Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Séance en hémicycle du lundi 22 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 37 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Enfin, la Commission a imaginé un nouveau panier de ressources propres, qui comprend notamment la mise en place de l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, plus communément appelée ACCIS, ce qui reviendrait à créer un guichet unique, dans l'ensemble de l'Union, pour les déclarations fiscales des entreprises.

La France plaide pour ajouter à ce volet une taxe numérique européenne, qui toucherait les revenus issus des services proposés en ligne. Il est question que cette taxe soit temporaire, en attendant les conclusions de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – sur le sujet. Il est essentiel, à mon sens, d'aboutir rapidement à un consensus, dans une optique de justice et d'équité fiscales.

L'intégration par l'exemple est la seule solution qui permettra aux États membres de l'Union européenne qui veulent avancer de ne pas être freinés par les plus réticents.

Les dépenses de l'Union seront perçues comme légitimes par les citoyens dès lors qu'elles porteront sur des biens communs européens. Il est par conséquent impératif de démontrer aux citoyens qu'à chaque fois que l'Union exerce une compétence en lieu et place d'un État membre, non seulement elle le fait sans charge fiscale nouvelle pour le contribuable, mais encore que cela contribue même, toutes choses égales par ailleurs, à réduire les dépenses publiques. C'est l'application du principe de subsidiarité budgétaire, qui me semble une excellente approche, si tant est que les États membres se décident véritablement.

Une des causes du malaise que nous tous éprouvons envers elle réside dans le décalage entre, d'une part les ambitions proclamées et les décisions prises par le Conseil européen, d'autre part la modestie des moyens financiers qui lui sont consacrés.

La Commission souhaite aboutir à un accord sur le cadre financier pluriannuel avant les prochaines élections européennes, prévues en mai 2019. C'est pour moi une grave erreur politique, qui conduirait à priver d'enjeux des élections pourtant primordiales, le cadre financier imposant tous les sept ans une sorte de camisole de force budgétaire qui interdit de financer d'autres priorités. Du point de vue de la démocratie, il est indispensable que le prochain Parlement européen puisse voter les dépenses des sept prochaines années.

Enfin, l'ensemble de ces négociations se conduit en parallèle avec les discussions sur le Brexit. Le Royaume-Uni devrait sortir de l'Union européenne le 30 mars 2019. Les discussions sur les modalités de cette sortie peuvent paraître lointaines et sans rapport avec les sujets que nous traitons ici ; pourtant, elles auront des conséquences importantes pour nos concitoyens. D'abord, si l'accord de retrait est adopté, le Royaume-Uni entrera dans une période de transition au cours de laquelle sera définie notre relation future, notamment dans ses aspects commerciaux. Toutefois, l'hypothèse d'une absence d'accord est de plus en plus crédible. Le sommet européen du 17 octobre dernier l'a montré : des divergences importantes existent entre les deux parties. La question de la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande est un point d'achoppement majeur. Or, si ces négociations venaient à échouer, le Royaume-Uni deviendrait immédiatement un État tiers pour l'Union européenne : les contrôles aux frontières devraient être rétablis et les citoyens britanniques résidant en France seraient confrontés à un vide juridique. Pour parer à cette éventualité, les ministres Jean-Yves Le Drian et Nathalie Loiseau ont présenté en Conseil des ministres, le 3 octobre dernier, un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ; je ne peux évidemment que saluer cette anticipation de la part du Gouvernement.

Je forme le voeu que le prochain budget soit beaucoup plus audacieux, vu que nous sommes depuis des lustres dans un business as usual permanent, et que nous soyons capables de casser les habitudes – ces foutues habitudes qui nous freinent si souvent.

C'est pourquoi les amendements sur l'article 37 qui ont été déposés par les groupes d'opposition et qui ont pour objet de diminuer le prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne ne se justifient que par des postures politiciennes consistant à nous faire croire que moins de budget européen, c'est moins d'Europe, donc plus de souveraineté. Que les Français ne s'y méprennent pas : ce discours populiste à l'extrême n'est que le reflet d'une stratégie politicienne qui consiste à nous faire croire que tous nos maux sont de nature européenne et qu'il nous faut en sortir.

Cette Europe n'est pas parfaite, il faut en convenir. Notre devoir est de la transformer, de la rendre plus belle et plus grande, moins technocratique et moins élitiste, d'en faire une Europe démocratique, unie et souveraine, plus proche des citoyens – autrement qu'à travers des directives qu'ils ne comprennent pas – , une Europe plus sociale, car on a depuis trop longtemps laissé la part belle aux considérations strictement économiques, budgétaires et réglementaires. Oui, je crois en cette Europe, une Europe qui protège, qui donne les moyens d'agir, une Europe qui défend. Voilà pourquoi je milite pour des finances européennes plus lisibles, et aussi pour un budget européen restructuré. Mettons à jour notre logiciel national et européen pour enfin voir l'Europe comme un gisement d'économies. Nous avons, à la veille de ces élections, une occasion historique de le faire.

En tant que rapporteur spécial, je suivrai de près les négociations à venir et rendrai compte de leurs aspects financiers et budgétaires. Il va sans dire que je défendrai avec force, largesse, enthousiasme et conviction l'idée qu'il ne peut y avoir de réelle ambition européenne sans un budget redimensionné. Il nous faut enfin passer du projet européen à l'Europe des projets, comme le disait très justement Hubert Védrine. À la lumière de cette présentation sommaire, je vous invite, mes chers collègues, à adopter l'article 37 du projet de loi de finances à l'issue de ce débat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.