Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du vendredi 26 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Après l'article 29

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je me permets de revenir sur cet amendement, qui est fondamental. Je suis désolée qu'il n'ait été déposé qu'hier après-midi. La raison en est que sa rédaction a été difficile. En effet, les premières versions qui m'ont été soumises présentaient le risque de placer en difficulté des établissements qui travaillent bien. J'ai donc demandé à mes services d'en revoir la rédaction afin d'aboutir à une version permettant de mobiliser les équipes soignantes autour de la question de leurs pratiques et de leurs éventuelles déviances.

Je m'adresserai plus particulièrement à vous, monsieur Dharréville, car il me semble que vous n'avez pas bien compris de quoi il retourne. J'aimerais donc vous donner des exemples concrets.

Nous savons aujourd'hui, selon les données publiées par l'IRDES – Institut de recherche et documentation en économie de la santé – et par l'ATIH – agence technique de l'information sur l'hospitalisation – , dont les agents connaissent les activités des établissements de soins, que le taux de recours à la césarienne, dans certains départements, est quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Rien n'explique la multiplication par quatre de ce taux dans un département. Il est donc fort probable que certains praticiens recourent trop facilement à des césariennes, contrairement à d'autres obstétriciens.

L'idée est d'informer chaque établissement de soins sur le caractère excessivement déviant de ses pratiques par rapport à la moyenne nationale, et d'y encourager les professionnels de santé à réfléchir à leurs façons de procéder, notamment en vérifiant qu'ils se conforment aux procédures habituelles publiées par les sociétés savantes et s'inscrivent dans une démarche d'amélioration de leurs pratiques médicales.

Bien entendu, l'idée n'est pas de ramener tous les établissements de soins exactement à la moyenne nationale. Nous comprenons parfaitement qu'il existe des écarts, que peuvent expliquer des différences de population. Toutefois, lorsque la déviation des taux par rapport à la moyenne nationale atteint une telle ampleur, cela intrigue.

Second exemple : la chirurgie bariatrique, dont nous savons qu'elle est en plein essor. Notre taux de recours à la chirurgie bariatrique est deux à trois fois supérieur à celui observé chez nos voisins européens. Certaines cliniques qui s'installent se consacrent exclusivement à la chirurgie bariatrique. Nous avons le sentiment que certains patients sont opérés sans réelle justification compte tenu de leur indice de masse corporelle. On opère des gens qui pourraient être considérés comme obèses mais qui ne le sont pas suffisamment, en quelque sorte, pour faire l'objet d'une recommandation de recours à la chirurgie bariatrique.

Dans certains départements, ces pratiques se sont tellement développées qu'on en vient à une activité non régulée, soit précisément ce que vous déplorez, monsieur Dharréville. Nous savons que ces établissements sont financés par l'assurance maladie, et que ces malades ne devraient pas être opérés. Nous savons aussi que le suivi de ces patients, qui doit en principe être très normalisé en raison du risque de carence vitaminique qu'ils encourent, n'est pas assuré. Dès lors, dans la mesure où nous devrons renouveler les autorisations de pratiquer la chirurgie bariatrique aux établissements, peut-être devons-nous veiller à ce qu'ils se conforment aux bonnes pratiques ainsi qu'aux recommandations de la Haute autorité de santé. Telle est l'idée.

Je ne vois pas quel député pourrait s'opposer à une forme de régulation des soins par la qualité et la pertinence, laquelle au demeurant n'est pas très punitive. Le dispositif consiste à transmettre à un établissement les chiffres de ses pratiques par rapport à la moyenne nationale, à l'engager à réfléchir sur ses modes de pratique et éventuellement, si la déviance persiste plusieurs années, à ne pas renouveler son autorisation d'activité. Une telle régulation me semble saine.

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