Intervention de Cendra Motin

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCendra Motin, rapporteure spéciale (Fonction publique et Crédits non répartis) :

Parmi les grands chantiers du quinquennat, il est en un qui nous tient tous à coeur : la meilleure maîtrise de la dépense publique et son efficience.

C'est dans cette optique que le Gouvernement a lancé, dès le début du quinquennat, la transformation de l'action publique, qui nécessite une modernisation de la fonction publique que le Gouvernement entend mettre en oeuvre très rapidement. De nombreuses propositions ont été apportées par le comité « Action publique 2022 » et quatre cycles de concertation ont été ouverts avec les organisations syndicales de la fonction publique sur la rénovation du dialogue social, l'ouverture de la fonction publique, la structure de la rémunération et son articulation entre reconnaissance des expertises, de l'engagement et de la carrière, et l'accompagnement à la mobilité dans et hors de la fonction publique.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, la masse salariale du budget général de l'État atteint 131,7 milliards d'euros, soit 28,4 % du budget qui nous est présenté. L'augmentation est de 2,1 milliards d'euros depuis la loi de finances initiale pour 2018 en tenant compte de l'augmentation des cotisations et contributions sociales de plus 800 millions d'euros. Le 1,35 milliard supplémentaire de rémunération d'activité est lié aux mesures catégorielles ; 600 millions d'euros dont 350 millions pour la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » et au glissement vieillesse technicité.

Compte tenu des sommes en jeu, il nous semble primordial de conduire une véritable réforme de la rémunération des agents, afin d'encourager leur engagement tout en maîtrisant la dépense publique.

Dans mon rapport à mi-parcours, j'avais choisi de travailler sur l'incitation à la performance. Plusieurs options sont en discussion. Premièrement, l'intensification de l'harmonisation des indemnités rémunérant l'expertise des agents et la généralisation du complément indemnitaire annuel à tous, quelle que soit leur catégorie ou leur grade, pour mieux prendre en compte l'investissement et l'implication personnelle. Cette partie liée à la performance de l'agent n'est souvent pas utilisée par les employeurs publics ou à des niveaux trop faibles pour être significatifs et attractifs. Deuxièmement, l'incitation à la performance collective via un dispositif d'intéressement à la réussite des chantiers de transformation de l'action publique à tous niveaux.

Dans tous les cas, il s'agit aujourd'hui d'avancer vers la remise à plat de la structure de rémunération des fonctionnaires pour mieux l'articuler avec la réforme des retraites et pour rendre celle-ci plus attractive et moins automatique.

Les réformes de l'action publique doivent permettre de réduire le nombre d'agents publics tout en conservant un haut niveau de service au public, grâce à une action repensée et modernisée ; c'est l'engagement du Président de la République et de la majorité. Pour 2019, l'excédent des suppressions par rapport aux créations d'emplois s'élève à 4 164 équivalents temps plein (ETP) dont 1 571 ETP pour l'État et 2 593 ETP pour les opérateurs.

Il nous a été confirmé, que conformément à l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, le plafond d'emplois devrait être revu en cours d'examen, en fonction du schéma de fin de gestion arrêté dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018. En effet, à compter de cet exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois ne peut excéder de plus de 1 % la consommation des emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée des schémas d'emplois, des mesures de transfert et de périmètre. Cette nouvelle règle doit nous permettre de suivre au plus près la réalité des emplois de l'État, afin de rompre avec la pratique un quelque peu absurde de déconnexion entre le plafond d'autorisations d'emplois et les emplois réels.

Quelques mots maintenant sur les crédits des programmes 148, 551 et 552.

La mission Crédits non répartis contient deux dotations prévues par la loi organique relative aux lois de finances : « une dotation pour mesures générales en matière de rémunérations, dont la répartition par programme ne peut être déterminée avec précision au moment du vote des crédits » prévue au programme 551 ; « une dotation pour dépenses accidentelles destinées à faire face à des calamités et pour dépenses imprévisibles » inscrite au programme 552.

Pour la première, le Gouvernement a inscrit 70 millions d'euros résultant des décisions du rendez-vous salarial de juin dernier afin de revaloriser le barème de monétisation des jours épargnés sur un compte épargne temps, le barème kilométrique et les barèmes pour frais de nuitées des agents en déplacement. Il y a ajouté 9 millions d'euros pour tenir l'engagement de promouvoir les mobilités durables au sein de la fonction publique et pour rembourser, à ce titre, une indemnité kilométrique « vélo » pour les trajets domicile-travail.

Pour la seconde, 424 millions d'euros en autorisations d'engagement et 124 millions d'euros en crédits de paiement doivent permettre de faire face à des dépenses accidentelles.

Au sein de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, le programme Fonction publique prévoit 206,9 millions d'euros pour financer la formation des fonctionnaires et l'action sociale interministérielle. Le fait le plus notable est la diminution de 31 millions d'euros des crédits qui résulte de la suppression de la part « direction générale de l'administration et de la fonction publique » (DGAFP) de l'appui à la rémunération des apprentis : il incombe désormais à chaque ministère de rémunérer les apprentis sur sa propre dotation.

Les opérateurs du programme que sont l'École nationale d'administration (ENA) et les instituts régionaux d'administration (IRA) voient leurs subventions diminuer pour 2019 : 44 millions d'euros pour les IRA, en diminution de 1,2 million d'euros. Quelque 30,2 millions d'euros finançaient l'ENA, soit une diminution initialement prévue de 879 000 euros, qui, du fait de l'engagement de l'École à redresser ses comptes, sera revue à la baisse lors de l'examen du texte en séance publique.

La situation financière de l'ENA est complexe. Le déficit de 2,13 millions d'euros pour 2017 nous a inquiétés et nous avons conduit un contrôle sur place au mois de juillet en nous rendant à Strasbourg puis en septembre dans les locaux parisiens. Nous voulions effectivement comprendre l'origine et les raisons d'être d'un déficit décrit comme structurel par plusieurs interlocuteurs.

L'ENA bénéficie chaque année d'une subvention inscrite sur le programme 148. Elle couvre globalement les frais de préparation aux concours – dont 7 millions d'euros pour le cycle préparatoire d'élèves qui réussiront, in fine, d'autres concours que l'ENA –, l'organisation des concours et la formation initiale des élèves français et étrangers. En revanche, les actions de formation continue et les actions internationales sont le plus souvent menées à perte. Il en résulte que l'ENA doit jongler avec des retards de paiement importants, une obligation qui lui est souvent faite de ne pas valoriser ses formations à leur juste prix, sans compter les efforts d'intégration d'élèves et de nouvelles structures qui ont été réalisés sans un véritable alignement des moyens.

Le nouveau directeur de l'ENA, M. Patrick Gérard, nommé l'été dernier, a pour mission de refaire de l'ENA le fer de lance de notre administration publique et de former les leaders de la transformation publique de demain. Bien conscient de la situation de cette institution et de la nécessité d'une réflexion plus globale sur le rôle et la place de cette école d'excellence, il a pour la première fois diligenté un audit indépendant de l'école qui l'a amené à proposer, en accord avec la DGAFP, un plan de redressement sur trois ans, qui devrait voir ses comptes repasser dans le vert.

L'ENA doit pour cela devenir une véritable école du leadership public européen, aussi bien sur la formation initiale que sur la formation continue. Force est de constater qu'elle peine à viser les plus hauts cadres dans ses actions de formation continue alors que cela devrait être son coeur de métier. C'est donc sur cela qu'elle va se recentrer, en simplifiant son organisation interne pour la rendre plus agile et plus experte, en rationalisant les coûts de formation des élèves et en revalorisant sa marque.

En outre, il apparaît clairement que son activité de coopération internationale s'essouffle sur un spectre géographique trop large. L'école devrait se concentrer sur l'Europe, où elle obtient des résultats remarquables : en 2017, l'ENA a remporté l'appel d'offres visant à renforcer les compétences de l'administration bulgare en vue de la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. En quelques mois, l'ENA a formé 300 futurs présidents de groupes de travail au Conseil. Un autre partenariat a été mis en place pour la présidence roumaine du premier semestre 2019. Nous sommes convaincues que l'ENA peut devenir l'institution de référence en Europe pour la formation des hauts potentiels et dirigeants publics ; cela sans augmentation des coûts. Nous ferons en ce sens plusieurs propositions dans notre rapport spécial.

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