Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du jeudi 18 octobre 2018 à 10h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd, référent de la commission des Finances :

Je souhaite revenir avec vous sur le prélèvement sur recettes (PSR) en vue de l'exercice de 2019. Il s'agit là d'un rendez-vous désormais traditionnel qui me donne l'occasion de présenter les principaux enjeux qui s'attachent à la contribution française au budget européen. Nous sommes dans ce moment traditionnel de l'année où les questions budgétaires occupent tous les esprits et je me permets de vous rappeler que le débat de ce lundi 22 octobre, consacré au PSR, sera l'occasion pour chacune des sensibilités politiques présentes dans l'hémicycle d'exposer son point de vue sur ce que doit être le budget européen et donc l'avenir de l'Union européenne.

C'est dans un contexte spécial que le budget 2019 est adopté. Il s'agit du sixième budget de l'actuel cadre financier pluriannuel qui, je le rappelle, s'achève en 2020. Cette année est particulière à plusieurs égards, mais avant tout en raison du départ du Royaume-Uni au mois de mars prochain. Si l'accord de retrait en cours de négociation prévoit bien que le Royaume-Uni respectera ses engagements au titre de l'actuel CFP, les incertitudes quant aux modalités de retrait du Royaume-Uni demeurent vives.

Le contexte est également particulier en ceci que les négociations sur le futur CFP ont commencé. La Commission européenne a présenté ses propositions à ce sujet le 2 mai dernier, et les travaux préparatoires au sein du Parlement européen comme du Conseil ont déjà largement avancé.

Le projet de budget 2019 traduit donc, comme je vais vous l'exposer, des priorités de longue date comme de nouvelles orientations, préparant la transition vers l'après-2020.

Comme vous le savez, la procédure budgétaire européenne suit un calendrier proche de la nôtre. La proposition de la Commission européenne sera ajustée en fonction des négociations entre le Parlement européen et le Conseil, qui doivent aboutir fin novembre. Le Conseil a arrêté sa position le 4 septembre dernier. La Commission européenne a proposé de fixer les crédits d'engagement à hauteur de 165,6 milliards d'euros et les crédits de paiement à hauteur de 148,7 milliards d'euros, soit respectivement 1 % et 0,9 % du RNB de l'UE. Le Conseil a approuvé des montants très proches. Dans l'ensemble, le budget augmenterait de 2,09 % pour les engagements et de 2,34 % pour les paiements.

Dans l'état actuel des négociations, le Gouvernement a prévu, dans son projet de loi de finances, une contribution française à hauteur de 21,515 milliards d'euros, ce qui représente une hausse par rapport à 2018. Cette hausse s'explique à la fois pour des raisons propres au mécanisme budgétaire européen et par des choix politiques récents. En effet, la montée en charge tardive des crédits de paiement de la politique de cohésion ainsi que de la rubrique « Ressources naturelles », expliquent une forme de surbudgétisation en fin de CFP.

Le projet de budget de l'Union pour 2019 intervient dans le contexte d'une légère mais réelle amélioration des indicateurs économiques au sein de l'Union. La croissance dans l'UE s'établissait à 2,4 % en 2017, soit le taux le plus élevé depuis dix ans, tandis que le taux de chômage s'élevait en mars 2018 à 7,1 %, soit le taux le plus faible depuis 10 ans. La fin de l'actuel CFP est l'occasion pour la Commission européenne de réaffirmer son ambition d'une Europe à l'économie prospère et résiliente, espace d'accueil et d'asile, protectrice des citoyens. Ce triptyque a été traduit dans les priorités établies pour 2019.

Le budget de l'Union, dans cette perspective, continue de privilégier les investissements et les instruments en faveur d'une croissance inclusive et durable. La réussite du FEIS, le Fonds européen pour les investissements stratégiques, dans le cadre du Plan Juncker, en atteste. La cible pour 2020 a été établie à 500 milliards d'euros et dépasse donc largement les 315 milliards d'euros prévus initialement. L'effet de levier que constitue la garantie publique des investissements a permis de conclure plus de 600 000 conventions de financement avec des PME, dans toute l'Union.

La deuxième priorité de la Commission européenne est de garantir la construction d'un espace sûr, dans lequel nos citoyens puissent se sentir en sécurité, mais qui soit également ouvert aux demandes légitimes d'asile. C'est pourquoi la Commission européenne a proposé d'augmenter non seulement les crédits de la rubrique « Sécurité et citoyenneté » de 6,7 % en 2019 mais aussi les crédits de la rubrique « l'Europe dans le monde » de 13,1 %. La mobilisation d'instruments complémentaires, tels que la marge globale pour les engagements ou l'instrument de flexibilité, atteste du caractère prioritaire de ce domaine. Il s'agit pour l'Union européenne de relever les défis liés à l'instabilité de son voisinage immédiat, en agissant à la fois dans les pays d'origine et en faveur d'un cadre européen pour l'accueil, la réinstallation, le retour et les accords de réadmission. La facilité pour les réfugiés accueillis en Turquie constitue à cet égard un exemple. L'accord entre la Turquie et l'UE de 2016 a permis de financer des actions en faveur des réfugiés syriens, de l'hébergement d'urgence à l'éducation. Les engagements pris à la Conférence de Bruxelles II d'avril dernier à l'égard des pays limitrophes du conflit, à savoir le Liban et la Jordanie, sont également traduits en acte dans le projet de budget 2019.

Je voudrais conclure en insistant sur le nouveau paradigme que consacre le budget 2019 auquel la France participe et qui sera matérialisé bien plus encore dans le prochain CFP. L'ouverture d'une ligne budgétaire pour le développement industriel en matière de défense, l'augmentation du budget en faveur de la mobilité des étudiants, des apprentis et des jeunes en général grâce au programme Erasmus +, sont autant d'avancées dans le sens d'une Europe ouverte qu'appelait de ses voeux le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.

Le prochain cadre financier pluriannuel, que nous négocions actuellement, doit être l'occasion de franchir un nouveau pas. Les défis auxquels l'Union européenne sera confrontée ne permettent pas d'en rester à un budget cantonné à 1 % du RNB de l'Union européenne, ce qui est souvent, à bien des égards, l'épaisseur du trait. La hausse du budget de l'Union doit permettre de répondre aux objectifs que nous comptons lui fixer pour les décennies à venir, et qui ne peuvent être relevés par les États membres individuellement, qu'il s'agisse de la lutte contre le dérèglement climatique, la mise en place d'une fiscalité équitable sur les activités numériques ou la gestion des flux migratoires.

Je souhaite personnellement, et j'aurai l'occasion de le redire en séance, un engagement fort en faveur de nouvelles ressources propres, comme la Commission européenne le propose. En particulier, les travaux pour l'établissement d'une assiette consolidée pour l'impôt sur les sociétés, la fameuse ACCIS, doivent aboutir sous l'actuelle mandature de la Commission européenne. La taxe sur les services numériques ou une part des recettes tirées de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre, sont des ressources financières modernes et adaptées à l'échelle de l'action européenne. Ces ressources propres auront le mérite de décrocher le budget européen de la seule variation des RNB nationaux et de s'appuyer sur des indicateurs macroéconomiques propres à l'Union.

Nous devons à nos citoyens un budget européen lisible et sortir de la logique mortifère des justes retours des États membres. Pour cela, je soutiens également l'idée de profiter du retrait du Royaume-Uni pour revoir l'ensemble des rabais et les éliminer rapidement. C'est à ce prix que l'on aura un budget lisible, équitable, dans lequel les citoyens européens pourront se reconnaître.

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