Intervention de Sandrine Gaudin

Réunion du jeudi 11 octobre 2018 à 10h15
Commission des affaires européennes

Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes :

Il n'est pas inutile d'ajouter que, même si l'Aquarius avait bénéficié d'un pavillon français, le droit international aurait continué à s'appliquer, le port le plus proche restant le port le plus proche. Si ce port est Marseille, le débarquement doit se faire à Marseille, et si ce port est en Corse, il doit se faire en Corse ! Les satellites nous permettent de savoir précisément quel port est le plus proche. Pour l'Aquarius, j'ai suivi le sujet en direct et je puis vous assurer qu'il s'agissait de celui de La Valette, car la géographie fait que Malte n'est pas très éloignée des côtes libyennes. La grande majorité des bateaux de migrants provenant de Libye débarquent à Malte, en Sicile ou dans d'autres ports italiens, selon les courants et la météorologie. Et ce n'est pas parce que l'ONG qui affrète l'Aquarius a sa base logistique à Marseille que le bateau doit faire des rotations entre Marseille et la Libye !

J'en arrive au code européen des affaires dont le Président a parlé dans son discours de la Sorbonne sous un angle un peu différent, puisqu'il n'a pas employé le terme de code. Il a en effet déclaré dans ce discours que disposer d'un socle de règles concernant les entreprises qui soit cohérent et complet, ce qui n'existe pas actuellement, est une idée intéressante. Ce code européen des affaires sera très large et concernera aussi bien le droit des sociétés, la comptabilité, la fiscalité et la concurrence que le droit social, comme le droit du travail. Un préalable nécessaire consisterait donc à se demander quel sera le champ de ce code, car les compétences de l'Union européenne pour légiférer sont plus ou moins grandes selon le champ, et le degré d'harmonisation des règles est plus ou moins poussé – le droit du travail étant un domaine où l'harmonisation est moins poussée que pour le droit des sociétés ou les normes comptables, par exemple.

La question se pose donc de savoir ce qui sera mis dans ce code dont le champ n'est pas évident à définir. Il faudra, sur ce plan, faire un choix. Mais la seule véritable difficulté que comporte la réalisation d'un code européen des affaires vient des directives, car si un grand nombre de textes européens sont des règlements qui, normalement, s'appliquent directement – un certain nombre d'entre eux concernent le droit des sociétés – d'autres sont des directives qui ont conduit de la part des États membres à des choix de transposition. Aussi aurions-nous avec ce code un recueil de textes communautaires sans avoir pour autant forcément la norme applicable dans chaque État.

Le cas du projet de loi destiné à supprimer les surtranspositions qui est sur le point de vous être soumis va me permettre de me faire mieux comprendre, car c'est en préparant durant tout l'été dernier ce projet de loi que j'ai beaucoup mieux saisi en quoi consiste la transposition. Pour chaque transposition, des questions se posent : que veut-on faire de cette norme générale qu'on nous demande d'appliquer ? Jusqu'où faut-il transposer ? Faut-il utiliser les dérogations permises par le texte ? Or, en fonction des réponses données à ces questions et des choix opérés, le régime ne sera pas le même, par exemple, en France et en Allemagne. En rédigeant le code des affaires, on se heurtera à ce type de difficultés qui obligera à décider que ce code est un recueil de textes plutôt qu'un code qui établit l'ensemble des règles s'appliquant sur tel et tel sujet. Je vous prie de m'excuser pour ces considérations un peu techniques dont, en tant que juriste, je souhaitais vous faire part.

Le projet de code des affaires découle d'un souci pratique de lisibilité. Il s'agit, pour les entreprises, de savoir à quels textes elles sont soumises et si ces textes relèvent du domaine législatif européen ou du droit national. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit, des questions de méthode vont se poser préalablement à la rédaction de ce code. Ces questions concernent notamment son champ. Et ce qui me fait un peu sourire, c'est que de nombreuses personnes qui réclament ce code avec insistance, lorsque je leur ai demandé de m'indiquer ce que devrait être selon eux son champ, n'ont pas donné suite. Il nous faut ainsi prévoir au niveau européen des discussions, et donc des désaccords, sur le champ de ce code qui pourra concerner les domaines fiscal, social, comptable mais aussi le droit du travail, celui des sociétés et celui des fusions. Le débat européen sur le code des affaires sera peut-être encore compliqué par des préoccupations franco-allemandes, car nous pensons que ce code doit être réalisé avec l'Allemagne ou d'abord à partir d'un socle franco-allemand.

Le code des affaires est en tout cas un beau sujet. Nous devons cependant veiller à ce qu'il n'ait pas l'effet paradoxal de montrer des failles et lacunes qui amènent une demande supplémentaire de législation. Le secteur privé ne cesse de répéter que les règles auxquelles il est soumis sont trop nombreuses et, comme vous le savez, il a été demandé à la Commission Juncker que son programme législatif soit plus réduit que celui de la commission Barroso. Il ne faudrait donc pas que le code appelle une surrégulation européenne dans un contexte où prime le « Mieux légiférer ». En conclusion sur ce sujet, je dirai que le code des affaires pose d'importants problèmes pratiques car le droit européen n'est pas directement entièrement applicable dans tous les États membres. On ne peut donc, pour réaliser ce code, se contenter de faire une compilation intelligente.

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