Intervention de Gilles Carrez

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur spécial (Patrimoines) :

Le programme 175 Patrimoines comprend les monuments historiques, les musées, l'archéologie, l'architecture et les espaces protégés. Il est doté d'environ 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 900 millions d'euros en crédits de paiement. Il progresse légèrement en CP et de façon plus importante en AE. Il est complété par des dépenses fiscales, notamment le mécénat, que nous avons évoqué il y a quelques jours dans le cadre de la première partie de ce projet de loi de finances.

Ce budget se présente plutôt bien ; il est doté correctement. Je donnerai donc un avis favorable à l'adoption des crédits du programme. La forte progression des autorisations d'engagement s'explique notamment par le nouveau projet de rénovation soutenu par le Président de la République : celui du château de Villers-Cotterêts, actuellement dans un état déplorable. Je le rappelle, c'est à Villers-Cotterêts qu'a été signée l'ordonnance imposant l'usage de la langue française. Le projet n'est pas finalisé, mais semble extrêmement intéressant.

Pour la première fois, les monuments historiques devraient pouvoir compter sur 300 millions d'euros, dont presque la moitié sera réservée aux monuments des collectivités territoriales. 25 millions d'euros, soit un peu moins de 10 % du budget des monuments historiques, seront alloués à l'entretien et à la restauration des monuments détenus par des personnes privées – c'est peu. Le reste ira soit aux monuments appartenant à l'État, soit au Centre des monuments nationaux (CMN), établissement public qui regroupe une centaine de monuments nationaux, un peu partout en France. Ces monuments sont très divers : certains sont très importants – comme le Mont-Saint-Michel –, d'autres tout petits – des maisons historiques dans certains départements par exemple.

On peut espérer qu'en 2019, comme en 2018, ces crédits ne seront pas ponctionnés en gestion, non pour être annulés, mais transférés vers le puits sans fond que représentait jusqu'à présent l'archéologie.

J'en viens au mode de gestion de ces grands monuments. On a transformé depuis quelques années certains grands monuments en établissements publics ; c'est le cas notamment à Versailles, à Fontainebleau ou encore à Chambord, qui, il y a une quinzaine d'années, se trouvait dans un état pitoyable. La création d'un établissement public en 2005 a permis d'en optimiser la gestion. En d'autres termes, cela a permis de limiter les crédits budgétaires au profit de recettes en forte hausse, du fait d'une explosion de la fréquentation, mais également grâce à des actions de mécénat. Si je cite souvent Chambord, c'est que la transformation est remarquable et que, alors qu'en 2004, le château dépendait totalement de crédits publics, 90 % de ses dépenses de fonctionnement sont aujourd'hui couvertes par des recettes propres et il est sorti de la liste des opérateurs de l'État.

La question se pose donc d'étendre ce mode de gestion responsabilisante via un établissement public, à d'autres monuments d'envergure. Prenons, par exemple, le cas de Compiègne, véritable Belle au bois dormant. Il y a là, au milieu de la forêt, un château magnifique, qui abrite des collections extraordinaires, mais qui est resté « dans son jus » et attire peu les visiteurs : avec une gestion plus efficace, on pourrait en tirer bien davantage.

On peut s'interroger également sur le fait de maintenir ou non le Mont-Saint-Michel parmi la centaine de monuments gérés par le CMN. En effet, le Mont-Saint-Michel est une structure très complexe, qui englobe la problématique des accès – sur lesquels d'importants progrès ont été faits –, des commerces et de l'abbaye, ce qui nécessiterait sans doute une gestion intégrée. Cela étant, le président du CMN, M. Philippe Bélaval souligne que les recettes rapportées par l'abbaye du Mont-Saint-Michel permettent également au Centre, grâce à la mutualisation et à la péréquation, de financer la restauration d'autres monuments moins visibles.

En ce qui concerne les musées, nous faisons face à de très gros chantiers. Celui du Centre Pompidou, qui devait démarrer sous cette législature, risque d'être reporté, bien que l'on ait déjà dépensé des sommes importantes pour refaire les escaliers extérieures, la « chenille », car il faut financer la restauration de Villers-Cotterêts, qui tombe en ruine, mais surtout la rénovation du Grand-Palais. Cette rénovation est un projet à 450 millions d'euros, dont le financement a pu être bouclé en mobilisant une multiplicité de sources, parmi lesquelles le programme d'investissements d'avenir, un emprunt gagé sur les recettes commerciales et des crédits budgétaires. D'où mon inquiétude : je crains fort qu'au cours des prochaines années, le budget du programme Patrimoines soit pour une large part préempté par ces très grosses opérations.

Pour ce qui est de l'archéologie, c'était depuis vingt ans un puits sans fond et, chaque année, nous tentions de boucher les trous en transférant des crédits venant notamment des monuments historiques. Cette année, pour la première fois – et cela fait partie des bonnes nouvelles de ce budget – l'archéologie est dans une situation équilibrée.

La redevance d'archéologie préventive, qui était une taxe affectée mais assez peu efficace, notamment parce qu'on avait du mal à la recouvrer, a été transférée au budget de l'État, lequel, en contrepartie, reverse une subvention correctement dimensionnée. Mais surtout l'Institut national de recherches archéologiques préventives est désormais éligible au crédit d'impôt recherche, ce qui lui procure chaque année une douzaine de millions d'euros, qui ont permis d'atteindre un équilibre dont j'espère qu'il se maintiendra.

Enfin, 30 millions d'euros sont consacrés à l'action Architecture et espaces protégés, dont la moitié correspondent à la subvention allouée à la Cité de l'architecture et du patrimoine, au Trocadéro, qui a, elle aussi, un statut d'établissement public. C'est un lieu qui n'est pas très connu, mais je vous invite à aller y admirer des répliques de sculptures et de peintures murales, notamment une reproduction grandeur nature du dôme de la cathédrale de Cahors, absolument extraordinaire.

Nous avons en matière de musées un potentiel extraordinaire, qui ne se limite pas – je tiens à le dire, moi qui suis Francilien – à l'Île-de-France, laquelle absorbe avec les grands projets que j'ai évoqués énormément des crédits du programme Patrimoines. Il serait donc souhaitable, à l'avenir, de déconcentrer davantage ces crédits.

Un dernier mot enfin sur le mécénat, sujet sur lequel nous n'avons pas abouti ne première partie du projet de loi de finances. J'ai commandé l'an dernier à la Cour des comptes un rapport au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois des finances, sur les quinze ans d'application de la « loi Aillagon ». Ce rapport devrait nous être remis à la mi-novembre, et il me semblerait préférable d'attendre ses conclusions plutôt que d'adopter l'amendement instaurant un plancher et un plafond qui, selon moi, est problématique.

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