Je me suis censurée moi-même en disant que cet objectif de 10 % était à l'horizon de 2025. En réalité, il est à l'horizon 2022, ce qui est plus ambitieux. Et nous voulons doubler ce taux d'ici 2025.
Je serai très claire sur le seul mode de fonctionnement qui prévaut dans les armées : c'est la promotion au mérite, en fonction des compétences et des talents. Ces critères doivent continuer de s'appliquer. Je n'ai aucun état d'âme à ce propos.
Et je n'ai aucun état d'âme et aucun doute non plus que sur le fait que, dès lors que nous aurons été capables d'accroître le vivier des femmes qui peuvent être promues, celles-ci rempliront tous les critères pour l'être. Pour moi, la question n'est pas la discrimination positive, mais la constitution d'un vivier suffisamment significatif.
Il faut revenir à l'histoire, qui est celle d'une ouverture très tardive des écoles d'officiers aux femmes. De mémoire, l'armée de l'air a commencé à s'ouvrir aux femmes en 1967 et l'école navale au début des années 1990. C'est donc très récent. Comme il faut plus de vingt ans pour accéder au grade de colonel ou de capitaine de vaisseau, et environ trente ans pour accéder au grade de général – ou équivalent – vous comprendrez que les viviers soient extrêmement restreints.
Par ailleurs, et c'est notre deuxième sujet de préoccupation, nous devons nous assurer que dans les promotions qui rentrent dans les écoles d'officiers, la part des filles s'élève. Or nous sommes encore sur de trop petits nombres, avec des évolutions erratiques d'une année sur l'autre. La tendance est plutôt à l'amélioration, mais il y a des années moins bonnes que d'autres.
L'école de l'air est en avance sur les deux autres écoles d'officiers, et a beaucoup progressé au cours des trois dernières années : il y avait presque 15 % de filles dans cette école en 2015, il y en a quasiment 25 % en 2017. Les effectifs à l'école navale évoluent, avec une très bonne année en 2015, une beaucoup moins bonne en 2016 ; cela recommence à progresser, mais encore trop faiblement en 2017. Il en va de même à Saint-Cyr : presque 8 % de filles en 2015, presque 9 % en 2016 ; en 2017 je ne vais même pas citer le taux ; en revanche, en 2018, nous avons atteint et dépassé les 10 % et je pense que c'est probablement une des premières fois.
Mais enfin, en valeur absolue, les effectifs ont atteint 16 filles à l'école spéciale militaire de Saint-Cyr en 2018, 16 à l'école de l'air et 16 à l'école navale en 2017. On est encore sur de tout petits nombres. C'est un sujet de préoccupation qui renvoie à des considérations qui dépassent très largement les difficultés propres aux armées.
Si l'on regarde dans le détail les résultats à l'entrée de Saint-Cyr cette année, on retrouve malheureusement une tendance qui existe dans toutes les grandes écoles scientifiques, à savoir que la part des filles qui réussissent le concours d'entrée via la section scientifique est très faible. En effet, en général, il y a peu de filles dans les classes préparatoires scientifiques. D'une certaine manière, ces résultats sont aussi le reflet d'une situation générale qui concerne aussi bien le monde civil que le monde militaire.
Notre objectif est donc de faire en sorte que le taux de féminisation à la sortie des grandes écoles progresse en faveur des femmes. C'est une condition nécessaire pour qu'à terme nous ayons davantage d'officiers généraux féminins.