Je suis très honoré d'avoir été nommé rapporteur sur ce texte emblématique et je remercie la commission et la présidente pour la confiance qui m'a été accordée. Je tiens à souligner l'excellent travail des administratrices de l'Assemblée nationale, qui nous ont assistés soir et week-end, dans des délais extrêmement contraints, pour étudier ce texte. Je tiens enfin à saluer chaleureusement ma collègue de la commission des affaires économiques, Célia de Lavergne, ici présente, rapporteure pour avis sur l'ensemble du texte, avec qui j'ai travaillé conjointement.
En effet, l'examen de ce projet de loi s'est fait de manière partagée : les articles 4 et 5 portant sur des dispositions relatives à l'approvisionnement énergétique ont été délégués au fond à la commission des affaires économiques.
C'est bien cette volonté de travail en commun et le partage de nos compétences qui ont animé nos travaux. Nous avons procédé à de nombreuses auditions communes, recevant un grand nombre d'acteurs de la filière : les entreprises et les industriels du secteur, les syndicats professionnels, les associations de protection de l'environnement, ainsi que les deux ministères compétents, le ministère de l'économie et celui de la transition écologique et solidaire. Malgré les délais très resserrés, je me réjouis d'avoir pu auditionner, avec Célia de Lavergne, plus d'une vingtaine d'acteurs et reçu de nombreuses contributions écrites. Cela m'a permis d'entendre les différents points de vue sur le texte. Je remercie enfin nos collègues des deux commissions qui ont participé à ces auditions et ont enrichi nos réflexions et de nos travaux – je salue à ce propos les commissaires des affaires économiques présents dans la salle. Ces échanges, été riches, m'ont permis d'identifier des points d'amélioration que je souhaite porter à votre connaissance et dont nous discuterons en examinant les amendements.
Permettez-moi tout d'abord de revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi. Les dangers liés au changement climatique sont connus depuis de longues années et leurs effets se manifestent d'une façon de plus en plus prégnante. Avec le passage de l'ouragan Irma qui a ravagé les Caraïbes, l'actualité est là pour nous le rappeler. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est formel : cette évolution dramatique est une conséquence directe du réchauffement de la planète, qui est accéléré par l'augmentation de nos émissions de dioxyde de carbone.
Le secteur des énergies fossiles est particulièrement responsable de ces émissions. Le GIEC nous a indiqué en audition que l'on est capable de comptabiliser les émissions de CO2 produites par l'homme depuis les années 1870 : pour contenir le réchauffement climatique à deux degrés, l'ensemble des émissions cumulées ne devrait pas dépasser 2 900 milliards de tonnes de CO2 ; or l'humanité en a déjà émis 2 100 milliards de tonnes depuis 1870. Il nous reste donc un « crédit » de 800 milliards de tonnes à émettre à partir d'aujourd'hui, pour l'ensemble des générations à venir. L'extraction et l'utilisation des énergies fossiles sont fortement émettrices de dioxyde de carbone. Il faut agir immédiatement, tant que c'est encore possible. Nous devons dès à présent laisser 80 % des énergies fossiles dans le sous-sol, comme le prévoit l'Accord de Paris.
La France n'est pas restée sans réaction et n'a pas attendu la COP21 pour agir. La loi de transition énergétique a instauré dès 2015 des objectifs ambitieux et concrets, tels que la diminution de 30 % de la part des énergies fossiles dans notre « mix » énergétique à l'horizon 2030. S'agissant des hydrocarbures, la loi Jacob de 2011 a interdit la technique de la fracturation hydraulique, réalisant ainsi une avancée majeure en ce qui concerne l'exploitation des sols. Enfin, je veux citer l'excellent travail réalisé dans le cadre du rapport Tuot et de la proposition de loi Chanteguet lors de la précédente législature.
C'est dans cette continuité que s'inscrit ce projet de loi qui met fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures, conventionnels et non conventionnels, et porte diverses dispositions relatives à l'environnement.
Avec ce texte, nous décidons de mettre fin à la recherche et à la production d'énergies fossiles sur notre territoire à l'horizon 2040. La France envoie au monde un signal fort : nous devenons le premier pays à interdire l'exploitation d'hydrocarbures sur son territoire. Cette première étape, portant sur la production, s'inscrit dans une grande série de dispositifs qui interviendront dans les mois à venir, afin d'oeuvrer à la diminution de notre consommation et à la production d'énergies nouvelles.
Je vais revenir rapidement sur les points essentiels du texte.
Les articles 1er, 2, 3 et 8 prévoient l'arrêt de la production d'hydrocarbures, avec d'une part l'interdiction d'accorder de nouveaux permis de recherches et de nouvelles concessions et, d'autre part, l'interdiction de prolonger les permis de recherches existants et les concessions au-delà de 2040.
Ce dispositif d'arrêt sera mis en oeuvre de manière progressive, afin de donner aux acteurs de la filière une visibilité qui favorisera une transition douce pour les entreprises concernées. Les concessions actuellement valides ne sont pas abrogées et les détenteurs d'un permis exclusif de recherches pourront, en application du droit de suite, obtenir une première concession. Tout cela n'est pas remis en cause.
Par ailleurs, le texte prévoit une exception pour le gaz de mine, le grisou qui pourra continuer à être exploité sans limite. Cela répond à un impératif de sécurité car la remontée de ce gaz en surface est potentiellement dangereuse. Je crois qu'il y a un consensus total sur ce sujet.
Outre l'arrêt de la production des hydrocarbures, programmé à l'horizon 2040, le projet de loi abroge les dispositions de la loi du 13 juillet 2011 qui avaient laissé la porte ouverte à l'emploi de la technique de la fracturation hydraulique dans un contexte expérimental, même si ces dispositions n'avaient jamais été mises en oeuvre.
Ensuite, le texte comporte une série d'articles portant diverses dispositions relatives à l'environnement et à l'énergie : l'article 4 concerne la réglementation applicable au stockage souterrain de gaz naturel, tandis que l'article 5 précise les compétences de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Du fait de leur objet, l'examen de ces articles a été délégué au fond à la commission des affaires économiques, qui les a examinés hier après-midi.
Les articles 6 et 7 sont relatifs à la transposition de directives européennes en matière environnementale. L'article 6 complète la transposition de la directive du 9 septembre 2015 relative aux biocarburants et au contrôle de leur durabilité ; l'article 7 transpose la directive du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques.
Outre une série d'amendements rédactionnels, je proposerai à la commission d'adopter plusieurs amendements de fond, portant en particulier sur les modalités d'interdiction progressive des hydrocarbures.
Je pense en particulier qu'il est important de préciser que la notion de « gaz de mine » ne recouvre que le « grisou » et ne concerne pas le gaz dit « de couche ». Il faudrait aussi améliorer la transparence et l'accès aux données publiques sur les concessions d'hydrocarbures, de même que l'encadrement du droit de suite, avec l'objectif qu'une première concession accordée de droit, après un permis de recherches, ne puisse pas excéder l'échéance de 2040. Nous en discuterons tout à l'heure.
L'urgence climatique est incontestablement là. Nous devons agir maintenant, afin de ne plus reporter les problèmes sur les générations futures. Nous défendons aujourd'hui un projet de loi ambitieux et responsable : ambitieux par sa portée symbolique, par son effet d'exemple et d'entraînement sur la scène internationale ; responsable parce qu'il laisse le temps aux entreprises du secteur et aux territoires de s'adapter à la transformation des filières.
Je voudrais conclure en rappelant les propos tenus par le Président de la République devant l'Assemblée générale des Nations unies, la semaine dernière : « Notre planète est en train de se venger de la folie des hommes et la nature ne négociera pas ». Les enjeux climatiques nous obligent. C'est notre devoir d'agir, d'agir maintenant (Applaudissements).