Je vous répondrai d'abord sur le dossier migratoire. Sans l'impulsion de la France et du Président de la République, le Conseil européen de juin dernier n'aurait jamais abouti à ce socle de travail comportant trois volets : un volet externe, un volet interne, avec la réforme de Dublin, et un volet qui concerne la protection de la frontière. Avec la présidence autrichienne, nous faisons beaucoup d'efforts pour que la question migratoire ne soit plus un sujet de division et que les deux textes du paquet de Dublin encore en discussion, notamment sur Frontex et la directive « Retour », soient adoptés avant la fin du mandat de la Commission et les élections européennes. C'est là un objectif central pour lequel s'est constituée une coalition d'intérêts entre la présidence et nous. Mais le sujet demeure compliqué, plus d'ailleurs du fait de l'Italie que de l'Allemagne, car cet État empêche toute avancée par son refus quasi-systématique d'en débattre.
Le concept de solidarité obligatoire aurait vocation à remplacer celui de répartition obligatoire des migrants arrivant sur le sol de l'Union européenne par la voie maritime ou par la voie terrestre. On s'intéresse beaucoup, en effet, aux arrivées par bateaux, mais la majorité des flux passent par la voie terrestre. La voie maritime, quant à elle, est aujourd'hui surtout empruntée par les migrants allant du Maroc vers l'Espagne et le Portugal, la voie passant par la Libye étant beaucoup plus contrôlée. L'idée que porte le concept de solidarité obligatoire, qui va être discuté demain, est de ne forcer personne à accueillir des migrants qui ont obtenu le droit de séjour sur le territoire du fait de la mise en oeuvre de la protection internationale via le droit d'asile. Nous avons d'ailleurs constaté que chercher à faire pression sur les pays qui ne veulent pas accueillir de migrants ne donne aucun résultat. Le mécanisme de solidarité obligatoire pourrait prendre deux formes : l'accueil physique sur son territoire des personnes en recherche de protection ou bien le versement d'une contribution financière aidant les pays qui accueillent ces personnes à gérer les hot spots qui pourraient devenir des centres contrôlés.
Les réactions négatives des opinions publiques de certains pays de l'Union européenne, qui se traduisent parfois par une montée du populisme, proviennent pour une part de ce que ces pays ont été laissés en première ligne, sans solidarité suffisante des Européens, lors de la crise migratoire de 2015. Des hot spots de Grèce et d'Italie n'ont alors pas été bien gérés et les populations de ces pays se sont légitimement senties abandonnées. Avec le mécanisme de solidarité obligatoire, l'accueil s'élargirait en prenant la forme d'une solidarité financière à défaut d'un accueil des migrants sur son sol.
J'ignore si le mécanisme de solidarité obligatoire sera mieux reçu que celui de répartition obligatoire. Sans doute n'ira-t-il pas de soi. Mais on ne peut accepter, c'est une évidence, que l'Europe du Sud gère les arrivées en s'occupant du débarquement des bateaux et de la répartition des migrants, tandis que l'autre partie de l'Europe regarde. C'est en tout cas ainsi que la présidence autrichienne va présenter le sujet des migrants demain. Vous me demandez si ces textes peuvent être adoptés avant la fin du mandat de la Commission. C'est notre souhait et nous travaillons en ce sens mais, parfois, le Parlement européen n'a pas voulu adopter des textes qui peuvent paraître moins humanitaires que ceux existants : sur le renforcement de la directive retour, par exemple, il est possible que le Parlement ne trouve pas que les méthodes retenues soient les plus appropriées. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen est en effet très sensible aux aspects humanitaires et elle a bien sûr raison, l'Union européenne ayant d'ailleurs placé les droits de l'homme en haut de ses préoccupations. Mais il n'en reste pas moins que des procédures de retour effectives doivent aussi avoir lieu.
Pour répondre plus précisément à votre question, je dirai que même si le Conseil se met d'accord sur ce texte avant la fin de l'année, nous ne sommes pas pour autant certains que le Parlement européen, qui pour le moment se montre un peu sceptique, l'accueillera bien. Or, il s'agit là d'un texte essentiel qu'accompagne le renforcement de Frontex, qui pourrait d'ailleurs prendre part à la mise en oeuvre de ces retours collectifs.