Intervention de Général Richard Lizurey

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale :

S'agissant des brigades nautiques, Monsieur Le Gac, nous n'entendons rien supprimer mais nous voulons les adapter aux besoins. Les brigades nautiques de Bretagne ont bien entendu leur justification, mais nous avons quelque 300 plongeurs dans la gendarmerie nationale, principalement localisés dans les unités nautiques sur la côte alors que leur emploi est principalement dans les terres, car les recherches subaquatiques se font surtout dans les cours d'eau. Il faut donc parcourir des distances importantes pour exercer leur métier et même pour s'entraîner car ils s'entraînent, non dans la mer, mais là où ils interviennent, c'est-à-dire dans les terres. Le travail qui est actuellement conduit est tout simplement une revue capacitaire, qui ne concerne d'ailleurs pas que les unités nautiques mais l'ensemble des unités. Il est de ma responsabilité de regarder si le dispositif historique est toujours pertinent au regard de la démographie et des besoins. Les unités nautiques font comme les autres l'objet de cette réflexion. Il n'est pas envisagé de les supprimer mais nous regarderons l'évolution des besoins.

Je considère qu'une unité qui passe plus de 50 % de son temps à s'entraîner doit être interrogée sur sa justification. C'est comme cela que je l'ai dit à mes troupes. On doit d'abord être engagé dans l'opérationnel. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'entraîner mais 50 % ne me paraît pas une bonne mesure. Cela peut inquiéter ici ou là ; il me paraît toutefois important d'y réfléchir, en liaison avec l'ensemble des personnels. Vous serez également sollicités, je pense, dans ce cadre.

Madame Dubois, l'accueil est la première étape du contact. C'est donc l'étape la plus importante, et ce n'est pas pour rien que les entreprises font porter là-dessus le plus gros effort. Nous avons pris quelques mesures, avec des locaux aménagés ici ou là, mais il faut encore que nous soyons meilleurs en matière de formation. La qualité d'accueil laisse parfois à désirer et je le regrette car notre métier est d'accueillir toutes les personnes qui viennent nous voir, usagers, plaignants, et même des auteurs d'actes, et nous avons le devoir de les respecter. Le respect est la base de l'accueil. L'accueil, comme le contact, fait partie des éléments déterminants de notre ADN et, de ce point de vue, nous devons encore progresser dans la formation de nos personnels. Nous en ferons un point fort de la formation initiale que j'ai évoquée.

Monsieur Favennec Becot, le GIGN connaît en effet une période un peu difficile mais c'est normal car les choses évoluent et on ne peut pas considérer qu'il soit au sommet de la pyramide et inatteignable pour l'éternité. Ce n'est en tout cas pas mon point de vue. Le GIGN est un organisme vivant, la gendarmerie tout entière est un organisme vivant, et il faut donc que nous nous interrogions sur notre avenir, sur la manière d'assurer la mission, sur la cinétique et sur le contexte, qui a changé. Vous avez évoqué les attentats du 13 novembre : le GIGN n'a pas été engagé à ce moment-là parce que, d'une part, la réponse apportée localement était considérée comme suffisante et, d'autre part, nous n'étions pas à l'abri d'une réplique en d'autres points et le GIGN était donc potentiellement prévu pour intervenir ailleurs. Pour Trèbes, c'est vrai que le temps de projection de Satory a été long et quand ils sont arrivés c'était terminé, mais c'est aussi du fait de la cinétique propre de la crise.

Le modèle que nous avons aujourd'hui est-il pérenne, ne souffre-t-il aucune critique ? J'ai demandé une réflexion en interne, d'où l'inquiétude qui s'exprime, car, quand on demande aux gens de réfléchir sur un dispositif, ils craignent qu'il soit mis en cause et supprimé. Nous avons six antennes GIGN, qui doivent à mon avis être intégrées dans une vision globale de l'opération. Nous sommes aujourd'hui sur une logique de tueries de masse, avec une cinétique extrêmement rapide : nous n'avons plus le temps d'attendre une projection, il faut prendre de premières mesures. Le primo-arrivant, c'est le gendarme de brigade ; l'intervention spécialisée de premier niveau, c'est le PSIG-Sabre. C'est d'ailleurs comme cela que ça s'est passé à Trèbes. C'est d'abord la communauté de brigade de Trèbes qui est arrivée, puis le PSIG-Sabre, puis l'antenne GIGN, enfin le GIGN. Tout cela s'est mis en place mais on voit bien qu'il faut s'interroger sur notre modèle, qui doit être revu dans sa cinétique et dans sa conception opérationnelle, non pas pour le mettre en cause mais pour l'améliorer et pour qu'il réponde à l'instant t aux besoins. Nous avons des marges de progression.

Madame Dumas, je vous remercie pour l'hommage que vous avez rendu aux personnels. S'agissant de la fonction contact et des brigades territoriales de contact, je rejoins ce que j'ai dit sur l'accueil. C'est une formation que nous avons commencé à intégrer dans la formation initiale, et ce sont d'ailleurs des élus qui interviennent devant nos élèves gendarmes, pour leur expliquer tout simplement ce qu'ils attendent d'eux, ce qui est attendu des gendarmes quand ils arrivent, aller voir les élus, dire bonjour, faire le tour de la circonscription, toutes choses qui étaient considérées comme acquises et qui en réalité ne le sont pas. Je pense qu'il faudra aller encore au-delà, nous continuerons d'investir sur le sujet. Si les uns et les autres êtes intéressés, je suis prêt à vous accueillir dans les écoles pour que vous témoigniez de votre expérience et de votre vision d'élus, car il est important que les jeunes gendarmes vous entendent. Un jour, un élu m'a dit que les gendarmes ne venaient pas toujours aux cérémonies et que, quand ils venaient, ils ne disaient pas bonjour. Cela m'a interpellé. En l'espèce, c'était vrai : renseignements pris, il s'agissait de deux jeunes gendarmes qui venaient d'arriver et qui étaient complètement perdus. Notre erreur était de ne pas les avoir formés. C'est ce qui a déclenché le processus de réflexion sur le contact.

Monsieur Jacques, les plateformes LRPPN et LRPGN sont différentes, et je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt des uns et des autres de les rendre identiques. La LRPGN a été développée par des personnels de la gendarmerie nationale en fonction de la doctrine d'emploi de nos personnels. Un gendarme fait de la police administrative, de la police judiciaire, de la police des eaux et forêts, de la police de la chasse, il fait de tout, à la différence de nos camarades policiers qui sont beaucoup plus spécialisés. Les besoins ne sont donc pas les mêmes. Le gendarme traite une enquête de A à Z, sauf les enquêtes complexes où nous saisissons la section de recherches ; il a donc besoin d'une procédure complète, ce qui n'est pas le cas de la police nationale. Le policier premier saisi, parfois, et même assez souvent, transfère les gardes à vue. Le séquençage des missions est différent. C'est pourquoi il ne me paraît pas souhaitable de rapprocher les logiciels de rédaction de procédure.

En revanche, il faut, vous avez raison, que le puits de données soit identique. Je rejoins donc ce que vous avez dit sur les perspectives de dématérialisation de la procédure. Un travail est actuellement en cours entre la justice et l'intérieur, afin de créer, j'espère en 2021 ou 2022, un dispositif qui permette à chaque policier et chaque gendarme de remplir la procédure, la machine transférant les données dans un puits de données où les magistrats viendront puiser, donc une procédure dématérialisée jusqu'au procès pénal. Mais cela n'oblige pas à se doter d'une plateforme unique.

La brigade numérique ne comprend à ce stade que des gendarmes mais des offres de service sont sur la table. J'ai dit, dès sa création, que les policiers étaient les bienvenus. Une salle est à leur disposition et nous mettrons les ordinateurs nécessaires quand ils viendront.

Madame Trisse, il est vrai que les investissements sont en baisse, notamment dans le domaine des systèmes d'information et de communication (SIC) : c'est parce que, sur la partie Néogend, nous sommes en phase de MCO, tandis que l'an dernier nous avons acheté 67 000 tablettes. Nous n'avons plus besoin d'acheter de tablettes aujourd'hui, le matériel a été loué ; il ne reste que le MCO qui ne nécessite pas d'investissement.

Monsieur Furst, nous suivons les grands groupes criminels organisés, notamment avec l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Nous avons démantelé une trentaine de groupes l'année dernière et nous avons l'ambition d'en démanteler au moins autant cette année. Nous sommes d'ailleurs, au niveau de l'office, leaders dans le projet European multidisciplinary platform against criminal threats (EMPACT) de l'Union européenne qui vise à travailler au niveau européen sur la lutte contre ce phénomène de délinquance. C'est un phénomène principalement en provenance d'Europe de l'Est, mais pas seulement, puisque nous sommes même confrontés à des groupes chiliens. Jusqu'à récemment, on estimait que la criminalité organisée était le haut du spectre. Aujourd'hui, les cambriolages opérés par ces groupes criminels sont de la criminalité organisée, et nous nous organisons pour en limiter l'impact au maximum. Les résultats en matière de lutte contre les atteintes aux biens sont encourageants.

Madame Mirallès, la directive « Temps de travail » a fait l'objet d'une réflexion en interne et nous avons mis en place, le 1er septembre 2016, une instruction provisoire établissant un système de récupération de onze heures de repos physiologique journalier par tranche de vingt-quatre heures. Cela a été absorbé. Je vous avais dit à l'époque que cela ferait 5 % en moins de capacités présentes sur le terrain ; l'Inspection générale de l'administration (IGA) a considéré que l'impact était équivalent à moins 4 000 ETPT. Dont acte. Cela a été intégré, nous nous sommes réorganisés. La contrainte nous conduit à imaginer d'autres formes de procès : nous diminuons un certain nombre de tâches indues, de missions périphériques… Cela n'a pas recréé la capacité de travail pour autant, mais nous nous sommes adaptés à ce dispositif.

Il n'a pas eu à ce stade d'impact sur les réservistes. La jurisprudence que vous avez évoquée concernait des sapeurs-pompiers belges en astreinte immédiate à la caserne. C'est le caractère immédiat de l'astreinte qui a conduit le juge à estimer qu'il s'agissait d'un temps de travail effectif. Nos réservistes ne sont pas, quant à eux, en astreinte immédiate ; ils sont mobilisables mais n'ont pas l'obligation d'être en tenue chez eux pour intervenir. Je ne crois donc pas que la directive aura un impact sur nos réserves dans le futur proche.

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