Madame la ministre, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vais essayer d'évoquer les grands chiffres des comptes publics et des comptes sociaux, en expliquant que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le deuxième du quinquennat, est cohérent et complémentaire avec le projet de loi de finances que j'ai présenté il y a quinze jours avec le ministre de l'économie et des finances.
Comme vous le savez, nos comptes publics se répartissent entre l'État, pour à peu près 30 % de la dépense publique, les collectivités locales pour à peu près 20 % de la dépense publique, et puis le champ social, la sécurité sociale, pour à peu près 50 % de la dépense publique. Évidemment, ceux qui s'intéressent aux comptes publics ne peuvent se désintéresser des comptes sociaux, et les documents budgétaires doivent être complémentaires les uns des autres, ce qui pose des questions à la fois pragmatiques et philosophiques que je vais aborder dans quelques instants.
Ce PLFSS est cohérent.
En raison de l'importance de la maîtrise de la dépense sociale pour les comptes publics, et comme le veut la pratique, nous avons présenté le PLFSS avec Mme Buzyn devant la Commission des comptes de la sécurité sociale. Nous avons pu évoquer le fait que, s'il y avait en 2018 à peu près un milliard de déficit, il n'y aurait « plus », si j'ose dire, que 800 millions d'euros d'excédents l'année prochaine. C'est la première fois depuis dix-huit ans que le trou de la sécurité sociale est résorbé. Mais ce trou résorbé est un trou de déficit : il nous reste une dette sociale importante, de plus de 120 milliards d'euros, qu'il nous faut rembourser. Et le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, s'est engagé à rembourser cette dette pour qu'à l'horizon 2024, il n'y ait plus de dette sociale.
C'est un point important, qui reviendra tout à l'heure lorsque nous parlerons des échanges entre l'État et la sécurité sociale. En effet, nous avons décidé, suite à un rapport que nous avons remis à Mme la présidente et à M. le rapporteur général, de voir comment on pourrait faire plus simple – il y a encore beaucoup de « tuyauterie » – et plus responsable. Aujourd'hui, malgré la loi Veil, les compensations des exonérations de cotisations ne sont pas toujours intégrales. Par ailleurs, c'est par crédits budgétaires, par fiscalité, parfois par les deux, qu'on a pu compenser, entre l'État et le champ social, les mesures que l'on prenait – positivement ou négativement – sur le champ social.
Donc, la résorption de la dette sociale se poursuit et sera achevée en 2024. On aura également l'occasion de discuter de la dépense publique sociale, et notamment du fait que l'ONDAM a été porté exceptionnellement à 2,5 %, comme l'a dit Mme la ministre – nous avions en effet prévu 2,3 % chaque année pendant le quinquennat. Ce ressaut de 0,2 % fait de l'ONDAM 2019 le plus élevé de ces dix dernières années. Il correspond à 400 millions supplémentaires, destinés à nous permettre d'investir dans le système de santé suite au Plan hôpital. Mais je n'en dirai pas plus, car Mme Buzyn le fera bien mieux que moi.
Le cadre rénové et simplifié des relations entre l'État et la sécurité sociale permet à la fois de poser le principe que nous devons assurer le remboursement de la dette sociale d'ici 2024, bien entendu avec ce retour à l'équilibre ; de faire contribuer la sécurité sociale à la fois à la diminution des impôts et taxes – d'ailleurs, une grande partie de la fiscalité est une fiscalité sociale ; et enfin de clarifier les transferts financiers entre l'État et la sécurité sociale, qui sont devenus très complexes, très opaques et ont malheureusement continué à croître encore cette année. La bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne nous a pas permis de proposer moins de tuyauterie, mais j'espère que nous pourrons le faire dès le PLFSS 2020, suite au rapport que nous vous avons remis.
Nous devons rendre plus solidaires les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. En effet, du point de vue du contribuable, les impôts et les taxes, venant de l'État et de la sécurité sociale, c'est toujours de l'argent qu'on leur prend, en échange duquel ils attendent des services, parfois une meilleure solidarité. De la même façon, les dépenses sociales ou celles de l'État ne sont pas distinguées lorsque nous venons à discuter du déficit, de la dette publique ou de la dépense publique.
Il se pose une question de consentement à l'impôt et de contrôle de la dépense publique, que nous essayons de régler par les propositions que nous allons vous faire, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, de façon équilibrée, en respectant bien sûr le principe du fonctionnement de la sécurité sociale.
Je voudrais tout de même faire remarquer que dans le PLFSS que nous présentons, 36 milliards de l'État sont transférés à la sécurité sociale, ce qui n'est pas rien. Quand on constate que le déficit de l'État a augmenté de 30 milliards d'euros, avec les 23 milliards du CICE, on s'aperçoit que s'il n'y avait pas ce transfert, cette compensation, le déficit de l'État baisserait fortement. La question des relations entre l'État et la sécurité sociale se pose donc de plus en plus. Nous y reviendrons très certainement à la fois d'un point de vue philosophique et pratique.
Il nous faut aussi tirer les conséquences de ce qu'a souhaité le Président de la République : en mettant en avant la contribution sociale généralisée (CSG) et en supprimant ou en baissant des cotisations, nous nous nous dirigeons de plus en plus d'un système assurantiel, de statuts, à un système universel puisque nous devons répondre à d'autres solidarités. Par exemple, la CSG n'est pas une cotisation, mais bien une contribution, et elle permet de payer autrement un certain nombre de choses qui fonctionnaient jadis par cotisations. Je pense – on l'a évoqué dans d'autres lieux – à l'assurance-chômage ou au fonctionnement des autres branches. Nous y reviendrons également.
Ensuite, comme l'a dit Mme Buzyn, ce PLFSS vient compléter à la fois ce que nous avons fait l'année dernière et ce que nous faisons dans le PLF.
Des mesures en faveur du travail s'adressent aux ménages, aux employés, aux ouvriers et aux salariés : suppression des fameuses cotisations sociales en année pleine, à partir de la fin du mois d'octobre de cette année ; exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, qui rapportera 11 % de pouvoir d'achat par heure supplémentaire faite – majoritairement par des salariés de moins de quarante-cinq ans, majoritairement par des ouvriers et des employés ou salariés en dessous de deux fois le SMIC ; sans oublier des dispositions qui relèvent du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) que vous avez adopté il y a quelques heures, comme le forfait social ou la participation.
D'autres mesures bénéficient aux entreprises, comme la suppression de cotisations patronales suite au basculement du CICE en double compte l'année prochaine. C'est le plus gros effort que nous faisons pour le monde du travail. Je voudrais d'ailleurs rappeler ici à quel point c'est important, non seulement pour les entreprises, mais pour tous les types d'employeurs – par exemple, le monde agricole ne touchait pas le CICE.
Celui-ci bénéficie majoritairement des mesures que nous prenons, et de manière extrêmement importante. Reste la question du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d'emplois » (TODE). Le Gouvernement a dit qu'il réfléchirait à sa correction lors du débat parlementaire. Le Premier ministre a reçu les filières et les représentants syndicaux du monde agricoles. On envisage d'une part un étalement de la mesure, et d'autre part un complément pour certaines filières, notamment les viticulteurs, les horticulteurs et les maraîchers, qui ont recours à une main-d'oeuvre nombreuse.
Il ne serait pas juste de conserver le système actuel du TODE parce qu'il y a par ailleurs une baisse générale de charges. Chacun comprend qu'un effort très important est déjà fait par la contribution nationale. Mais on ne peut pas négliger des effets de bord sur certaines filières, notamment les plus demandeuses de main-d'oeuvre. Nous ferons donc preuve d'ouverture, lors du débat parlementaire, s'agissant des corrections qui pourraient être apportées spécifiquement en faveur de ces filières, comme nous l'ont demandé le Président de la République et le Premier ministre.
Par ailleurs, en transformant le CICE en allègement de charges, nous engageons une réforme structurelle très importante : un double compte de trésorerie pour les entreprises ; zéro charge sur le SMIC, ce qui est historique ; mais aussi « don » de 1,4 milliard d'euros aux employeurs associatifs qui ne bénéficiaient pas du CICE et qui, grâce à l'allègement de charges, vont pouvoir embaucher.
C'est une avancée sociale extrêmement importante qui se trouve réalisée dans PLFSS 2019 et sans laquelle, je vous le rappelle, le déficit public serait de 1,9 %. Ainsi, nous acceptons un point de déficit pour faire ces allègements généraux au profit des salariés, des entreprises et des employeurs.
Le PLFSS est donc cohérent, mais aussi complémentaire avec la sphère État. Nous travaillons de concert avec la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'économie et des finances, ne serait-ce que parce que certains crédits « appartiennent » au ministère des solidarités et de la santé – c'est le cas du minimum vieillesse, de la prime d'activité, ou de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous y reviendrons.
Nous y avons fait figurer, comme l'a dit Mme la ministre, un certain nombre de promesses présidentielles, notamment la préfiguration du reste à charge zéro, la revalorisation substantielle des minima sociaux, sur lesquels on aura sans doute, là encore, l'occasion de revenir.
Nous avons tenu la promesse du Premier ministre sur la mesure de correction de la CSG pour les 300 000 retraités qui changent de taux d'une année sur l'autre.
Nous avons bien évidemment contenu la dépense sociale. Je rappelle que malgré un ONDAM à 2,5 %, la croissance tendancielle des dépenses devrait être plus importante – autour de 4,5 % me semble-t-il. Nous ferons donc l'année prochaine 5,7 milliards d'euros d'économies sur le champ social : à peu près 1,8 milliard sur le champ de la revalorisation modérée des prestations – 3 milliards en tout mais il y en a une partie sur l'État, et une grande partie sur ce champ social – et à peu près 3,8 milliards sur le champ santé pour lutter contre un tendanciel très dépensier.
Par ailleurs, nous avons prêté attention à certaines questions qui ont été soulevées par les parlementaires, notamment de l'Assemblée.
Je tiens à saluer le travail de Mme Genetet qui a rendu un rapport sur la mobilité internationale des Français. J'imagine que l'on débattra en commission et en séance de la fiscalité appliquée aux Français de l'étranger, notamment pour tirer les conclusions des arrêts de Ruyter. Contrairement à ce qu'on peut entendre, depuis 2015, la France a tiré les conséquences d'un certain nombre de sujets européens. La Cour de Justice européenne n'a pas rendu illégal le fait qu'il y ait un prélèvement social, mais elle a dit qu'il était illégal de l'affecter comme nous le faisions. Nous devrons donc apporter des corrections. Nous aurons d'ailleurs un débat sur ces questions, conformément à la promesse nous avons faite avec Mme Buzyn l'année dernière en séance
De la même façon, nous suivons le travail de Mme Cloarec-Le Nabour, qui a remis un rapport sur « la juste prestation pour des prestations et un accompagnement plus justes ». Le PLFSS a déjà mis en oeuvre une base ressources des allocataires – que permet notamment l'impôt à la source – afin d'éviter des situations inéquitables. Je crois que les sujets auxquels s'intéressent les parlementaires recevront un écho très favorable lors des débats dans votre commission, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, ou dans l'hémicycle.
Mesdames et messieurs, j'imagine qu'à cette heure tardive, il vous importe de passer aux questions. Nous essayons de bâtir l'État-providence du XXIe siècle, qui est fondé sur l'universalité et sur la solidarité, quitte à bousculer un peu la façon dont le système a fonctionné jusqu'à présent. Mais évidemment, il n'est pas question de remettre en cause le principe même de solidarité sociale avec ses propres recettes et ses propres dépenses, avec des marges de manoeuvre qui permettront demain de faire face au grand défi des retraites qu'a évoqué Mme la ministre, ainsi qu'au vieillissement de la population et à la dépendance, qu'il vous appartient désormais d'objectiver et de financer.