Monsieur le président, madame la ministre chargée des affaires européennes, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici réunis cet après-midi, en plein marathon budgétaire, en vue de débattre de l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.
La phase de conciliation avec le Parlement européen, à l'issue de laquelle le budget 2019 de l'Union européenne sera arrêté, aura lieu au cours des prochaines heures et des prochains jours. Réuni cette semaine en session plénière à Strasbourg, le Parlement européen examinera dès ce soir le budget du fonds de soutien aux réformes structurelles. Jeudi, il examinera celui du mécanisme européen de stabilisation des investissements pour la zone euro, ainsi que celui du fonds « InvestEU », et débattra du rôle de la Banque européenne d'investissement.
Nous pourrions donc être amenés à procéder à quelques ajustements sur le montant du prélèvement sur recettes dont nous débattons ici. Quoi qu'il en soit, le projet de loi de finances examiné par notre assemblée évalue la contribution française au budget de l'Union européenne pour 2019 à 21,52 milliards d'euros très précisément.
Son augmentation, qui nous maintient à la deuxième place du classement des contributeurs – en volume – au budget européen, derrière l'Allemagne, est le corollaire de l'augmentation générale du projet de budget pour 2019 présenté par la Commission européenne, tant en crédits d'engagement qu'en crédits de paiement. Je n'en évoquerai pas les chiffres, excellemment énumérés et commentés dans les rapports établis par nos rapporteurs.
Je rappelle néanmoins que le budget de l'Union européenne représente un peu plus de 1 % de la richesse produite chaque année par les États membres. Certes, comparaison n'est pas raison, mais celle que nous pouvons faire avec le budget fédéral des États-Unis d'Amérique – et à laquelle vous vous êtes livré, monsieur le rapporteur général – nous place très loin des ordres de grandeur constatés là-bas.
L'augmentation significative de la contribution française au budget de l'Union européenne s'explique notamment par la montée en charge de la programmation budgétaire de ses rubriques 2 – « Croissance durable : ressources naturelles » et 4 – « L'Europe dans le monde ». L'estimation de la contribution française prend également en compte, à hauteur de 13 millions d'euros, le financement de la première tranche de la facilité de l'Union européenne en faveur des réfugiés en Turquie, conformément au certificat de contribution établissant l'échéancier de paiement transmis par la France à la Commission européenne.
Outre les politiques européennes classiques, nous devrons financer l'an prochain des initiatives nouvelles – intéressantes à bien des égards – telles que le corps européen de solidarité, qui permettra aux jeunes Européens de travailler à des projets organisés dans leur pays ou à l'étranger et destinés à aider des individus ou des organismes dans toute l'Europe.
Citons également le volet recherche du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense, intégré au plan d'action européen de la défense lancé au mois de novembre 2016. Il permettra de renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne et d'accroître l'effort visant à assurer notre autonomie technologique et industrielle.
À cet égard, je rappelle que l'action européenne de défense a récemment franchi d'importantes étapes. Les prochaines devront comporter l'instauration d'un mécanisme de veille visant à réduire la dépendance excessive de certains États membres aux importations de matériels de défense développés par des pays tiers.
L'augmentation de la contribution nationale au budget européen s'explique également par l'érosion des ressources propres traditionnelles, telles que les droits de douane – vous l'avez évoquée tout à l'heure en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, monsieur le président ; je n'y reviendrai donc pas. Soyons lucides : la fin de l'actuel cadre financier pluriannuel de sept ans coïncide avec la fin d'une certaine époque de la construction européenne.
Certes, on songe d'abord au Brexit et aux incertitudes afférentes. Le projet de budget dont nous débattons intègre les nouvelles priorités définies conjointement par les vingt-sept États membres et s'inscrit dans le contexte contraint créé par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, même si les conséquences comptables de celle-ci épargneront l'année à venir.
Nous verrons à quoi aboutiront les négociations en cours sur le Brexit. Peut-être le sommet européen prévu au mois de décembre prochain nous apportera-t-il quelques bonnes nouvelles. Le négociateur en chef, Michel Barnier, se montre pour l'heure raisonnablement optimiste. Nous aurons certainement l'occasion de débattre dans cet hémicycle – peut-être même avant la fin de l'année – des négociations sur le Brexit et des perspectives qu'elles doivent dessiner pour notre pays et notre gouvernement.
Toutefois, les interrogations ne proviennent pas uniquement du Brexit. L'avenir des ressources propres de l'Union en suscite également. Dans le cadre de l'élaboration du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Parlement européen souhaite augmenter le budget global de l'Union de 190 milliards d'euros, dont 70 seraient affectés au développement de l'agriculture européenne et 67 aux fonds structurels.
La politique agricole commune et les fonds structurels sont deux domaines essentiels. Nous, membres du groupe Les Républicains, faisons part au gouvernement français de toute l'inquiétude que nous inspirent leurs perspectives d'évolution. Nous réaffirmons, comme l'a rappelé tout à l'heure le président Woerth, que la PAC ne saurait constituer une variable d'ajustement budgétaire. S'agissant des fonds structurels, nous serons également très vigilants.
Par-delà les questions budgétaires et comptables, nous devons poser celle de l'avenir du projet européen. Comme j'ai eu l'occasion de le dire l'an dernier à cette tribune, dans le même cadre, nous sommes à la croisée des chemins – le rappeler peut passer pour une banalité, mais nous voyons bien que le contexte européen, à bien des égards, est de plus en plus tendu. En réalité, nous sommes à la croisée de plusieurs chemins, que je tâcherai de tracer brièvement.
Le premier chemin qui s'offre à nous, c'est le grand bond en avant, quand bien même l'Europe, à certains égards, est au bord du gouffre : toujours plus d'intégration européenne, à tous les niveaux ; à tous les étages, un renforcement de la communautarisation de toutes les politiques. Manifestement, cette vision très intégrationniste, le président Macron y souscrit, ainsi que nos collègues du groupe La République en marche. Elle nous semble très peu partagée – donc très peu susceptible de réunir des soutiens et des alliés – à l'échelle européenne.