Intervention de François de Rugy

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Monsieur Zulesi, le développement des carburants renouvelables est l'un des objectifs inscrits dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, toute la question étant de savoir quelle sera l'origine de ces carburants et comment ils sont produits, ce qui, ne nous le cachons pas, va faire débat.

Vous n'êtes pas trop mal placé pour savoir que, dans les Bouches-du-Rhône, il y a quelques années, tout le monde a salué le fait que le groupe Total ne ferme pas la raffinerie de La Mède mais qu'il la reconvertisse dans la fabrication de biodiesel. Mais lorsqu'il a été question d'importer de l'huile de palme, cela a provoqué une levée de boucliers, pas seulement de la part de Greenpeace ou des associations environnementales, mais également des syndicats agricoles, qui sont allés jusqu'à bloquer le site de La Mède.

Je suis le premier à dire que l'usage de l'huile de palme mérite toute notre attention, même si les Indonésiens et les autres pays producteurs ont tendance à nous certifier qu'il s'agit d'une production durable, contrairement à ceux qui considèrent, au contraire, que c'est un facteur de déforestation et une menace pour la biodiversité.

Mais nous devons avant tout aborder les problèmes de façon concrète. Il est évidemment préférable de travailler avec des filières françaises – elles existent et c'est donc possible –, tout en s'assurant de la soutenabilité financière, hors subventions, de ces projets, à grande échelle. Car, en matière d'écologie, notre objectif, c'est bien de changer d'échelle.

D'autres carburants existent par ailleurs, comme le gaz naturel, qu'il faut développer pour les camions si l'on veut réduire les émissions de CO2 et la pollution : en effet, le camion électrique peut être envisagé pour des livraisons urbaines mais pas pour des transports longues distances, pas dans les dix ans à venir en tout cas.

Il y a également l'hydrogène, mais qui reste aujourd'hui très coûteux à produire, lorsqu'il est produit de manière écologique, c'est-à-dire par l'électrolyse de l'eau et non par craquage du méthane, qui est, lui, un facteur d'émission de CO2 massif. Or, aujourd'hui, 95 % de l'hydrogène consommé en France est produit par le craquage du méthane. Nous entendons donc poursuivre notre soutien à la filière hydrogène, mais dans des termes soutenables.

Monsieur Maquet, votre question sur l'énergie marémotrice m'a déjà été posée par votre homologue au Sénat, M. Jérôme Bignon. Nous allons examiner le projet concernant la baie de Somme, là encore dans un esprit ouvert, mais en défendant des solutions soutenables au plan écologique. Il ne faut pas, pour régler un problème, en créer d'autres. Or, en l'espèce, se posent des problèmes d'envasement et de durabilité, mais aussi des questions d'acceptabilité sociale : le domaine maritime est un domaine partagé, voué à de multiples usages, notamment la pêche. Il y a enfin une question de coût.

La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'est pas un inventaire à la Prévert de toutes les solutions possibles et imaginables en matière d'énergie ; ce sont des choix de développement de filières à plus ou moins grande échelle, opérés chaque fois après avoir opposé ce qu'ils rapportaient – par exemple, en baisse d'émissions de CO2 – à ce qu'ils coûtaient… ou ne coûtaient pas, puisqu'aujourd'hui les coûts de production du solaire photovoltaïque au sol ou de l'éolien ont suffisamment baissé pour être compétitifs avec les prix de marché : avec un prix de marché de l'électricité qui avoisine les 60 euros du mégawatt, il est possible de monter des projets d'énergie éolienne ou solaire qui ne soient pas subventionnés.

En ce qui concerne la Pologne et les centrales à charbon, je ne veux pas montrer du doigt tel ou tel pays, mais il est évident que tous les pays de l'Union européenne n'entendent pas avancer du même pas ni dans la même direction en matière d'énergie ; j'en veux pour preuve la bataille qu'il a fallu mener pour que les vingt-huit ministres de l'environnement adoptent, dans la perspective de la COP24, qui se tiendra en Pologne, à Katowice, le principe d'une déclaration commune qui rehausse nos ambitions. Chaque mot a été pesé et négocié, car de nombreux pays ne souhaitaient ni position commune, ni révision de nos ambitions à la hausse.

Ensuite, plus les sujets abordés sont concrets, plus les négociations sont délicates. Faut-il pour autant laisser tomber ? Nous ne le croyons pas, et nous avons d'ailleurs réussi, lors du dernier conseil des ministres européens, à ramener la Pologne ou la Roumanie vers des positions beaucoup moins fermées que celles d'autres pays de l'Est, qui demeurent hostiles à toute position commune ou à toute baisse des émissions de CO2.

Si la France veut conserver la forme de leadership qu'elle a acquise au niveau mondial sur les questions environnementales – quand bien même il ne nous appartient pas de nous jeter des fleurs –, nous devons faire en sorte d'avoir au sein de l'Union un rôle moteur pour entraîner les autres. Je crois fondamentalement que l'Union européenne est un échelon extrêmement pertinent pour mener la bataille écologique, même si ce n'est pas gagné d'avance, pas plus que sur la question des migrants.

Madame Auconie, nous devons en effet résoudre la question des flottes de véhicules propres, mais c'est un fait que l'administration fiscale calcule l'avantage en nature sur le coût du véhicule à l'achat, sachant qu'une Tesla électrique vaut autour de 60 000 euros et qu'une Zoé est plus chère qu'une Clio. Ce sont des règles que nous devons revoir, si nous voulons être cohérents, de la même façon que plusieurs d'entre vous ont prévu de revoir la fiscalité des pick-up, taxés comme des véhicules utilitaires alors qu'il est clair que nombre d'entre eux ne servent pas vraiment à transporter du matériel de chantier.

Le recyclage, madame Kerbarh, est une de nos priorités. Cela fait partie des différents éléments que nous allons décliner dans la feuille de route pour l'économie circulaire. Le budget pour 2019 comporte quelques mesures en ce sens, comme la hausse de la TGAP. Reste que ce type de mesure est en général immédiatement critiqué et qualifié de mesure « punitive ».

Plus globalement, c'est toute notre politique des déchets que nous devons revoir en profondeur, pour vraiment les réduire à la source, arriver à terme à la suppression des décharges et à la diminution de l'incinération, en augmentant parallèlement le recyclage et la valorisation matière des déchets. S'il faut une loi pour y parvenir, nous ferons une loi : la dernière grande loi sur les déchets remonte à 1992, et il n'est donc pas totalement illégitime d'y réfléchir, avec des chances d'aboutir éventuellement en 2020.

J'en reviens, monsieur Brun, à la fiscalité écologique. On peut s'envoyer des mots à la figure, mais prenons l'exemple des contributions – impôts ou cotisations – à la protection sociale : parle-t-on à leur propos de solidarité punitive ?

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