concrétiser les décisions de politiques publiques. Ce sont bien les politiques publiques qui commandent le budget et non l'inverse. M. le ministre de l'économie et des finances vient de rappeler les principes généraux de ce budget : il s'agit de passer d'un modèle de société qui encourage la rente et qui exclut un grand nombre de nos compatriotes à un autre modèle qui encourage la mobilité. On ne redresse pas une économie sans aider ceux qui veulent s'en sortir et réussir. Il faut que le travail paie. Notre budget est celui de la feuille de paie, nous y reviendrons à propos du pouvoir d'achat. Il faut protéger les plus faibles et passer d'une société qui favorisait la subvention à une société qui favorise l'investissement.
Ce budget a été établi pour accompagner les transitions ; il est éminemment politique puisqu'il traduit des choix. Citons le grand plan d'investissement qui va être doté de moyens nouveaux – 700 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont 200 millions pour le seul budget 2018 – destinés notamment à accompagner la transformation numérique de nos administrations, en particulier de la justice. Ce budget doit donc permettre les transitions écologique, économique et sociale, ainsi que l'application du nouveau pacte conclu avec les collectivités locales. Nous avons décidé de faire porter la maîtrise des dépenses publiques sur les 319 plus grosses collectivités et non sur les innombrables communes rurales et villes moyennes de notre pays.
Il s'agit de faire des choix, non de donner des coups de rabot. Nous engageons des transformations de politiques publiques très profondes qui dépassent largement les crédits budgétaires, notamment en matière de travail et de logement. Dans les domaines régaliens de l'État, comme l'éducation et la défense, les budgets sont en forte hausse. Conformément aux engagements du Président de la République, le budget des armées va augmenter de 1,7 milliard d'euros chaque année et l'aide au développement devrait atteindre 0,55 % du PIB en 2022.
Nous avons aussi choisi de ne pas diminuer de manière homothétique le nombre des emplois publics. Un gros effort a été consenti en ce qui concerne la masse salariale de l'État, puisque 1 600 emplois ont été supprimés alors que 14 000 emplois avaient été créés au cours de la dernière année budgétaire. Nous avons décidé de ne pas faire une simple division par cinq pour en arriver à la suppression de 120 000 emplois publics durant le quinquennat. Nous souhaitons poser d'abord la question des missions avant d'aborder celle des moyens puis celle des emplois publics. Le programme « Action publique 2022 », lancé par le Premier ministre, se concrétisera dès le prochain budget. Ce programme destiné à moderniser l'État et l'ensemble des administrations publiques aura des conséquences en termes budgétaires et d'emplois publics.
Notre budget est celui du pouvoir d'achat. Si le budget est une affaire de spécialistes, il concerne aussi les Français ; nous devons exprimer les choses en euros et pas seulement en milliards d'euros. Dans le livret du pouvoir d'achat qui vous a été remis, vous trouverez la traduction concrète – sous forme d'augmentation d'allocations ou de baisse d'impôts – de nombreuses dispositions prévues durant le quinquennat. Il résume ce que nous allons redonner aux Français : dégrèvement de la taxe d'habitation, suppression de cotisations, généralisation du chèque énergie, augmentation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), augmentation du minimum vieillesse, aide très particulière aux familles monoparentales. Dès 2018, un couple de smicards qui paie actuellement la taxe d'habitation aura 380 euros d'augmentation de pouvoir d'achat. À la fin du quinquennat, ce même couple aura l'équivalent de plus d'un treizième mois en gain de pouvoir d'achat grâce à la redistribution dont nous reparlerons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Le budget est sincère et sérieux : les hypothèses retenues sont raisonnables ; elles se situent dans le consensus des économistes. Je me suis laissé dire que M. Migaud l'a souligné ce matin, lorsque vous l'avez auditionné. Nous avons rebudgétisé les insincérités constatées dans le dernier budget. En fait, l'insincérité a été une constante depuis de nombreuses années. À l'exception des opérations extérieures (OPEX), qui vont bénéficier d'un rattrapage durant le quinquennat, nous avons rebudgétisé 4,5 milliards d'euros, afin de pouvoir répondre aux interrogations légitimes sur la sous-budgétisation chronique, notamment pour ce qui est de l'hébergement d'urgence, de l'AAH et du ministère de l'agriculture. Nous avons proposé au Président de la République et au Premier ministre d'appliquer un gel de 3 % à ce budget, ce qui devrait favoriser les directeurs de programme. Nous voulons vous démontrer ainsi que nous croyons à la sincérité de notre budget et rendre aux ministres le grand pilotage de leur politique publique.
Enfin, ce budget est celui des promesses tenues. Toutes les promesses de la majorité parlementaires sont inscrites dans ce budget et dans la trajectoire quinquennale. Nous inversons une courbe, celle de la dépense publique : la part de la dépense publique dans la richesse nationale décroît de 0,7 point, passant de 54,6 % à 53,9 %, ce qui est inédit depuis la période où Dominique Strauss-Kahn était à Bercy. La croissance étant à cette époque bien supérieure à ce qu'elle est actuellement, on peut mesurer l'effort extrêmement important que nous avons accompli pour diminuer la dépense publique. Si la croissance économique continue sur sa lancée, nous pouvons imaginer une décrue des dépenses publiques.
Nous avons décidé de lutter d'une façon inédite contre une dépense publique qui, malheureusement, a réduit les capacités de transformation de notre pays. Nous avons quasiment tenu l'engagement que le Premier ministre vous avait fait : toutes administrations publiques confondues, les dépenses augmentent de 0,5 % en volume. Nous avons encore du travail à faire. Nous avons choisi la transformation mais pas la rigueur. Je rappelle que ce taux de 0,5 % d'augmentation de la dépense publique en volume n'avait pas été vu depuis quinze ans et qu'il est deux fois moins élevé que celui observé au cours de la période 2010-2016.
Notre dette est stabilisée pour la première fois depuis 2006 et elle devrait avoir baissé de cinq points à la fin de ce quinquennat. Ainsi que l'a annoncé M. le ministre de l'économie et des finances, le montant des baisses d'impôts atteint 10 milliards d'euros et les prélèvements obligatoires diminuent de 0,3 point dans ce budget 2018. Le déficit est réduit de 0,3 point par rapport à 2017. Précisons que lorsque nous avons pris nos fonctions, la Cour des comptes a indiqué que le déficit, toutes administrations publiques confondues, était de 3,4 %. Nous avons donc fait un effort considérable pour tenir nos promesses et respecter les engagements de la France.