Madame la ministre, nous avons confié une mission d'information sur les femmes et les forces armées à nos collègues Bérangère Couillard et Bénédicte Taurine qui devraient nous présenter leurs conclusions dans le courant du mois d'octobre. Il nous a semblé indispensable de vous entendre sur ce sujet et c'est avec plaisir que nous vous accueillons au sein de la délégation aux droits des femmes, sachant votre mobilisation sur cette question.
Avant d'en venir à cette thématique, je souhaite vous faire partager la stupéfaction qui a été la mienne en entendant les propos tenus la semaine dernière par Bertrand de Rochambeau, président du syndicat national des gynécologues, sur l'interruption volontaire de grossesse – le syndicat a indiqué depuis que le docteur de Rochambeau s'était exprimé en son nom propre.
Je ne peux que condamner avec la plus grande fermeté ces déclarations, contraires à la lettre et à l'esprit de la loi. Le droit des femmes à disposer librement de leur corps est un droit fondamental, que rien ni personne ne saurait remettre en cause. Au sein de la Délégation, nous avons toujours rappelé que l'avortement était une question de choix : le choix de poursuivre ou non une grossesse, le choix d'un lieu, le choix, nous l'oublions trop souvent, d'une méthode. Cette liberté de choix est garantie par la loi, et aucun praticien, quel qu'il soit, ne saurait la remettre en cause.
Je me propose donc de publier un communiqué au nom de la Délégation pour rappeler ces principes fondateurs. Je constate que cette proposition recueille votre assentiment à toutes et tous. Je vous en remercie.
Madame la ministre, je veux vous remercier très chaleureusement de votre participation à cette réunion sur les femmes et les forces armées, un sujet qui vous tient particulièrement à coeur et pour lequel vous êtes personnellement très impliquée. Je pense au plan « Famille », mais aussi à vos déclarations en matière de lutte contre le harcèlement. Vous avez très justement dénoncé le caractère intolérable des comportements sexistes et fait part de votre souhait de les sanctionner, de façon à y mettre un terme. Vous reviendrez très certainement sur ces différentes initiatives dans votre propos liminaire et plus généralement sur la dynamique que vous souhaitez impulser au sein de votre ministère.
L'armée est avant tout une question d'engagement, nous l'avons compris lors des auditions menées par la Délégation et par nos rapporteures. C'est une volonté personnelle qui se transforme en force collective, des valeurs qui transcendent l'individu au service de la Nation. Il s'agit d'une détermination altruiste qui mérite notre profonde admiration. Chaque jour, des femmes et des hommes font le voeu de protéger le territoire français et leurs concitoyens en s'astreignant aux contraintes que l'on connaît, afin de garantir une vie paisible à leurs pairs. Mais l'esprit de corps qui lie les militaires ne saurait se réduire à un entre-soi, dont les valeurs résisteraient à celles de la société. À ce titre, la féminisation des effectifs a été un axe essentiel de la modernisation des forces armées françaises.
La France peut se féliciter d'avoir l'une des armées les plus féminisées au monde. Des femmes valeureuses se sont engagées depuis les derniers conflits mondiaux sur les fronts de guerre, ébranlant ainsi les représentations culturelles et l'assignation des femmes à certains rôles sociaux. Mais la féminisation de l'armée relève encore trop souvent d'exploits individuels et les femmes sont, pour la plupart, encore cantonnées aux fonctions supports ou aux fonctions médicales.
Au-delà des problématiques de recrutement, lequel tend actuellement à une diversification croissante, c'est l'essence même de ce que l'armée doit être qu'il faut travailler. Comme l'a montré Emmanuelle Prévot, maître de conférences à l'école de l'air, les femmes sont encore perçues comme des intruses dans un monde d'hommes. Il est temps de dénouer le lien qui, depuis des centaines d'années, s'est créé entre guerre, virilité et hommes. Sans cet effort, la féminisation de l'armée sera toujours ressentie comme une tentative de déstabilisation de l'identité masculine, ce qui empêchera les femmes d'évoluer dans cet environnement.
Quelles sont donc les actions à mettre en place pour que les femmes n'aient plus à s'adapter à un monde qui les considère encore comme des intruses ? Comment développer une culture militaire qui accueillerait les femmes au même titre que les hommes ? Avant de vous donner la parole, madame la ministre, je propose aux rapporteures Bérangère Couillard et Bénédicte Taurine, d'introduire nos échanges.