Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du lundi 22 octobre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Article 37 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, l'Union européenne doit faire face à de nombreux défis – migrations, compétitivité, révolution numérique, changement climatique – et à un scepticisme sans précédent à son égard. Ce scepticisme, que vous appelez également populisme, est inévitable lorsque l'on cesse d'écouter les peuples.

Et même si cela vous déplaît, les peuples savent encore ce qu'ils veulent pour l'Europe et vous le rappellent de plus en plus urgemment : au Royaume-Uni avec le Brexit, en Hongrie, en Pologne, en Italie, en Allemagne aussi. Je connais votre théorie : on intoxique les citoyens, on leur bourre le crâne de fake news, ce qui les conduit à mal voter, ou plutôt à voter selon ce qui leur semble bon, et non selon vos intérêts et vos calculs.

Parlons chiffres et budget. La contribution française au budget de l'Union européenne est en progression constante depuis plus de vingt ans. Elle a été multipliée par cinq entre 1982 et 2018, passant de 4,1 milliards d'euros en 1982 à 20,2 milliards en 2018 et à 21,5 milliards en 2019. Et cette augmentation ne s'arrêtera pas en si bon chemin puisque le nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 implique une nouvelle hausse de la contribution française de l'ordre de 6,3 milliards d'euros, soit plus de 30 % par rapport à la période 2014-2020 !

Pour quelles priorités ? La recherche et l'innovation, qui voient leurs dépenses doubler ; la jeunesse et son fameux programme Erasmus ; les actions extérieures, la sécurité et la défense ; les migrations et la gestion des frontières, notamment l'augmentation des effectifs de Frontex qui passeront de 1 200 à 10 000 hommes – une bonne chose, je tiens à le souligner ! Peut-être verrons-nous enfin les hotspots que M. Macron avait promis durant sa campagne électorale ? Peut-être, sous la pression des États qui refusent le tout migratoire, l'Union européenne comprendra-t-elle enfin qu'il faut agir et reprendre la situation en main ?

Un mot de la PAC et de sa diminution programmée : une telle baisse dans un budget en forte augmentation ne peut être acceptée. Il faut bien évidemment, pour reprendre vos mots, des financements à hauteur des enjeux. Mais de quels enjeux parle-t-on en matière agricole ? J'y reviens encore une fois à cette tribune et je le ferai autant qu'il le faudra : tant qu'il n'y aura pas de véritable harmonisation des règles entre pays européens, tant que certains États, comme l'Espagne, pourront continuer à utiliser des produits phytosanitaires interdits en France, et vendre ensuite leurs produits chez nous sans que soit même précisée sur l'étiquette la manière dont ils ont été produits ou cultivés, vous ne ferez pas adhérer les agriculteurs à votre Union européenne, car, pour eux, cette distorsion de concurrence est une véritable trahison.

Parlons aussi de l'augmentation des dépenses administratives des institutions de l'Union européenne proposée par la Commission : comment imposer toujours plus d'économies aux Français, comment faire signer des contrats de bonne gestion aux collectivités territoriales si les institutions européennes s'exonèrent de ce devoir de rigueur ? Encore une fois, c'est incompréhensible et totalement injuste aux yeux des Français !

Aujourd'hui, l'Europe mérite un véritable débat. J'espère que les prochaines élections nous en fourniront l'occasion. Car hésiter à parler de ces dysfonctionnements, de ces incompréhensions, c'est tout simplement refuser de parler des peuples, donc nier ces derniers.

Vous sous-estimez l'incompréhension croissante des Français à l'égard de l'Europe. Comment justifier qu'un traité commercial comme le CETA entre en vigueur sans avoir été validé au préalable par le Parlement français ? Comment expliquer l'échec de l'Europe, incapable de s'accorder sur une politique commune de défense ou de trouver des solutions efficaces contre une immigration toujours plus importante ? Comment expliquer le vote-sanction à l'encontre de la Hongrie au nom des droits de l'homme et des principes de l'État de droit, et le vote, dans le même temps, de subventions à la Turquie, pays si peu respectueux des libertés fondamentales ? Pensez-vous que les Français sont dupes ?

Personne ne se battra pour un grand marché économique au service et à la gloire d'une technocratie froide et aussi éloignée de nos concitoyens – soyez-en sûrs ! En revanche, les peuples seront prêts à adhérer à une Europe respectueuse de sa culture, de son histoire et de sa civilisation, et à se battre pour elle. Car, n'en déplaise à M. Macron, la culture française comme la culture européenne existent. C'est le fait de l'avoir oublié au profit d'une approche consumériste de la vie et de la société qui crée une telle défiance vis-à-vis de l'Union européenne. Il est encore temps de changer d'approche. Je n'ai qu'une certitude : nul ne peut faire l'Europe sans les peuples !

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