Monsieur Christophe, nous suggérons de ne pas réduire l'excédent croissant de la branche AT-MP. Il est normal qu'il soit procédé à un transfert de fonds vers la branche maladie, compte tenu de la sous-déclaration des accidents. Ce transfert atteint 1 milliard d'euros. En revanche, la constitution d'excédents dans cette branche est un moyen intéressant de faire face à d'éventuelles dégradations de la conjoncture. Nous pourrions d'ailleurs nous en inspirer pour l'ensemble de la sécurité sociale. Pour autant, nous contestons l'écart trop important qui prévaut entre les taux de cotisation brut et taux net, et déplorons la complexité du dispositif. Ainsi, deux millions de taux sont notifiés chaque année. Cette construction d'une redoutable complexité nuit à l'efficacité du « signal prix ». La tendance à la réduction des accidents du travail dans notre pays connaît actuellement une stagnation, voire s'inverse dans certains secteurs comme le médico-social. En conséquence, nous recommandons une moindre mutualisation du risque, de façon à adresser « un signal prix » plus pertinent et à inciter davantage les entreprises à faire de la prévention. Nous proposons d'ailleurs de relever l'échelon de calcul du taux, le faisant passer de l'établissement ou de la section d'établissement à l'entreprise. C'est en effet à l'échelle de cette dernière que le « signal prix » est perçu et peut inciter à la mise en place d'une politique de lutte contre les accidents du travail.
J'ajouterai quelques remarques sur la non-compensation par l'État des mesures qui impactent le budget de la sécurité sociale. Il est manifeste que jusqu'à présent, les gouvernements successifs ont géré ce sujet par une surcompensation de l'État auprès de la sécurité sociale dans les périodes à conjoncture dégradée, et à l'inverse par un retour des excédents de la sécurité sociale vers l'État lorsque la conjoncture s'améliorait. C'est une des voies que nous traçons dans notre rapport. L'alternative consisterait à créer un fonds de réserve. Rappelons d'ailleurs que le fonds de réserve des retraites a été constitué en prélevant les excédents de la sécurité sociale à la fin des années 1990. Ainsi ont été accumulés plus de 30 milliards d'euros, dont une partie est annuellement reversée à la CADES, à hauteur de 2 milliards d'euros, pour achever le remboursement de la dette sociale à l'horizon de 2024. Un choix peut donc être effectué entre ces deux branches de l'alternative. Ce choix est important dans un contexte où il n'existera plus de CADES après 2024, et où, par conséquent aucun mécanisme ne permettra de financer la dette qui s'accumule à court terme à l'ACOSS.
Monsieur Borowczyk, la question des réhospitalisations est faiblement documentée, que ces réhospitalisations fassent suite à des soins ambulatoires ou à des prises en charge en hospitalisation complète. Les études sur le sujet se contentent d'indiquer que la prise en charge ambulatoire ne donne pas lieu à davantage de réhospitalisations que la prise en charge classique. Pour autant, la prise en charge ambulatoire nécessite un accompagnement ultérieur en médecine de ville, en particulier à l'adresse des populations vieillissantes. L'assurance maladie y procède, au travers notamment de son programme d'accompagnement du retour à domicile (PRADO) après une hospitalisation.
Pour ce qui est de la filière visuelle, l'idée de faire travailler ensemble les orthoptistes et les ophtalmologues est excellente. Malheureusement, force est de constater qu'elle ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle nous poussons plus avant le raisonnement. Aujourd'hui déjà, un certain nombre d'actes, comme le renouvellement des verres, peuvent être effectués par les orthoptistes à certaines conditions et sauf mention contraire du praticien. Le plus souvent, ils se font sous contrôle d'un ophtalmologue. Or, la population des ophtalmologues est aujourd'hui insuffisante, et ira s'amenuisant jusqu'en 2030. Dans un contexte démographique aussi tendu, un principe de réalité s'impose. Nous ne pouvons pas nous permettre de maintenir l'organisation actuelle des soins, dans laquelle les ophtalmologues interviennent en premier recours. Au Royaume-Uni au contraire, le premier recours est assuré par les infirmiers, les ophtalmologues étant renvoyés en deuxième recours. Peut-être n'est-ce pas un schéma idéal, mais au moins cela prouve-t-il que notre organisation peut être interrogée. De façon assez prudente, nous plaidons – sous réserve d'une amélioration de la formation des opticiens comme des orthoptistes – pour qu'un certain nombre d'actes qui ne relèvent pas de l'approche de pathologies oculaires puissent être pris en charge par ces professions. Rappelons que ces dernières sont mentionnées au code de la santé publique, y compris les opticiens. En revanche, nous n'allons pas jusqu'à recommander de renvoyer les ophtalmologues en deuxième niveau dans la gradation des soins. Nous sommes attachés à une proximité médicale, pour qu'en premier niveau, la prise en charge des pathologies – y compris lorsqu'elles sont dépistées à l'occasion de soins très simples réalisés par les orthoptistes – soit assurée par des ophtalmologues.
Monsieur Lurton, notre rapport n'aborde pas cette année la politique familiale. En revanche, notre rapport précédent en dressait un bilan sur plusieurs années. Il en ressortait que notre politique familiale s'était rapprochée de celle de nos pays voisins, et que les mesures qui avaient été prises avaient rendu la redistribution plus efficace. L'existence d'excédents durables dans la branche famille, appelés à croître d'un milliard d'euros par an, peut donner des idées de dépenses nouvelles dans ce secteur. Ce n'est toutefois pas la position qu'avait exprimée la Cour jusqu'à présent.
Monsieur Cordier, les douanes sont en principe outillées pour lutter contre la contrebande de tabac. La réduction du tabagisme est manifeste. La preuve en est que nous assistons parallèlement à une explosion des ventes de substituts nicotiniques, lesquels sont désormais pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Il semble donc que le « signal prix » ait un effet majeur en termes de santé publique. Rappelons que le tabac cause 70 000 morts par an.
Enfin, le rendement actuel de la CRDS représente 7,9 milliards d'euros pour la CADES. Il conviendra d'ailleurs de redéfinir la destination de cette ressource après la disparition de la CADES en 2024.