Intervention de François de Rugy

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je vais vous donner des exemples concrets. Vous avez donné des exemples sur plusieurs années, pour faire plus forte impression, et vous ne voulez pas me rendre responsable, mais j'assume.

Le ministère de la transition écologique et solidaire est l'héritier de celui qu'on appelait ministère de l'équipement, et les bureaux que j'occupe étaient ceux du ministère des travaux publics au XIXe siècle. Si l'on décide de faire moins pour les routes, il y aura donc moins d'agents, au sein du ministère, consacrés à faire des routes. Mais faites le calcul du nombre de personnes qui travaillent dans les réseaux de transport urbain sur l'ensemble du territoire français… Je peux vous donner les chiffres pour la ville de Nantes, que je connais bien. Plusieurs centaines de postes ont été créées. Ce ne sont pas des fonctionnaires, mais des centaines de postes ont été créées pour faire fonctionner des transports urbains au service de nos concitoyens. Dans le domaine de la transition écologique et solidaire, c'est-à-dire les transports, l'énergie, les bâtiments, le nombre d'emplois pour tous ces acteurs est en hausse, mais ce ne sont pas toujours des emplois de fonctionnaires.

Madame De Temmerman, vous avez parlé des objectifs de développement durable. À l'époque, nous semions de petites graines, car l'idée était de ne pas se contenter des indicateurs classiques tels que le produit intérieur brut. Je souhaite que nous disposions d'une espèce de tableau de bord de suivi, d'évaluation, que l'on puisse enrichir et affiner pour avoir des indicateurs de développement durable et de développement humain, et mesurer dans le temps l'efficacité de notre politique.

Par exemple, dans le domaine de la pollution de l'air, à Paris, la pollution a été réduite, mais on ne s'arrête pas pour autant, il y en a encore trop. Mais nous sommes capables de dire que la pollution diminue car nous avons un suivi, et des indicateurs de plus en plus précis sur les différents polluants, le nombre de jours de pollution, et ainsi de suite. Il est plus motivant de se dire que du chemin a déjà été parcouru et qu'il faut continuer à en parcourir ensemble, plutôt que de penser que rien ne marche, et de ne pas essayer d'objectiver les choses et préférer choisir l'indicateur négatif. Évidemment, il faut regarder la réalité en face, mais dans beaucoup de domaines, les choses progressent, et si nous pouvons mettre ensemble en place des indicateurs, ce sera une très bonne chose.

Madame Park, je vous ai écoutée avec attention et je me demandais quelle serait votre chute. Vous avez raison, le domaine des transports comporte des contradictions. On oppose souvent la route – voitures particulières et camions – au rail – transports en commun et ferroutage. Bien sûr, il faut aborder ces sujets et progresser ; il reste beaucoup à faire, par rapport à d'autres pays européens, nos émissions de CO2 liées au transport routier sont plus élevées. Aussi, nous n'avons pas la même géographie : la densité de population est plus faible, l'habitat est plus dispersé sur le territoire, et les villes sont moins grandes qu'en Allemagne. Cela induit forcément des transports routiers plus fréquents, avec une moindre efficacité énergétique. Nous y travaillons, nous essayons d'améliorer les choses, en évitant les oppositions frontales. Si nous continuons à opposer frontalement le rail et la route, nous n'avancerons pas. Aujourd'hui, c'est plutôt une approche multimodale qui doit être privilégiée pour répondre aux besoins : réduire les déplacements quand on peut, organiser le covoiturage et des systèmes combinés avec les transports en commun.

Je suis un grand promoteur des transports en commun, depuis très longtemps, je l'ai démontré à l'échelle locale, mais il ne faut pas croire que faire circuler un bus ou un train est neutre du point de vue écologique. Un bus vide, ce sont des émissions de CO2 en trop. Un train vide, ce sont des émissions de CO2 en trop, il faut aussi en être conscient. Un avion, c'est pareil. C'est un transport en commun, mais c'est une source très forte d'émissions de CO2. Il faut que nous y réfléchissions. La taxation du carburant est un vieux sujet international, mais ne devons-nous pas inventer de nouveaux modes de compensation, internationaux ? Car nous n'y arriverons pas dans une logique purement nationale, ce ne sera pas pertinent, parce que les transports aériens doivent surtout être internationaux.

Monsieur Ahamada, vous avez raison en ce qui concerne la pollution des navires, marchands et de croisière. À Marseille, une étude démontre que les fumées des bateaux sont une des sources de pollution de l'air pour les habitants de l'aire urbaine de Marseille et Aix-en-Provence. C'est un sujet sur lequel il faut travailler et nous sommes tout à fait ouverts aux différents dispositifs que vous avez évoqués pour les navires. Mais là encore, une action internationale est nécessaire, d'autant que nous ne sommes pas un grand pays d'armateurs ; il faut au minimum une action européenne sur ce sujet. Et ce sujet fait partie de ceux qui sont moins hauts en termes de priorité que les voitures particulières. Je l'ai dit la semaine dernière, nous avons participé à un conseil des ministres européens de l'environnement au cours duquel il a beaucoup et longtemps été débattu des voitures particulières. La question des camions était également à l'ordre du jour, mais nous en avons débattu beaucoup moins longtemps, car c'est une priorité moindre. Je pense qu'il faut faire remonter les questions du transport par camion, du transport maritime et du transport aérien dans l'ordre des priorités.

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