Monsieur le ministre d'État, vous avez voulu faire de ce projet de loi l'un des axes forts de votre Plan climat et surtout un exemple pour le reste du monde de ce modèle qu'il faut abandonner. Devant ces annonces, les écologistes, défenseurs de la règle verte et de la transition énergétique se sont évidemment emballés un court instant. Vous avez évoqué la nécessaire cohérence de votre action ; nous partageons votre souhait. Pour autant, hasard malheureux du calendrier, ce texte arrive en même temps que la mise en application du CETA, accord de libre-échange qui permettra au Canada d'inonder l'Union européenne du pétrole issu des sables bitumineux de l'Alberta. Ce pétrole, extrait dans des conditions environnementales catastrophiques, le rend infiniment plus polluant que le pétrole conventionnel. Comment justifiez-vous ce grand écart ? Un pas en avant, puis un pas en arrière, cela reste du surplace. Or, comme vous l'avez souligné, nous n'avons plus le temps pour cela.
Ce projet de loi est à l'image du sous-sol français auquel il s'intéresse : plein de trous. Au-delà de l'incohérence, ce sont toutes les mesures qui n'y figurent pas qui nous interpellent. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir remis en cause le droit de suite qui permet à une entreprise bénéficiant d'un permis de recherche d'exploiter automatiquement le sous-sol au mépris des conséquences environnementales et sociales ? Ce fameux droit de suite empêche d'envisager la fin des permis miniers en France avant 2047.
Cette loi ne changera concrètement rien pour les Bretons, les Basques, les Lorrains ou les Guyanais qui se battent actuellement pour que les multinationales ne puissent pas transformer un simple permis de recherche en autorisation à ravager leur territoire, leur environnement et leur santé.
Pouvez-vous nous rassurer en nous faisant la promesse ferme d'abandonner les projets miniers des multinationales, notamment en Guyane où se prépare le plus grand projet d'extraction d'or jamais porté en France ?
Vous avez parlé de signal fort à propos de ce projet de loi. Mais à qui est envoyé ce signal ? En tout cas, pas aux multinationales pour qui le droit du commerce et la liberté d'entreprendre font toujours office de seules lois. L'arsenal juridique est ici si fort et contraignant qu'elles n'ont aucun mal à l'imposer aux citoyennes et citoyens qui ne peuvent opposer qu'un anecdotique droit de l'environnement qui leur garantit pourtant le droit à vivre dans un environnement sain. Aucune politique environnementale ne peut s'envisager sans remettre en cause cette dissymétrie entre un droit du commerce qui s'impose partout à tout le monde, sous peine de sanctions, et un droit environnemental mentionné sans cesse pour avis ou pour information.
Nous attendons un renversement des normes, nous attendons que le droit à vivre dans un environnement sain fixe un cadre en dehors duquel aucune dérogation n'est permise au nom du droit à poursuivre un quelconque business. Tout cela au nom du bon sens qui nous dicte de laisser les hydrocarbures de toutes sortes sous terre si nous voulons avoir la moindre chance de limiter le changement climatique à deux degrés avant qu'il ne soit définitivement trop tard. C'est cette logique qui a guidé notre travail ; c'est le sens des dix-huit amendements que nous avons déposés.