Intervention de Franck Riester

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Franck Riester, ministre de la Culture :

Je voudrais féliciter Mme la rapporteure et vous remercier, mesdames et messieurs les députés, de toutes ces questions auxquelles je vais essayer de répondre.

Madame Calvez, la sanctuarisation de l'investissement dans la création est tout à fait pertinente, le Premier ministre l'a réaffirmé au mois de juillet de façon très claire. Il est nécessaire que l'audiovisuel public contribue fortement à la création. Néanmoins, procéder par voie d'amendement pose des problèmes à la fois juridiques et comptables. D'abord, la contribution à l'audiovisuel public, l'ancienne redevance, est attribuée aux entreprises – c'est ainsi qu'elle a été validée par la Commission européenne – et non au budget d'une mission spécifique. Les contrats d'objectifs et de moyens (COM) précisent les engagements qui sont demandés aux entreprises audiovisuelles publiques. Ils donnent lieu à évaluation et vous pouvez compter sur ma détermination totale à faire en sorte que les objectifs ambitieux en matière de création soient respectés. La réforme des entreprises audiovisuelles publiques vise d'ailleurs à mobiliser le maximum de moyens pour la création, à une période où l'argent public se fait rare. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

S'agissant du crédit d'impôt phonographique, je soutiens totalement cet outil. C'est une dépense fiscale efficace ; son coût de 9 millions d'euros par an est raisonnable par rapport à l'intérêt qu'il présente. Le Gouvernement est donc favorable à sa prolongation. Bien entendu, nous attendons les conclusions de la mission de l'inspection des finances pour savoir s'il faut éventuellement modifier certains aspects. Comme le disait Mme Kuster à propos du mécénat, on peut avoir une attitude très volontaire pour défendre un certain nombre de dispositifs tout en étant ouverts à leur amélioration, de façon à mobiliser l'argent public de façon encore plus efficace.

Le CNC a connu un succès exceptionnel. En dix ans, ses moyens ont augmenté de plus 40 % et les soutiens automatiques qu'il accorde ont énormément progressé. Cela a permis de soutenir le renouveau de la fiction, avec des séries créatives comme Le Bureau des légendes, connue dans le monde entier, et de conserver sur notre territoire les tournages d'un certain nombre de séries, comme Versailles. Mais on doit maintenant se préoccuper de la maîtrise des dépenses et de l'équilibre budgétaire du Centre. Depuis un certain nombre d'années, le rendement des taxes qui l'alimentent est stable après avoir augmenté fortement au moment de l'élargissement de la taxe aux opérateurs de télécommunications. Or le mécanisme de soutien automatique entraîne des dépenses assez fortes. Il devient nécessaire de les maîtriser, mais aussi d'adapter les soutiens aux nouveaux enjeux du secteur et à l'évolution des usages, afin de favoriser l'évolution vers le numérique, de défendre l'originalité des formats ou des écritures, de soutenir l'exportation des contenus, qui apporte des revenus complémentaires. Cette adaptation des dispositifs d'aide et d'accompagnement du CNC se fera en concertation avec les acteurs de la filière ; je rencontrerai très prochainement les responsables du Centre et nous aurons l'occasion de reparler ensemble de ses choix budgétaires et éditoriaux.

Concernant le droit d'auteur, Netflix et les plateformes, il y a eu une grande avancée au niveau européen, grâce à la pugnacité de Françoise Nyssen, qui s'est beaucoup mobilisée avec ses collègues du Gouvernement, des députés européens et des parlementaires français pour obtenir l'obligation, pour les géants du Net, d'investir dans la création française et européenne. Il nous faudra transposer la directive révisée sur les services de médias audiovisuels (SMA) qui permettra d'obliger les nouveaux entrants à investir dans la création ; ainsi, les services de vidéo à la demande, tels que Netflix, auront désormais l'obligation de proposer au moins 30 % d'oeuvres européennes au sein de leur catalogue.

En outre, sous l'impulsion du Président la République et du Premier ministre, le Gouvernement mène actuellement un combat vigoureux sur la taxation des revenus et les chiffres d'affaires des géants du Net. Bruno Le Maire fait le tour des capitales européennes pour convaincre nos partenaires de la nécessité de garantir l'équité entre acteurs traditionnels et nouveaux acteurs en ce qui concerne non seulement le financement de la création mais aussi la contribution financière au budget de l'État. Vous avez aussi insisté sur ce point ; sachez que la rémunération proportionnelle des auteurs fait partie du socle de l'exception culturelle et que j'y suis profondément attaché.

Concernant l'audiovisuel extérieur, vous avez souligné, madame la rapporteure, un certain nombre de points pertinents, dont il conviendrait de débattre plus longuement. Pour moi, au sein de la réforme de l'audiovisuel public, celle de l'audiovisuel extérieur de la France est essentielle. Nous avons la chance d'avoir un outil au service du rayonnement culturel de notre pays, de la francophonie, et même au-delà puisqu'un certain nombre de chaînes n'émettent pas qu'en français. Nous devons veiller à mutualiser au maximum les fonctions support pour optimiser les moyens consacrés aux programmes.

S'agissant du portage de la presse, nous devons mener ensemble une grande réflexion sur toute l'organisation de la distribution de la presse et sur Presstalis. Il faudra bientôt discuter de la réforme de la loi Bichet et c'est tout l'équilibre économique de la distribution de la presse qui devra être regardé de près. La diminution de l'aide au portage qui vous préoccupe en l'espèce est liée à la baisse des volumes – peut-être pas à due proportion. Nous avons prévu 26,5 millions d'euros en 2019, ce qui est quatre fois supérieur au niveau de 2008. L'augmentation a donc été importante, selon le choix qui a été fait il y a quelques années. La baisse du portage nécessite une adaptation financière mais surtout de repenser globalement le système de distribution de la presse pour l'avenir.

L'animation est un secteur d'activité très dynamique dans notre pays. Il faut poursuivre sur cette lancée, et la suppression en 2020 du canal de France 4 ne doit pas conduire à une remise en cause des investissements dans ce secteur. Au contraire, il s'agit de faire en sorte de toucher les jeunes là où ils regardent les contenus d'animation. Nous aurons à conduire cette réflexion avec France Télévisions, et il y a une vraie volonté de conserver ce public jeune, qui est le public de demain pour les chaînes de France Télévisions.

Certains d'entre vous ont aussi abordé la question de la rémunération des auteurs. Nous combattons au niveau français et au niveau européen pour la conforter, parce qu'il n'y a pas de programmes audiovisuels sans auteur. C'est pourquoi la société des auteurs a souhaité réviser ses relations avec France Télévisions. Je suivrai avec attention ces discussions et ne doutez pas de mon engagement et de celui du ministère.

Monsieur Bournazel, concernant le livre et les bibliothèques, j'ai confirmé dans le budget l'engagement de compléter à hauteur de 2 millions d'euros la dotation en faveur des bibliothèques qui est inscrite au budget du ministère de l'Intérieur. Je prends bonne note de votre amendement concernant les crédits. Vous voudriez rapatrier cette dotation dans le budget du ministère de la Culture. Ce serait en changer la nature car il s'agit d'une compensation de décentralisation. Couper le lien avec les collectivités territoriales la fragiliserait.

Mme Duby-Muller a, c'est bien normal, évoqué certaines de mes déclarations, dans cette même commission, sur la fameuse taxe « Copé ». En effet, cette taxe sur les opérateurs de télécommunications, instaurée pour financer l'audiovisuel public, ne lui est en réalité pas affectée. Cela démontre la nécessité de remettre à plat le financement de l'audiovisuel public, de façon à garantir sa pérennité et sa capacité à satisfaire les besoins par rapport aux objectifs ambitieux que nous avons pour lui. Cela veut dire réfléchir sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public, puisque la taxe d'habitation, à laquelle elle est adossée, entre progressivement en extinction. Il conviendra d'en discuter, au sein du Gouvernement, avec les autres ministres directement concernés, et, au sein du Parlement, sur la base du rapport Bergé-Bournazel, en tenant compte des contributions d'un certain nombre d'entre vous qui connaissent particulièrement ces sujets. Il n'y a pas à se précipiter puisque, durant la phase d'extinction de la taxe d'habitation, les financements sont pérennisés, mais il faudra néanmoins le faire rapidement.

J'ai déjà un peu parlé de France Médias Monde. S'agissant de France Ô, je serai particulièrement attentif à veiller à l'intégration de programmes concernant nos compatriotes d'outre-mer, sur l'ensemble des chaînes de France Télévisions. Certes France Ô, qui avait une audience assez faible, ne sera plus diffusée par canal hertzien. Mais nous allons nous assurer de la présence des outre-mer dans les programmes et, avec ma collègue Annick Girardin, réunir un groupe de travail comportant des parlementaires particulièrement concernés. Ce groupe aura pour mission de proposer des engagements de programmation chiffrés et mesurables, dont certains seront intégrés dans le cahier des charges de France Télévisions ; on pourra donc ensuite vérifier que l'engagement est bien réel.

Monsieur Larive, si vous étiez dans l'hémicycle hier, vous m'avez entendu réaffirmer ma volonté de travailler à la création du Conseil de déontologie des journalistes. Je l'ai dit aussi à l'occasion du centenaire du Syndicat national des journalistes. Emmanuel Hogg y travaille. Les responsables politiques ont l'impérieuse obligation de respecter les journalistes dans leur travail, de veiller à la liberté de la presse et à son pluralisme. Un tel dispositif existe dans d'autres pays et doit permettre de conforter les liens de confiance entre les Français et la presse.

Réfléchir au financement de l'audiovisuel public suppose aussi d'examiner l'hypothèse du financement par la publicité, sans oeillères et sans dogmatisme. On sait par exemple que, pour le sport, on a besoin de parrainages et de dispositifs publicitaires adaptés. Mais il est bon de clarifier les modalités de financement de l'audiovisuel, public et privé. Je persiste donc à dire que je suis favorable à la sanctuarisation d'un financement public pour l'audiovisuel public, mais sans casser les équilibres économiques actuels. Ce serait suicidaire, singulièrement au moment où il faut adapter l'organisation de l'audiovisuel public pour lui permettre de relever les défis à venir.

J'ai parlé du Conseil de déontologie, madame Colboc, et indiqué dans mon propos introductif, monsieur Testé, que le chantier des artistes auteurs est ouvert. Les 260 000 artistes auteurs demandaient depuis cinq ans une concertation ; ouverte, enfin, en juillet dernier, elle porte sur la protection au sens large, et aussi sur leur pouvoir d'achat. Certaines dispositions ont été prises en Conseil des ministres pour assurer le maintien du pouvoir d'achat des artistes auteurs, avec un système de compensation de la hausse de la CSG. Comme vous le constatez, nous veillons à préserver la situation des auteurs.

Oui, monsieur Masséglia, je me rendrai à la Paris Games Week pour réaffirmer la volonté du Gouvernement de soutenir le jeu vidéo. On ne peut résumer le soutien public au secteur du jeu vidéo aux seuls documents budgétaires du ministère de la Culture : c'est le ministère de l'économie qui porte l'essentiel des aides directes à ce secteur, qui compte plus de 500 entreprises très dynamiques, et le crédit d'impôt jeux vidéo a été revalorisé dans une très forte proportion en 2017, vous le savez. Nous ne manquerons pas d'évoquer à nouveau ce secteur ensemble, notamment dans sa dimension internationale, parce qu'il permet, comme les industries culturelles en général, une belle dynamique de développement de notre commerce extérieur. Vous pouvez compter sur mes collègues de l'économie et des finances et sur moi pour l'appuyer.

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