Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, en préalable, je tiens à m'insurger contre la véritable censure qui a été orchestrée à l'occasion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, par l'emploi abusif de l'irrecevabilité au titre de l'article 40. Pas moins de 533 amendements ont été déclarés irrecevables, ce qui n'est pas acceptable.

Ce n'est pas ainsi que l'on respecte la démocratie parlementaire ! Chacun d'entre nous peut vouloir débattre de sujets importants avec le Gouvernement !

J'en viens au texte et à différentes dispositions de ce projet. Il en est certaines que nous ne pourrons pas approuver : gel des aides sociales, pression fiscale toujours plus forte sur les assurés, en particulier les retraités, poursuite des exonérations de charges sociales.

Pour d'autres, attendons de voir !

Attendons de voir, en effet, si l'augmentation de l'ONDAM de 400 millions d'euros que vous octroierez aux hôpitaux, selon vos dires, rassurera le personnel et fournira un meilleur service à nos patients. Nous en doutons fortement car les besoins vont bien au-delà de cette somme : les hôpitaux sont dans le rouge avec 1,4 milliard de déficit et les pétitions de médecins et de personnels hospitaliers dans les territoires se comptent à la pelle. Nous attendons de voir également si la fin de la tarification à l'activité que nous soutenons portera ses fruits.

En revanche, nous ne pouvons soutenir le forfait à la réorientation payé aux urgences. Si cette idée peut partir d'une bonne intention, le fait de « payer pour ne pas soigner », de donner un chèque à du personnel soignant, au service public, pour ne pas soigner, n'est moralement et politiquement pas acceptable !

Nous suivrons de près, également, l'application effective de ce que vous avez appelé le « reste à charge zéro » ou plus abusivement, ce que vous nommez le « 100 % santé ». Tous les soins ne seront pas concernés, ce n'est donc pas du 100 % ! Ce dispositif, qui peut paraître louable, sera financé, in fine, par les complémentaires qui le répercuteront sur les cotisations payées par les assurés eux-mêmes donc. Même mécanisme pour l'élargissement de la CMU.

Vous présentez ce texte comme le projet de loi du redressement historique des comptes de la sécurité sociale. Certes, mais à quel prix ? Nous demeurons sur des logiques exclusivement comptables, celles des coupes claires. Combien de sacrifices les assurés, les retraités, les hôpitaux ou encore les établissements médico-sociaux, les EHPAD notamment, devront-ils encore consentir ? Mesdames Fiat et Iborra, auteures d'un rapport brillant, chiffrent l'urgence de ces établissements en milliards d'euros !

J'ai d'ailleurs reçu récemment les représentants du secteur médico-social à but non lucratif qui me faisaient part de leur désarroi face à la baisse des moyens pour assurer les soins au quotidien. On leur demande chaque année toujours plus d'économies !

Pendant ce temps, vous accordez des exonérations de cotisations patronales aux entreprises. Elles peuvent être bénéfiques, dans certains cas, mais elles ne sont pas compensées, ce qui est un souci majeur.

Surtout, la principale source d'inquiétude des élus des territoires ruraux, des élus de montagne et des élus insulaires, reste les déserts médicaux. Quand engagerons-nous un plan de grande ampleur pour lutter contre ce fléau dans nos territoires et nos vallées ?

Quand comprendrez-vous que cette problématique ne peut se résoudre que par une vraie territorialisation de la santé, au plus près des besoins des patients, par le biais de solutions adaptées et expérimentées ? La télémédecine ne peut pas être la solution miracle. Travaillons sérieusement pour créer les meilleures conditions d'installation des médecins dans nos villages ! Le rapport du président de notre groupe, Philippe Vigier, représente une bonne base de travail.

Je voudrais enfin évoquer une problématique plus spécifique à la Corse. Madame la ministre, je vous crois sensible à l'égal accès aux soins des populations. La Corse, bien qu'elle ait été reconnue par la loi comme une île-montagne, se voit appliquer, malgré l'absence de centre hospitalier universitaire, les mêmes règles de droit commun pour la prise en charge des transports de patients.

Lorsque certaines spécialités médicales n'existent pas sur place, ce qui est souvent le cas, il faut se rendre à Nice ou à Marseille. L'assurance maladie enregistre plus de 26 000 déplacements par an, ce qui est considérable. Cependant, ses modalités de prise en charge sont restrictives et inadaptées à la réalité de l'île : demande d'entente préalable systématique, prise en charge d'un seul accompagnateur pour les moins de 16 ans, examen au cas par cas pour les adultes et les 16-18 ans, absence de prise en charge de l'hébergement.

Cette situation prend une tournure dramatique lorsqu'il s'agit de mineurs, surtout lorsqu'ils sont atteints d'affection de longue durée. Il arrive que l'un des deux parents choisisse de déménager, au risque de déstabiliser le noyau familial et de sacrifier sa carrière professionnelle.

Nous sommes face à une véritable rupture d'égalité territoriale à laquelle vous devez remédier !

Aujourd'hui, ces familles font plus ou moins face à la situation grâce à l'action des associations, à la solidarité familiale et amicale et aux mesures prises par la collectivité de Corse. L'association Inseme, qui vient en aide aux familles et dont je me fais ici le porte-parole, a fourni tout récemment un formidable travail dans le cadre d'un rapport présenté devant le Conseil économique et social de la Corse. C'est à nous et c'est à vous d'agir désormais en adaptant le code de la sécurité sociale !

Je reprendrai les propos de la présidente de ce conseil : « La réponse à cette problématique ne peut reposer sur des actions individuelles, éparses et limitées. Il importe désormais que les institutions publiques s'en emparent pleinement afin de mettre en place un cadre réglementaire adapté à la spécificité sanitaire de la Corse. »

Vous comprendrez, madame la ministre, qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'un caprice, mais d'une problématique qui naît d'une réelle spécificité géographique. Je vous demande d'y remédier.

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