Intervention de Marie-Andrée Blanc

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) :

Pour ce qui est de l'anonymat des dons de gamètes, l'UNAF avait souhaité, dès 2008, que les modalités de mise en oeuvre des dons de gamètes puissent être réinterrogées, le dispositif étant de plus en plus contesté au regard du souhait de certains enfants issus de ces dons de connaître ne serait-ce qu'une partie de leurs origines. Par ailleurs, l'évolution des technologies, l'importance de la génétique dans la médecine prédictive, la puissance du traitement des données et la potentielle facilité d'accès à des tests génétiques, font que le système actuel est fragilisé.

Si le principe de l'anonymat doit être maintenu au moment du don, tant à l'égard du donneur que des bénéficiaires du don, il nous semble aujourd'hui nécessaire de réfléchir à des évolutions permettant un meilleur accès des enfants devenus majeurs à des informations sur leurs origines, avec un encadrement.

Des évolutions sont possibles, s'inspirant de ce qui se fait pour les enfants nés sous le secret. La question de l'accès des enfants nés d'un don de gamètes à leurs origines, ou du moins à une partie de leurs origines, a en effet des points communs avec celle posée par les enfants nés sous le secret, même si leur naissance et leur vécu sont différents. On pourrait ainsi créer une autorité indépendante équivalente au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP), qui centraliserait les données médicales déjà recueillies par les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS), ainsi que d'autres données « sociales », ou bien confier directement cette mission au CNAOP, en en modifiant les statuts et le financement en conséquence.

Dans la logique de la loi du 4 mars 2002, l'initiative d'accéder ou non aux informations serait laissée à la libre appréciation de l'enfant né d'une insémination artificielle avec don de sperme (IAD), pour respecter son droit d'être « tenu dans l'ignorance de ses origines » si tel est son choix. Il serait en effet délétère d'imposer à tous les enfants l'obligation de savoir s'ils sont nés d'une IAD et, pour ceux dont ce serait le cas, l'obligation de connaître l'identité du donneur.

Dans le cas où le législateur souhaiterait permettre l'accès à des données identifiantes, il nous semble que cette levée de l'anonymat à la majorité de l'enfant ne devrait être possible qu'avec le consentement du donneur, recueilli lors du don et réitéré lors de la demande effectuée par l'enfant.

En tout état de cause, il est important de distinguer la question de la connaissance des origines de celle de l'établissement de la filiation. L'accès à la connaissance des origines ne doit pas conduire à l'établissement de nouvelles filiations, afin de garantir la sécurité et la stabilité de l'enfant, de ses parents et de l'ensemble de la famille, ainsi que celles du donneur. On peut penser que l'article 311-19 du code civil offre déjà la garantie nécessaire sur ce point, en précisant qu'en « cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation ».

Au sujet de la GPA, je serai brève. L'UNAF considère qu'aucune disposition ne peut rendre cette pratique « éthique », compte tenu du fait qu'elle contrevient lourdement au respect de la quasi-totalité des principes fondant notre droit de la bioéthique : indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, impossibilité d'estimer la réalité du consentement libre et éclairé, réification de l'enfant, etc. Nous partageons les conclusions du Conseil d'État et du CCNE. En outre, la France s'honorerait à suivre la recommandation récente de ce dernier en prenant l'initiative d'une négociation internationale ayant pour ambition l'interdiction de la GPA.

Mesdames et messieurs les députés, pour terminer je souhaiterais dire deux mots relatifs au développement de la médecine prédictive et à ses éventuels impacts sur le système d'assurance maladie.

Le croisement du séquençage du génome du patient et de son mode de vie devrait permettre de lui administrer un traitement fortement individualisé. Il s'agit d'une avancée considérable, mais non dénuée de risques, puisqu'elle peut enfermer la personne dans un groupe où on l'aura catégorisée. Le patient devra-t-il délivrer le maximum d'informations concernant non seulement sa santé, mais aussi son mode de vie et son environnement, puisque ceux-ci peuvent influer sur son état de santé et la potentialité de développer des pathologies ?

Quid, par conséquent, de la possibilité pour la personne de masquer certaines informations ? N'allons-nous pas contrôler l'observance du patient et ne serons-nous pas tentés de le sanctionner s'il n'est pas assez observant ? N'allons-nous pas aboutir à ce que l'assurance maladie obligatoire impose à l'assuré de suivre un mode de vie compatible avec le traitement approprié ?

Le Conseil d'État, dans son étude de juin 2018, rappelle que la loi ne permet pas de conditionner, de façon générale, la prise en charge par l'assurance maladie, et que si une évolution vers plus de conditionnalité n'apparaît pas se heurter à un obstacle constitutionnel, il relève néanmoins qu'une telle démarche serait porteuse de risques. Quant au CCNE, il réaffirme l'interdit pour les assurances et les employeurs de disposer de ces informations en s'appuyant sur le principe de non-discrimination du fait des caractéristiques génétiques.

Nous rejoignons bien évidemment ces deux analyses : en effet, nous pensons qu'introduire un principe général de conditionnalité risque, à terme, d'aboutir à la mise en place d'un système extrêmement intrusif et potentiellement délétère. Si ces questions ne doivent pas être éludées, les réponses qui y seront apportées ne devront pas remettre en cause notre système d'assurance maladie fondé sur les valeurs de solidarité et d'universalité.

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