Si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, sans doute les différents conseils d'administration des caisses de la sécurité sociale auraient-ils voté en faveur de ce PLFSS ; mais il n'en est rien. Le PLFSS pour 2019 poursuit en effet une politique de compression des dépenses sociales. Ce sont 5,7 milliards d'euros d'économies, dont 3,8 milliards sur les dépenses de santé, qui sont prévus pour atteindre l'équilibre.
Les hôpitaux, exsangues, sont une fois de plus visés. Ils devront réaliser 910 millions d'euros d'économies, après 1,4 milliard d'euros d'économies en 2018. Parallèlement, les pensions de retraite, les aides personnalisées au logement (APL), les allocations familiales sont quasiment gelées, avec une augmentation de 0,3 %, bien inférieure à l'inflation, évaluée à 1,5 %, ce qui constitue une nouvelle attaque contre le pouvoir d'achat de nos concitoyennes et concitoyens
Dans ces conditions, il paraît presque indécent de se féliciter d'un retour à l'équilibre de la sécurité sociale. En effet, ce retour à l'équilibre est d'abord dû aux sacrifices consentis par les assurés et les établissements de santé depuis une dizaine d'années, et la Fédération hospitalière de France, elle-même, exige un plan d'urgence.
On aurait pu atteindre ce même objectif, en allant chercher de nouvelles recettes et sans raboter les pensions. On aurait pu lutter contre la fraude patronale aux cotisations sociales ou en finir avec les exonérations massives de cotisations sociales. Mais ce n'est pas le choix que vous avez fait. Ce budget organise en effet le sous-financement chronique, l'assèchement de la sécurité sociale. Derrière la belle façade, la démolition continue. Ce PLFSS, comme celui de l'an dernier, sert la baisse du coût du travail au détriment du financement des prestations sociales. Il grève ainsi clairement le pouvoir d'achat des assurés sociaux.
Outre la reconduction des 46 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales, le Gouvernement met en place un cadre financier contraint, en pérennisant de nouveaux allégements de cotisations pour les employeurs, à travers la transformation du CICE en réduction générale de cotisations, pour un montant de 20 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 20 milliards que les entreprises percevront au titre du crédit d'impôt de 2018. De plus, les allégements de cotisations sur les bas salaires sont renforcés, ce qui signifie que les employeurs ne paieront plus aucune cotisation au niveau du SMIC. N'oublions pas pourtant que le vrai salaire est le salaire brut, car c'est celui qui ouvre des droits au chômage et à la retraite.
Mais le pire est encore la fongibilité entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale. Les exonérations qui ne seront plus compensées représentent un montant de 1,3 milliard en 2019, qui grèvera l'autonomie de la Sécurité sociale. La réforme du système de soins est donc contrainte par un carcan budgétaire qui ne permettra pas de répondre aux besoins en santé ni de lutter contre la désertification médicale.
Alors que la progression naturelle des dépenses de santé et de l'ordre de 4,5 %, vous fixez en effet un ONDAM à 2,5 %, soit une économie de 3,8 milliards d'euros, par rapport au tendanciel. Ce léger desserrement de l'ONDAM profitera peu aux hôpitaux. Pourtant, la crise de l'hôpital et la souffrance des personnels que nous constatons à l'occasion du tour de France des hôpitaux que nous effectuons appellent des moyens nouveaux et l'arrêt des restructurations et des fermetures de services. D'une certaine manière vous laissez penser que le problème de l'hôpital est un problème d'organisation interne, occultant le problème massif de sous-financement.
Nous prenons acte de la remise en cause partielle de la tarification à l'activité, avec l'instauration d'un financement au parcours de soins. C'est l'aboutissement d'un combat que nous menons depuis l'instauration de la T2A en 2004.
Nous pourrions également nous satisfaire de la mise en place du reste à charge zéro. Sur le principe, nous sommes évidemment favorables à garantir des soins de base sur l'optique, le dentaire et l'audioprothèse pour nos concitoyennes et concitoyens, mais nous attendons d'en juger la mise en oeuvre concrète. Les complémentaires auront vocation à financer ce dispositif, ce qui se répercutera inévitablement sur les cotisations payées par leurs assurés. Parler de « 100 % santé » est, par ailleurs, un abus de langage, puisque tous les soins ne sont pas concernés et que ces mesures pourraient préfigurer un transfert de la prise en charge de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires, et donc vers les assurés, ce que nous ne souhaitons pas. Cela aurait pu être une belle idée, mais qui sera détournée pour rentrer dans vos schémas, avec lesquels elle n'est pourtant pas compatible, si on veut l'appliquer réellement. De même, la CMU élargie sera en partie financée via un fonds alimenté par les mutuelles.
Il se trouve, bien sûr, parmi les 58 articles, quelques mesures positives en matière de prestations. Je vous fais confiance pour en faire la publicité, tout comme vous faites aussi la publicité de mesures que je considère négatives. Cela étant, nous considérons globalement ce PLFSS comme un nouveau tour de vis social.