Intervention de Marie-Christine Dalloz

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, rapporteure spéciale :

Vous l'aurez compris, il y a deux missions et un budget annexe, je vais essayer d'être très synthétique.

Quelques mots pour commencer sur le budget annexe Publications officielles et information administrative qui retrace les activités de la direction de l'information légale et administrative (DILA). Je suis en charge de ce rapport spécial depuis sept ans et j'ai pu observer la mutation considérable de la DILA. Cette direction qui était centrée sur ses activités d'impression du Journal officiel a pleinement pris le virage numérique avec la tenue des sites « service public », Légifrance et les publications téléchargeables sur le site de La Documentation française. Cette transformation ne s'est pas faite sans douleur compte tenu des plans de départs anticipés aussi bien pour le personnel de la DILA que pour celui de la société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels (SACI-JO). La diminution des effectifs se poursuit : 68 équivalents temps plein (ETP) en 2017, 38 prévus pour 2019. Et, malgré la diminution des recettes du budget annexe, il est toujours exécuté en excédent – 11 millions d'euros prévu pour 2019. Je suis donc pleinement favorable à l'adoption de ce budget annexe.

J'en viens à la mission Investissements d'avenir, dont les crédits s'élèvent à un peu plus de 1 milliard d'euros pour 2019, soit 1 049,5 millions d'euros. Nous sommes donc loin du rythme de décaissement initialement annoncé de 2 milliards d'euros par an, si bien que, d'après les échéanciers qui m'ont été transmis, les 10 milliards d'euros déjà engagés sur le troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), en autorisations d'engagement (AE) uniquement ne seront pas tous inscrits en crédits de paiement (CP) sur le quinquennat. Il manquerait 2,68 milliards d'euros. Cela interroge plus largement sur le suivi du Grand plan d'investissement, dévoilé en toute hâte en septembre dernier – dans lequel le PIA 3 est intégré : sur les 57 milliards d'euros annoncés, combien seront effectivement inscrits en loi de finances ?

Un point positif : je note sur cette mission un effort de redéfinition des indicateurs, que je salue. Il est cependant trop tôt pour évaluer l'impact des crédits que nous votons dans le PIA 3 car leur mise en oeuvre prend du temps. Chacune des actions fait l'objet d'une convention entre le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et un opérateur, puis il y a le temps des appels à projets et de la sélection des lauréats, le temps de la contractualisation entre l'opérateur et le lauréat retenu, et enfin le décaissement des crédits. L'addition de tous ces délais fait que les crédits des deux premiers PIA sont encore en train d'être décaissés. Depuis 2010, sur les 57 milliards d'euros des trois programmes d'investissements d'avenir, seuls 20 milliards ont été décaissés à ce jour.

Ce décalage entre le vote et le décaissement des crédits rend complexe le suivi de ces investissements. Le SGPI et les opérateurs ne distinguent pas toujours les enveloppes des différents PIA, d'autant plus que de nombreuses actions du PIA 3 viennent finalement abonder des dispositifs engagés lors des programmes précédents. À cela s'ajoutent les substitutions budgétaires, lorsque les enveloppes des PIA permettent de financer discrètement les dernières annonces de tel ou tel ministre ou du Président de la République. Je tiens des exemples à votre disposition.

Plus de huit ans se sont écoulés depuis les premières dépenses d'investissements d'avenir et nous ne disposons pas encore d'évaluation globale des effets des PIA, qu'il s'agisse de retours financiers ou socio-économiques. Fort heureusement, une première évaluation du PIA 1 devrait être lancée en 2019, dont j'attends les résultats avec un vif intérêt.

Sur la mission Direction de l'action du Gouvernement, j'ai souhaité faire cette année un focus sur les dépenses du Premier ministre et de son cabinet. Alors que tous les ministres se voient imposer une réduction drastique des effectifs de leur cabinet, ceux du cabinet du Premier ministre s'élèvent à 496 ETP : 69 membres du cabinet et 427 personnes chargées des fonctions support. Les dépenses de personnel sur le programme 129 s'élèvent à 19 millions d'euros alors qu'elles ne comprennent que la moitié des effectifs, les autres étant mis à disposition par différents ministères.

Ils sont répartis dans cinq hôtels particuliers du 7e arrondissement de Paris dont les dépenses hors loyers atteignent 4,4 millions d'euros par an. À cela s'ajoutent des frais de représentation de 70 000 euros, des frais de déplacements de 4,1 millions d'euros – dont 3 millions pour les vols de l'Escadron de transport, d'entraînement et de calibrage – et des dépenses d'intendance de 2,3 millions d'euros qui ne comprennent que les produits alimentaires, les prestations hôtelières et les vêtements. La seule tournée en Nouvelle-Calédonie de novembre 2017 a coûté 816 744 euros. En outre, quatre personnes assurent la gestion de la résidence de villégiature de Souzy-la-Briche dans l'Essonne.

Tout cela représente des sommes non négligeables dont on peut interroger le bien-fondé. Je déplore avant tout le manque de transparence sur ces dépenses, surtout si l'on compare avec les prévisions de dépenses du Président de la République. C'est ce manque de transparence qui crée la suspicion et alimente des scandales, hautement préjudiciables à la confiance entre les citoyens et la classe politique.

Enfin, je conclurai cette intervention sur un point qui ne concerne pas que cette mission mais l'ensemble du budget qui nous est présenté : celui de la non-comptabilisation des loyers budgétaires. D'après mes informations, cette mesure est sortie de nulle part cet été, prenant de court les responsables de programmes. Ainsi, sur la mission Direction de l'action du Gouvernement, les crédits semblent diminuer de 150 millions d'euros, mais c'est la somme des loyers budgétaires ! À l'échelle de la mission, cette astuce de présentation est assez impressionnante. À l'échelle du budget de l'État, ce sont 1 milliard d'euros de crédits qui disparaissent artificiellement. Une belle manière de réduire la dépense publique sans effort.

Pour le principe, je suis donc défavorable à l'adoption des crédits de la mission Direction de l'action du Gouvernement.

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