Intervention de Julien Aubert

Réunion du mardi 26 septembre 2017 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Monsieur le ministre d'État, la consommation totale de cannabis en France s'élève à 277 tonnes, pour une production nationale de 20 tonnes. Si vous arriviez à éradiquer cette dernière, vous ne feriez pas avancer d'un pouce la santé publique, compte tenu des importations. Si je commence par cet exemple, c'est qu'il y a dans ce projet de loi une confusion évidente entre la notion de consommation et celle d'importation. Il est ici question de 1 % de la consommation nette de produits pétroliers dans un pays représentant lui-même 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre…

Vous nous direz qu'il s'agit d'une extinction progressive et donc d'un symbole : nous le faisons pour le principe, pour le signal donné. Reste que l'on peut mourir pour des idées, mais qu'il vaut mieux le faire de mort lente, disait Brassens…

Nous considérons que ce texte est d'abord un non-sens environnemental : il ne provoquera aucune réduction de la consommation d'hydrocarbures dans ce pays et il n'y aura aucun impact en matière de CO2, du fait d'un mécanisme de substitution. Vous avez évoqué les ouragans ; l'argument est extrêmement pertinent sur le plan de la protection de la planète, mais il faut avoir conscience que ce texte n'aura strictement aucun rapport avec les ouragans qui frappent malheureusement certains territoires français comme Saint-Martin…

C'est aussi un non-sens commercial. Par définition, nous allons augmenter les importations de pétrole par substitution avec la production nationale et notre balance commerciale va s'en ressentir – modérément, certes, mais négativement.

C'est donc un non-sens économique : outre les 5 000 personnes travaillant directement dans cette filière, c'est surtout un très mauvais signal envoyé aux entreprises étrangères qui hésitent pour investir entre différents pays. Le seul pays au monde à annoncer qu'il ne parie pas sur l'avenir du secteur parapétrolier, c'est nous… Et cela concerne 1 000 entreprises et entre 60 000 et 65 000 emplois.

C'est également un non-sens industriel, parce que cela ne saurait constituer une politique industrielle. Vous fermez les centrales à charbon – point sur laquelle nous n'avons aucun désaccord, puisque nous l'avions nous-mêmes proposé sous la précédente législature –, mais sans donner sans aucune visibilité sur l'avenir filière nucléaire, et vous envoyez dans le même temps un signal négatif pour les investissements pétroliers… Tout cela montre que vous n'avez pas de solution ni de vision en matière industrielle, ni même, et c'est plus criminel, en matière de recherche.

Comme vous avez cité les engagements du Président de la République, je ne résiste pas à la tentation de vous rappeler les propos qu'il a tenus en juin 2016 lors d'une visite à Nancy : « Il y a une stratégie de souveraineté qui consiste à développer nos ressources. Il faut concilier l'économie, l'environnement et l'acceptabilité pour les populations. Notre priorité est de savoir ce que nous avons sous les pieds et de continuer la recherche. Il ne s'agit pas de rouvrir le sujet du gaz de schiste – interdit, rappelons-le, depuis que la loi Jacob a interdit la technique utilisée – mais il est nécessaire que nos chercheurs continuent à travailler ». On voit bien que les engagements du Président de la République ont pu varier : il fut un temps où il avait une vision différente de notre trajectoire pour les hydrocarbures et leur production dans ce pays…

Nous voulons vous alerter, en espérant infléchir la nature de ce texte : c'est en effet un symbole, mais un symbole parfaitement contre-productif en matière environnementale, économique, industrielle, commerciale, mais aussi budgétaire – car cela représente au passage 55 millions d'euros de recettes.

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