Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

La première partie du budget, que nous venons d'examiner, s'inscrit dans un contexte économique que vous refusez de voir : à vous entendre tout irait bien. Malheureusement ce n'est pas le cas. Puisqu'on m'a demandé de citer mes sources, je le fais volontiers : l'INSEE et l'OFCE, organismes on ne peut plus officiels, revoient à la baisse les prévisions de croissance à 1,6 % et constatent que le pouvoir d'achat recule de 0,5 % depuis début 2018, et tout est à l'avenant.

La seule chose qui augmente, qui explose même, ce sont les dividendes, qui connaissent une augmentation de 26 %, soit 44 milliards supplémentaires au premier semestre 2018, deux fois plus que ce qui se passe au niveau mondial, ce qui n'est pas sans rapport évidemment avec les mesures que vous avez prises en faveur de ces mêmes dividendes.

Pourtant vous vous entêtez dans la même politique. Vous n'êtes pas revenus sur la flat tax ; vous n'êtes pas revenus sur la suppression de l'ISF ; vous refusez de supprimer la dernière tranche de taxe sur les salaires et vous baissez l'impôt sur les sociétés, sans même faire la différence entre les PME et les très grands groupes et sans, une fois de plus, flécher ces cadeaux.

Vous allez donc baisser une nouvelle fois l'IS, transformer le CICE en baisses de cotisations, dont pourtant un rapport a démontré l'absence d'impact sur l'emploi. Vos cadeaux aux plus riches ne ruissellent donc pas, contrairement à ce que vous nous aviez assuré : la consommation populaire ralentit et 14 % de la population est sous le seuil de pauvreté.

Vous aviez donné une main aux plus riches des actionnaires et ils sont en train de vous prendre le bras : je pense évidemment au scandale Cumex Files. Je vous ai entendu tout à l'heure, monsieur Darmanin, regretter que notre groupe n'ait pas voté la loi sur la fraude fiscale. Je vous rappelle que la question de l'évasion fiscale n'est pas traitée par cette loi et que M. Le Maire et vous nous aviez expliqué qu'on ne devait pas y toucher. Or ce scandale montre comment on peut contourner l'impôt en restant aux limites de la légalité, au point que seule l'épaisseur des barreaux de la prison distingue ces pratiques de la fraude fiscale. Ces gens à qui vous donnez beaucoup mais qui n'en ont jamais assez ont ainsi privé la France de 3 milliards d'euros, quasiment le montant des cadeaux que vous leur avez faits en supprimant l'ISF.

Jamais les rémunérations des financiers n'ont été aussi élevées depuis dix ans – 422 000 dollars par an en moyenne au niveau mondial – car il n'y a jamais eu autant d'actifs à gérer dans la sphère financière . Vous renforcez la financiarisation de l'économie, qui est pourtant la plaie à laquelle nous avons à faire face depuis maintenant une trentaine d'années.

A l'inverse, vous refusez toute avancée sociale ou écologique proposée par l'opposition. Sur le plan fiscal vous avez refusé de prendre aux plus riches : refus de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu ou la taxe sur les transactions financières ; refus d'un impôt plus juste sur les droits de succession ; refus de supprimer les niches fiscales, type Copé ou Pinel, qui ne bénéficient qu'aux riches ; refus de notre amendement « McDonald » visant à taxer les GAFA en fonction de leur activité sur le territoire.

Sur le plan social, vous refusez de prendre la moindre mesure en faveur du pouvoir d'achat : refus d'exonérer de TVA les trois premiers mètres cubes d'eau, indispensables à la vie ; refus de baisser la TVA sur les produits de première nécessité ; refus d'augmenter la dotation globale de fonctionnement des collectivités pour tenir compte de l'augmentation de la population et de la hausse de l'inflation ; gel des prestations sociales, qui ne seront pas revalorisées en fonction de l'inflation. On apprend en outre que les mutuelles vont augmenter, notamment pour les retraités qui subissent déjà des hausses fiscales ainsi qu'une hausse du prix du gaz. Il ne serait pas étonnant qu'on s'aperçoive à la fin du prochain semestre que le pouvoir d'achat de la plupart des Français a encore régressé.

Sur le plan écologique, vous avez refusé beaucoup de propositions qui étaient pourtant logiques, alors même que la détérioration du climat ne fait qu'accroître les risques, comme le montre le drame qui vient de frapper l'Aude : refus d'augmenter le plafond des agences de l'eau pour compenser la baisse de 2017 ainsi que la compensation de la baisse des ressources de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, sans doute pour faire un cadeau à la Fédération des chasseurs ; refus de l'abrogation de la niche fiscale sur le kérosène aérien ; refus de l'abrogation du remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, TICPE, sur le gazole non routier.

En réalité votre budget c'est : toujours plus pour les riches, toujours moins pour ceux qui n'ont que leur force de travail pour vivre. Sur le plan écologique, le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas à la hauteur de l'urgence que nous connaissons .

Pour ces raisons nous voterons contre.

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