Intervention de Éric Woerth

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 13h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président :

Avant de donner la parole au rapporteur général, je vais faire quelques observations et poser quelques questions.

Tout d'abord, je me réjouis de l'effort de sincérité qui se manifeste dans le document qui nous a été distribué. Lors de nos différentes réunions, nous avions évoqué la sous-budgétisation chronique et habituelle de certaines dépenses : l'AAH, la prime d'activité, les OPEX, etc. Certains points ont été corrigés, ce qui est une bonne chose, tout comme le fait que la réserve de précaution soit maintenue à un taux qui en fait réellement une réserve de précaution.

Deuxième élément positif : les agrégats économiques – la croissance du PIB, la masse salariale, l'élasticité, l'inflation et autres – sont confirmés par le Haut Conseil des finances publiques. C'est donc un budget sincère au sens où il ne contient pas à ce stade de biais de construction, si j'ai bien compris ce que disait son président, M. Didier Migaud, au sujet des précédents exercices.

Je m'étonne néanmoins que le premier budget présenté par cette majorité ne respecte pas les engagements européens de la France. Il me semble qu'on devrait plutôt essayer d'y coller dans un premier budget : ces engagements sont majeurs. Souvent, ils n'ont pas été respectés alors qu'ils devraient l'être ; aujourd'hui, la conjoncture économique le permet davantage. Je m'étonne donc du manque de respect des engagements européens de la France dans ce budget et bien plus encore dans votre programmation budgétaire.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises un budget de « grande rupture », mais je suis plutôt d'avis qu'il s'agit d'un budget de petite continuité. Cela me conduit à vous poser quelques questions.

D'abord, vous annoncez une augmentation considérable du déficit de l'État, qui atteindrait 83 milliards d'euros, soit à peu près 4 points de PIB, ce qui est considérable. Cela représente 14 milliards de plus que dans la loi de finances initiale pour 2017 et 7 milliards supplémentaires par rapport aux prévisions d'exécution pour 2017. Je comprends qu'il y a probablement l'effet des rebasages que je viens d'évoquer, mais cela ne suffit pas à expliquer la différence avec les prévisions d'exécution budgétaire pour cette année. Il y a donc un dérapage tout à fait considérable du déficit de l'État.

Ma question est de savoir par quel miracle comptable, ou par quelle bonne nouvelle concernant les collectivités locales et la sécurité sociale, on arrive à revenir à 2,6 % de PIB de déficit en 2018. Vous nous direz peut-être que les collectivités locales ou la sécurité sociale sont plus vertueuses que l'État lui-même... Merci, en tout cas, pour la réponse précise que vous pourrez apporter sur ce sujet.

Alors que tout va mieux dans l'économie, en France comme en Europe et dans le reste du monde, vous révisez à la baisse vos ambitions pour la maîtrise de la dépense. Vous aviez indiqué que ce serait zéro en volume et vous faites 0,5. Ce n'est pourtant pas la dégradation de la conjoncture qui peut l'expliquer : elle devrait vous amener à faire mieux. Vous expliquez que vous allez réaliser 16 milliards d'euros d'économies, contre 20 milliards précédemment annoncés, sans préciser comment vous calculez ces 16 milliards d'euros. Nous avons interrogé tout à l'heure le Haut Conseil, qui n'avait pas pu regarder cette question. Où sont ces 16 milliards et comment sont-ils calculés ? Quelles sont vos hypothèses sur ce sujet ? Et surtout, pourquoi un tel relâchement dans l'effort de maîtrise de la dépense ? La conjoncture conduirait plutôt à un rehaussement, sans parler d'austérité, terme qui n'a pas de sens devant un tel niveau de dépenses publiques. Pourquoi ces revirements, et où sont ces fameuses économies ?

Dans votre communication générale – nous verrons bien ce qu'il en est dans les textes, dont nous disposons tout juste depuis cinq minutes –, pourquoi faites-vous reposer la quasi-intégralité de l'effort de réduction des dépenses sur seulement deux d'entre elles : le logement et les contrats aidés ? C'est un peu court : cela ne peut pas expliquer l'ensemble de l'effort que vous dites réaliser en ce qui concerne les dépenses.

Ensuite, pourquoi stopper la baisse tendancielle des effectifs ? M. Darmanin a indiqué qu'il y a eu 14 000 emplois de plus en 2017. C'est sans doute un dérapage tardif et extrêmement dommageable du précédent exécutif, mais il y avait une baisse tendancielle depuis des années : les gouvernements qui ont précédé ceux de M. Hollande avaient réduit d'environ 150 000 les effectifs au sein de l'État. À cela s'ajoute le sentiment au sein de la population que nous allons réduire les effectifs dans la fonction publique. Ce n'est pas agir contre elle, mais lui donner au contraire la capacité d'évoluer dans son statut ou ses méthodes de travail, surtout à l'ère du numérique. Or vous annoncez une stabilité des effectifs pour l'État, ou quasiment aucune diminution. Vous nous dites que l'on verra plus tard, en fonction des missions. Mais on a toujours procédé ainsi. La vérité est que vous n'avez pas voulu ouvrir un front supplémentaire avec la fonction publique. Pourquoi n'avez-vous pas eu ce courage ?

Même observation pour les prélèvements obligatoires : vous nous dites que vous réalisez 10 milliards d'euros de baisse, mais en fait non, car c'est hors contribution sociale généralisée (CSG). Je sais bien que nous parlons aujourd'hui du projet de loi de finances, mais les prélèvements obligatoires vont au-delà. La vérité est que vous augmentez la CSG dès maintenant et que les baisses de cotisations sociales ont lieu en deux temps. En net de CSG, cela représente en réalité 7 milliards d'euros de réduction d'impôts. Ces baisses ne sont pas suffisantes pour les Français dans le climat actuel et il y a par ailleurs beaucoup de petites hausses : pour les ménages modestes et ruraux, je pense notamment au carburant et au livret A, mais il n'y a pas que ça.

S'agissant de la compétitivité, pourquoi un tel changement de pied ? Pourquoi parlez-vous toujours du pouvoir d'achat et plus jamais de la compétitivité ? Vous présentez par ailleurs un « livret du pouvoir d'achat », mais ce n'est pas le livret A : il va subir au contraire de plein fouet le différentiel d'inflation. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) est une bonne chose, mais ce n'est pas une rupture. C'est un retour en arrière – d'ailleurs judicieux. Quant à l'impôt sur les sociétés, M. Hollande avait déjà fait voter une baisse tendancielle et je suis heureux que ce soit confirmé. On peut être d'accord – de temps en temps...

Mais les entreprises vont subir une augmentation du coût du travail : c'est votre réforme du CICE, dont le taux va passer de 7 % à 6 %. Cela représente plus de 3 milliards d'euros. Pourquoi ce changement de cap et pourquoi augmenter les charges des entreprises quand on a, au contraire, besoin de les réduire ?

Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez apporter.

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