Merci beaucoup, madame la présidente, chère Barbara Pompili. Il aura fallu que je sois nommé ministre et que je quitte l'Assemblée nationale pour que nous nous retrouvions côte à côte ici, et j'en suis très heureux, pour échanger sur la politique écologique, les transformations écologiques que nous entendons conduire, comme nous avons engagé des transformations économiques et sociales sur des politiques très importantes, par exemple sur l'éducation et la santé. Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de relever en quelque sorte ce défi et de remplir cette mission à la tête de ce ministère, qui est devenu aujourd'hui le seul ministère d'État de ce Gouvernement, je leur ai dit que j'étais là pour conduire des transformations et non pour gérer le statu quo, l'inertie, ou pour renvoyer à plus tard un certain nombre de choix et de décisions. Ce n'est pas forcément facile, mais c'est mon état d'esprit général.
J'ai été très heureux de travailler, depuis 2017, à la tête de l'Assemblée nationale, sur la question du renforcement des pouvoirs d'évaluation et de contrôle du Parlement. Depuis que j'ai changé de fonctions, je n'ai pas changé d'avis. Je serai donc très heureux de répondre à vos interpellations et à votre travail de contrôle, y compris dans le cadre des commissions d'enquête parlementaire et des conclusions que ces travaux pourront fournir et qui nourriront aussi l'action de ce ministère, en matière réglementaire, budgétaire, ou législative. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de travailler ensemble sur des sujets législatifs dans les mois qui viennent.
Vous connaissez sans doute cette formule qui a été rappelée juste avant ma nomination et que l'on doit, paraît-il, au premier titulaire du poste, autrement dit à celui qui a inauguré le ministère de l'environnement, je veux parler de M. Robert Poujade. Il disait que c'était « le ministère de l'impossible ». Pour ma part, je veux que ce soit au contraire le ministère du possible et que nous réussissions à rendre possibles et réelles les transformations que nous appelons plus ou moins de nos voeux. Bien sûr, on pourra discuter des orientations : j'aimerais qu'elles soient précises et non qu'il s'agisse de simples slogans. D'ailleurs, ceux qui brandissent les slogans sont en général assez loin des responsabilités – parfois même ils font tout pour ne pas les exercer – et ils distribuent les bons et les mauvais points, y compris depuis la tribune de l'Assemblée nationale. Mais ce n'est pas cela qui fait avancer les choses.
L'énergie, les transports, la lutte contre le dérèglement climatique, la protection de la biodiversité, de la ressource en eau, le développement du recyclage, autrement dit la réduction à la source des déchets : tous ces enjeux majeurs qui touchent à la fois au global, au local et à l'individuel ne peuvent pas se contenter de slogans, de proclamations. Il est indispensable de se donner les moyens de dire comment on fait et de le faire. Je considère que c'est ma mission, et j'accepterai bien évidemment d'être critiqué, interpellé, mis en cause sur ce que nous faisons ou sur ce que nous ne faisons pas assez vite ou pas assez bien. Je défends une écologie qui agit. Je ne connais que trop bien l'écologie de l'opposition, l'écologie de la dénonciation, et je sais que cela ne mène à rien. Le conservatisme et l'inertie d'un côté, la protestation et la dénonciation systématique de l'autre, sont les deux faces de la même médaille. En matière d'écologie, c'est plutôt l'inaction que le trop-plein d'action qui a pu dominer ces dernières décennies. Certains estiment peut-être qu'on en fait trop, que l'on va trop vite, trop fort, trop loin ; pour ma part, je fais partie de ceux qui considèrent qu'il faut aller plus loin, plus vite, chaque fois que c'est possible, supportable, acceptable par nos concitoyens, car si au final le malade meurt guéri, si vous me permettez l'expression, c'est-à-dire que le traitement a été tellement violent qu'on ne l'a pas supporté et qu'on en est mort, alors cela n'aura servi à rien.
On oppose souvent l'économie et l'écologie, ce que je regrette. Pour ma part, je veux faire marcher main dans la main l'économie et l'écologie, dans l'industrie, l'agriculture, ainsi que le social. Je suis parfois surpris d'entendre ceux qui trouvent qu'on ne tape pas assez fort sur l'économie, donc sur les entreprises, demander au contraire qu'on soit capable de prendre en compte le social. Les deux vont de pair. D'ailleurs c'est souvent dans les mêmes lieux, c'est-à-dire les entreprises, qu'on retrouve ces deux enjeux qui ne doivent pas être contradictoires.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire à l'Assemblée nationale et au Sénat, il convient de s'appuyer, de se confronter, de débattre en tout cas avec les élus nationaux et locaux, car on ne fait pas de l'écologie depuis un ministère. Quelqu'un de bien plus célèbre que moi a dit qu'on ne réformait pas la société par décret. Effectivement, je n'entends pas conduire les transformations écologiques par décret, même si je prends des décrets car cela permet de traduire dans les faits un certain nombre de politiques, notamment de lois votées ici même. Il y a des moments où il faut avoir le courage de signer, sinon cela revient à repousser à plus tard les décisions. Mais cela ne suffit pas et il faut être capable de mettre en mouvement les élus locaux. Je suis convaincu que les collectivités locales agissent beaucoup en matière d'écologie, qu'elles mobilisent des budgets. Hier, j'ai réuni à mon ministère les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau – certains sont d'ailleurs d'anciens parlementaires ou des parlementaires en activité – pour montrer que le défi de l'eau ne se relève pas tout seul depuis un ministère mais avec les acteurs locaux, les acteurs économiques, les associations, les citoyens. L'ensemble de ces acteurs qui ont parfois des craintes, des exigences et des propositions, font partie des partenaires avec qui j'entends bien dialoguer en permanence en tant que ministre. Il n'y aurait rien de pire qu'un ministre de l'écologie qui s'isolerait au sein du Gouvernement, vis-à-vis du Parlement ou de l'extérieur. La porte de mon ministère sera donc toujours ouverte pour dialoguer, et je serai toujours prêt à venir devant votre commission, en séance publique ou dans les territoires. Je sais que les élus nationaux que vous êtes sont aussi des élus des territoires. J'ai toujours défendu ce principe lorsque j'étais président de l'Assemblée nationale, et je continuerai à le faire en tant que ministre. D'ailleurs, j'ai déjà fait plusieurs déplacements en lien avec les députés, en plus des élus locaux.
Un mot sur le budget, puisque c'est la saison. (Sourires.) Certains pensaient peut-être – mais je n'ose pas le croire – qu'ils pourraient m'attendre au coin, sinon du bois, en tout cas de la présentation du budget, pour me dire qu'il est bien la preuve que l'écologie n'est pas une priorité de ce Gouvernement, qu'il n'est pas à la hauteur, voire qu'il est en baisse, un certain nombre de choses ayant pu être dites juste avant ma nomination. Or le budget est en hausse, et j'espère que les mêmes se sont empressés de faire des communiqués pour saluer le fait que je disposais de moyens supplémentaires pour mon action.
Le budget de la transition écologique et solidaire connaît une hausse de 1 milliard d'euros, ce qui n'est pas rien par les temps qui courent, pour atteindre 34 milliards d'euros. Il regroupe bien sûr des actions très diverses et variées, y compris des subventions pour des régimes de retraite, et j'espère que celles et ceux qui défendent les régimes spéciaux de retraite salueront cet effort budgétaire. Certes, ce budget ne contribue pas immédiatement à la transition écologique, peut-être d'ailleurs un peu plus à la transition solidaire, mais je considère que l'action de mon ministère ne se résume pas à son budget. Évidemment, pour engager des investissements dans les transports, dans le domaine de l'énergie, il faut disposer d'un certain nombre de moyens budgétaires. Je veux souligner que c'est un budget d'investissement puisque cette augmentation est en direction de l'investissement. Mais je ne vous cacherai pas – si je le faisais, je ne doute pas que vous seriez nombreux à me le rappeler – que dans le même temps des efforts sont faits en ce qui concerne le fonctionnement, y compris sur les effectifs. Le ministère que je dirige connaît en effet des réductions d'effectifs, mais pas dans la même proportion que celui du ministère de l'Éducation nationale. Bien entendu, j'en ai discuté avec les organisations syndicales de ce ministère qui sont nombreuses et qui regroupent des métiers très différents. C'est un ministère qui rassemble en effet plusieurs anciens ministères, ce qui se retrouve bien sûr dans l'organisation et la représentation. Cet effort, que j'assume parce qu'on ne peut pas parler d'économies seulement chez les autres, doit être fait dans une optique de réorganisation des services, car si l'on se contentait de baisser les effectifs année après année partout de façon uniforme, cela produirait des effets nocifs pour l'efficacité du ministère. Je suis attaché au maintien de la présence de mon ministère dans les territoires et je plaide pour qu'elle soit faite de manière intelligente. À cet égard, il est évident que l'échelle régionale est plus pertinente, tout en tenant compte des évolutions de ces dernières années, notamment de la création des grandes régions qui doivent conduire à une adaptation selon la réalité des territoires.
Un mot sur l'organisation du ministère, à la suite du remaniement. J'avais dit au Président de la République et au Premier ministre que c'est une bonne chose qu'il y ait un ministre des transports. Je tiens à saluer l'action conduite par Mme Élisabeth Borne depuis 2017 et les réformes extrêmement importantes qui ont été réalisées et que j'ai soutenues en tant que parlementaire sur le système ferroviaire français, ainsi que la préparation de la loi d'orientation sur les mobilités dont je précise que c'est la première fois depuis 1982 que l'on remet à plat le système. À l'époque, c'est un célèbre ministre, M. Charles Fiterman, qui avait fait adopter la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI). Après la LOTI, peut-être aurons-nous la LOMI. Mais peu importent les lettres, ce qui compte est le contenu. Je précise qu'un travail important a été fait en amont avec le Conseil d'orientation des infrastructures, ce qui veut dire que cette future loi n'a pas été pensée au ministère de façon fermée. Ce sera également une loi de financement. En effet, avec Mme Élisabeth Borne, nous voulons faire une opération vérité, car cela ne servirait à rien de promettre et de programmer des infrastructures sans financements en face. Il faut être concret, savoir si en faisant davantage sur tel champ cela signifie que l'on fera moins sur tel autre ou que l'on augmente les financements et lesquels. En la matière, nous voulons être le plus transparents possible.
Par ailleurs, deux secrétaires d'État m'accompagnent dans mon action à la tête de ce grand ministère : Mme Brune Poirson et Mme Emmanuelle Wargon qui vient de remplacer M. Sébastien Lecornu, appelé à d'autres fonctions sur un sujet – les collectivités territoriales – qu'il avait déjà eu l'occasion, en quelque sorte, de traiter au ministère de la transition écologique et solidaire. Mme Emmanuelle Wargon reprendra peu ou prou les sujets sur lesquels il travaillait, notamment l'accompagnement des territoires et les transformations conduites par ce ministère qui ont une implication territoriale forte, notamment dans le domaine de l'énergie.
Voilà ce que je voulais dire en introduction. Je répondrai tout à l'heure à votre question sur la fusion entre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et l'Agence française pour la biodiversité, qui fera l'objet d'ailleurs d'un texte de loi. J'ajoute que la programmation pluriannuelle de l'énergie sera présentée d'ici la fin du mois, comme je l'ai dit lors de ma nomination. Cet engagement sera tenu.